A Rome, les aqueducs rentraient donc sous terre et la distribution en eau se faisait par canalisations. Les eaux les plus pures étaient en général réservées à la boisson. Mais elles n'étaient pas apportées directement à chaque habitant. Il fallait en effet une concession spéciale, accordée par l'empereur, pour obtenir du curateur des eaux qu'il fasse faire un branchement particulier. A partir de là, des fautes innombrables eurent lieu. Dans les campagnes, la plupart des propriétaires dont les champs sont longés par un aqueduc perforent les canalisations si bien que les aqueducs publics servent plus les besoins des particuliers que de la population vivant à Rome. Par ailleurs, au sein même de la ville, certains préposés arrondissaient leurs revenus en pratiquant ce qu'ils nommaient des "piqures". Les tuyaux qui transportaient l'eau afin de desservir les habitants cheminaient sous terre et étaient percés ici et là par ces personnes qu'on appelait des "préposés aux piqures". Ils se chargeaient en fait de fournir de l'eau par l'installation de tuyaux particuliers à tous ceux qui voulaient en trafiquer si bien qu'au bout du compte, seulement un faible débit parvenait au bout pour l'usage public.
Par ailleurs, lorsqu'une concession d'eau passe à un nouveau propriétaire, les fontainiers en profitent pour percer un nouveau trou dans le château d'eau et laissent l'ancien, duquel ils retirent de l'eau afin de la vendre. On a donc un véritable marché, un trafic d'eau qui s'opère dans la ville de Rome, surtout sous l'Empire avec la multiplication des constructions d'aqueducs. C'est un trafic illégal où l'eau est vendue à divers prix, le plus élevé étant bien sûr recherché. On retrouve ce même type de problème aux alentours de Rome, dans les régions rurales où cette fois-ci, ce sont les conduits et canaux qui sont percés par les propriétaires riverains des aqueducs qui n'hésitent pas à se servir de l'eau publique destinée normalement à alimenter la ville de Rome et ses habitants. Ces personnes sont souvent de riches patriciens qui possèdent des villas et qui désirent l'agrémenter de fontaines privées. Ils peuvent faire appel aux préposés aux piqures qui, contre une somme d'argent, installent pour eux une dérivation à partir des aqueducs et qui va jusqu'à l'intérieur des propriétés des patriciens. On a donc deux types de fraudes: les fraudes rurales commises par les particuliers et les fraudes urbaines faites par les fontainiers publics.
On voit donc se développer chez les particuliers de cette époque un luxe excessif qui les conduit à gaspiller l'eau publique destinée à tous en la détournant pour des usages privés. Ces excès sont rendus possibles par la complicité active des fontainiers qui se laissent facilement corrompre. Leurs méthodes sont très diverses: il y a les "piqures" sur les conduites publiques, c'est-à-dire les percements des conduites d'eau, les poses de tuyaux volants par les préposés aux piqures", qui, sur leurs parcours, fournissent de l'eau par des tuyaux particuliers à tous ceux qui veulent en trafiquer. Il y a également la disposition favorable des prises d'eau, le maintien de sorties d'eau officiellement fermées, toutes ces pratiques relevant souvent d'initiatives particulières. Mais d'autres pratiques frauduleuses supposent l'existence de complicités dans l'ensemble du système administratif quand il est question pour les curateurs des eaux de prononcer des amendes et de contraindre "sans manoeuvre frauduleuse" comme il est précisé dans la loi Quinctia. C'est le cas par exemple lorsqu'il s'agit d'utiliser des tuyaux non poinçonnés, autrement dit non marqués par les curateurs des eaux, d'en modifier le calibre ou d'inventer pour les dits tuyaux des nomenclatures hors normes. De telles pratiques supposent en réalité l'existence de tout un réseau de complaisances qui remet ainsi en cause une hiérarchie théoriquement placée sous le contrôle et la responsabilité du curateur des eaux. Ces faits révèlent donc la profonde dégradation du service des eaux de Rome dans lequel la confusion, la négligence et l'incurie se sont installées.