Chapiteau représentant la Fuite en Egypte, cathédrale d'Autun
Parmi les 576 communes du département de Saône et Loire, plus de 300 possèdent une construction ecclésiastique de style roman. Les études internationales conduites depuis le milieu du XIXesiècle ont permis de mettre en évidence la richesse du corpus. Pourtant ni la création historiquement récente du département, ni les périodes considérées pour les constructions, ni même l'étude proprement dite des édifices ne permettent d'en faire un ensemble véritablement homogène. En particulier, on note une césure radicale entre le tiers nord-ouest du département (Charolais, Bourbonnais, Autunois, Morvan : en gros la partie correspondant à l'ancien diocèse d'Autun) et le reste du département.
Préalables
Le présent article repose sur le croisement, contestable, de deux notions équivoques dans ce contexte. Il y a donc lieu de tenter, brièvement, de préciser ce qui fait difficulté, et les motifs qui peuvent justifier, jusqu'à un certain point, un tel découpage.
La notion d' « art roman » est une invention du XIXe siècle, et Xavier Baral y Altet vient justement d'attirer l'attention sur les conditions étranges qui ont présidé à cette naissance. La notion d' « art », comme Jean Wirth l'a rappelé récemment[réf. souhaitée], est une notion totalement anachronique en ce qui concerne le Moyen Âge ; l'adjectif « roman » désigne, avec une énorme approximation, un « style », c'est-à-dire une mixture sui generis de formes et de compositions, dont l'identification relève en général de l'appréciation esthétique subjective, bien plus que d'une analyse explicite, formalisée et vérifiable. Il reste indéniable que l'expérience et une attention organisée permettent, avec beaucoup d'exercice et un risque d'erreur de toute manière incompressible, d'opérer des distinctions utiles, qui peuvent au moins servir d'hypothèse dans le cadre d'études globales. On ne saurait pas davantage contester que le « style gothique » a succédé au « style roman », dans toute l'Europe, sans qu'il y ait de rupture claire, mais dans un mouvement qui a constitué au total une transformation radicale des modes de construction. C'est pourquoi, dans la suite, on s'autorisera à employer cet adjectif comme une sorte de raccourci pour désigner les édifices construits, dans la zone considérée, de la fin du IXe au courant du XIIIe siècle, à titre provisoire, et en tenant compte des conditions spécifiques du « passage au gothique » dans cette région.
La Saône-et-Loire est un département, c'est-à-dire une circonscription créée par les révolutionnaires, résultant largement d'un regroupement « rationnel » des subdélégations du XVIIIe siècle. Mais ni ce département, ni davantage la Généralité de Bourgogne qui le précéda, ne constituent des cadres appropriés s'agissant d'étudier la société des Xe-XIIIe siècles et ses constructions. Cependant le découpage administratif actuel a entraîné tendanciellement une segmentation de la documentation et des cadres d'études de plus en plus prégnante. D'où ont résulté de considérables erreurs de perspective : les notions d' « art roman bourguignon » ou « art roman en Bourgogne du sud » renvoient à un assemblage de pièces disjointes, appartenant en fait à des structures bien différentes. On utilisera donc le cadre départemental comme une limite purement conventionnelle, en essayant de ne jamais perdre de vue que l'ensemble des bâtiments considérés ne doit en aucun cas être considéré comme un tout homogène, et en évitant de croire que l'on pourrait découvrir une « logique d'évolution » de tout ou partie de cette zone en se limitant à l'étude départementale.