La réunion des États généraux du mouvement étudiant a été décidé par la dernière réunion de la coordination nationale étudiante, tenue peu après la victoire du mouvement contre le projet de loi Devaquet le 11 décembre 1986. Ces États généraux devaient permettre d’élaborer des revendications communes, de maintenir la pression sur le ministère et de conserver une liaison entre les étudiants mobilisés, syndiqués ou non.
Une association, Matière grise sur l'université de demain, regroupant l’UNEF-ID, l’UNEF-SE, le PSA, les JEC et des étudiants non syndiqués est chargée de coordonner le travail des différentes commissions locales issues du mouvement. C’est donc tout naturellement à elle que revient la préparation des états généraux. Une première réunion nationale se tient les 16 et 17 janvier à la Sorbonne. Les organisateurs qui attendaient un millier d’étudiants doivent finalement se contenter d’à peine deux cents participants. Leurs inquiétudes sont renforcées par les propos de Daniel Cohn-Bendit, l’un des invités, qui fort de son expérience affirme que «lorsque le mouvement retombe, les groupes politiques s'engouffrent dans l'espace politique que le mouvement vient d'ouvrir.».
Si les discussions sur les sujets pédagogiques, les structures de l'université et son financement ont été riches, en revanche, l’organisation des États généraux a fortement divisée les participants. Il a notamment fallut se prononcer sur un appel lancé le 15 janvier (la veille de l’ouverture de la réunion) par les étudiants de Paris-VIII (Saint-Denis), Strasbourg et Nancy II qui ont invité toutes les universités à tenir, le 31 janvier à Saint-Denis, des assises préparatoires aux états généraux. La question du lieu notamment pose problème. Aux dire même de Jean-François Kervan, un vice-président non-syndiqué de l’association, Saint-Denis n’est pas «neutre». En effet, ce campus est l’un des bastions de l’extrême gauche universitaire et de l’UNEF-SE. En conséquence, la direction de l’UNEF-ID et de nombreux non syndiqués rejettent ce choix. La réunion se termine donc, sur ce sujet, par une crise ouverte.
En l’absence de véritable réponse lors de la réunion précédente, l’appel des étudiants de Saint-Denis, Strasbourg et Nancy II a tenu lieu de facto de convocation. C’est donc à Saint-Denis, le 31 janvier, que les étudiants se retrouvent. Mais les rangs sont clair semés. En outre, les délégués ont souvent été nommés par des assemblées générales peu importante. La direction de l’UNEF-ID qui entend profiter de son rôle dans la mobilisation de novembre décembre, s’est peu impliquée.
La réunion porte sur l’organisation des états généraux mais rapidement le débat s’enlise. Vingt heures de réunion, pour choisir une date, un lieu et le mode de désignation des délégués. Le choix de la ville organisatrice a été un vrai casse tête. Plusieurs campus sont candidats. Ils disposent parfois d’un dossier fort bien préparé, comme Strasbourg. Mais ce n’est pas sur cela que se joue le choix. L’influence des syndicats dans la ville candidate compte beaucoup plus, d’où la difficulté du choix. Nanterre apparaît comme la candidate de l’UNEF-ID, Orsay celle de l’UNEF-SE, Toulouse et Strasbourg celles des indépendants. Finalement face au blocage de la discussion, les étudiants de Saint-Denis menacent de quitter la réunion et obtiennent, dans la foulée, que leur ville soit retenue. Le calendrier a posé moins de problème. Les États généraux ont été repoussés le plus tard possible c'est-à-dire les 27, 28 et 29 mars et des assises locales ont été prévues les 12 et 13 mars.
Reste le délicat problème de l’organisation de la réunion. L’UNEF-ID étant largement sous-représentée, l’UNEF-SE tente de profiter de la situation. Elle propose de désigner un bureau de seize délégués chargés de préparer les États généraux. Un tel comité, s’il était élu, serait sans doute marqué par la présence de nombreux militant de l’UNEF-SE. L’UNEF-ID et les non-syndiqués s’y opposent donc. Finalement, encore une fois, c’est le statu quo qui l’emporte. Le comité de liaison est confié à ceux qui sont à l’origine de la rencontre, c'est-à-dire les étudiants de Saint-Denis, Strasbourg et Nancy II.
Mais le principal point d’achoppement porte sur la désignation des délégués aux états généraux. Du choix qui va être fait, dépendra le poids des différents syndicats et des indépendants. Deux idées fortes dominent. Soit le nombre de délégués est le même pour chaque université soit il est proportionnel au nombre d’étudiants. L’UNEF-SE défend la première proposition, elle propose le chiffre de vingt-cinq élus par campus. Cette solution a l’avantage de mieux représenter les petites universités où ce syndicat est bien implanté. Au contraire l’UNEF-ID penche pour la méthode de la proportionnelle. Dans ce cas les gros campus, souvent des bastions de l’UNEF-ID, auraient une place prédominante. Le débat dure,divers formules de désignations sont proposées des plus simples aux plus ubuesques. Finalement, le nombre de délégués sera proportionnel à la racine carrée du nombre d'étudiants. La démographie est donc respectée, sans trop défavoriser les petites universités.
Le comité de liaison remplit son office, il prépare activement les états généraux (réservation des lieux de discussion, hébergement, repas…). Il décide de convoqué une réunion de l’emble des université les 7 et 8 mars pour faire le point.
Tous semble bien aller jusqu’à l’évocation de la situation financière. Une grande souscription nationale devait permettre de réunir 300 000 F mais au jour de la rencontre, seul 20 000F sont dans les caisses. En suite, on fait le point de la situation sur le terrain. Globalement, les assises locales se passent bien. Une grève à Nice remobilise les participants, déjà remonté par les propos de Robert Pandraud sur la mort de Malik Oussekine.
Mais le débat dérape lors qu’un délégué de Nanterre, encarté à l’UNEF-ID, propose que les États généraux fassent connaître leur soutiens aux étudiants «en butte à des États ou à des pratiques anti-démocratiques, à l'Est comme à l'Ouest». Les étudiants communistes y voient une provocation. Finalement l’amendement est repoussé à une courte majorité. Mais les délégués ne sont pas au bout de leurs efforts. La délicate question du bureau du comité de liaison est à l’origine de la plus grave crise de la rencontre, beaucoup souhaitent l’élargir ou le réélire. Les jeux d’appareils font donc leurs retours. Après plusieurs heures de discussion sans résultat et, pour éviter un échec, c’est finalement le statut quo qui l’emporte, le bureau reste inchangé.