Pierre Martyr d'Anguiera (d'origine italienne : Pietro Martire d'Anghiera) (1457-1526) était un humaniste, universitaire, diplomate, écrivain et historien de l'Espagne, de la fin du XVe et du début du XVIe siècle.
Pierre Martyr est toujours resté dans l'entourage immédiat des rois catholiques, Isabelle de castille et Ferdinand d'Aragon, puis dans celui de leur petit-fils Charles Quint, réunificateur des différents royaumes qui prendront le nom « Espagne. » Il y fit toute sa carrière et se trouvait à la cour lors de fin de la Reconquista d'abord, mais aussi au moment de la découverte des Indes occidentales – dont il est le premier à témoigner par écrit en 1494 – et durant la conquête des nouveaux territoires du Nouveau Monde et au début de leur colonisation.
Anguiera y a été successivement précepteur des enfants royaux, gentilhomme de la Chambre, conseiller, ambassadeur, directeur de l'École palatine, négociateur plénipotentiaire, chroniqueur et abbé de la Jamaïque.
Pierre Martyr d'Anguiera est le nom sous lequel il est cité dans de nombreux textes francophones. La forme internationale de son nom est Pietro Martire d'Anghiera (1457-1526). Depuis la premiere moitié du seizième siécle il est connu en France sous le nom de "Pierre Martyr de Millan" ou "Pierre Martyr d'Anghiera" dans de nombreux textes ultérieurs.
On trouve d'autres formes nominales dans d'autres langues :
Ces noms, utilisés lors de la publication de ses ouvrages en Europe au cours des cinq siècles écoulés, ont parfois été utilisés en français par des auteurs qui ont traduits ses textes. Il est tentant lorsqu'on puise des informations dans un texte écrit dans une langue étrangère de conserver l'orthographe du nom telle qu'on la rencontre : c'est parfois une erreur. Ces noms sont des traductions, dans toutes les langues locales d'édition, du nom originel de Pietro Martire d'Anghiera. Ils ont été utilisés dans de nombreux textes le concernant, ce qui cinq cents après sa mort peut semer le trouble. Pierre Martyr d'Anghiera a lui même modifié son nom. Il l'a "castillanisé". Il a aussi signé de nombreux documents de son nom "latinisé". Ses correspondants en Lombardie, dont certains le connaissaient depuis son enfance, ont continué à utiliser son nom de naissance. Cela est visible dans les textes originaux concernant Pietro Martire d'Anghiera dans ces langues.
Dés 1494, Martyr s’est improvisé "historien de la découverte" après avoir été le narrateur de la conquête de Grenade. Il a raconté dans ses lettres envoyées à plusieurs interlocuteurs ce qu'il a vu à la cour des Rois Catholiques. Ces lettres seront regroupées pour constituer les ouvrage que nous connaissons.
Pierre Martyr a personnellement rencontré plusieurs des participants à la conquête du Nouveau Monde, dont le plus important, Christophe Colomb. On peut considérer ses informations comme fiables et authentiques. A l'époque ou Martyr était précepteur à la cour, il était en charge de l'éducation du prince Don Juan mais aussi des pages de la reine. Parmi ces pages se trouvaient les deux fils de Colomb, Diego Colon et Hernando Colon. Martyr et Colomb se sont rencontrés de nombreuses fois; il se sont entretenus sur de nombreux points et ont échangé de nombreuses informations. Martyr le rappelle dans ses lettres. Il cite de nombreuses anecdotes qui lui ont été rapportées par l'Amiral de la Mer Océane.
Pierre Martyr, italien vivant en Espagne, fait connaître immédiatement la découverte d’un nouveau continent en Italie, à son ami d'enfance Ascanio Sforza. Il signale que le découvreur est Ligure. Personne en Italie n’a revendiqué quoi que ce soit au moment de cette découverte, ni ailleurs en Europe, il faut bien le reconnaître. Sauf François Ier, en France, qui a demandé qu'on lui montre le testament d'Adam qui l'exclurait du partage du Monde.
C’est également grâce à Pierre Martyr que nous connaissons la réception de Colomb par les Rois Catholiques au retour de son premier voyage, fin avril 1493, à Barcelone. Il fut le premier de tous les biographes de Colomb et dont les textes ont été publiés aussitôt.
Martyr est le premier à annoncer que les découvertes de Colomb concernent un nouveau continent inconnu jusqu'alors. Ses relations présentent une importance majeure : elles n'ont pas été altérées. Si ses lettres contiennent des erreurs elles sont le fait de Martyr lui- même. Ses textes ayant été publiées de son vivant, ils n'ont pu être modifiés à son insu. Ce qui n'est pas le cas pour les deux autres biographes contemporains de Colomb.
Par ses fonctions officielles au Conseil des Indes, Pierre Martyr avait accès à tous les documents officiels du royaume de Castille concernant la découverte et la colonisation du Nouveau Continent découvert par Colomb. Ces documents sont conservés aujourd'hui aux Archives des Indes de Séville Archivos de India, Sevilla.
De tous les auteurs qui ont écrit sur la découverte de l'Amérique, sur Christophe Colomb, sur la vie en Andalousie à cette époque, Martyr est la source principale de documentation contemporaine. C'est par la lecture de ses documents qu'il faut commencer. La lecture et l'analyse de ce qu'a écrit Pierre Martyr d'Anguiera est un excellent moyen d'investigation pour déceler les faussaires et les altérations de l'histoire concernant les événements de cette époque. Cela facilite la mise au rebut de certaines élucubrations récentes totalement infondées.
Dans le prologue de son Histoire des Indes, Las Casas indique : ".../...parmi ces auteurs on ne doit accorder à aucun plus de crédit qu'à Pierre Martyr, qui a écrit en latin ses Décades à une époque où il se trouvait en Castille, car ce qu'il y dit des débuts a été reçu soigneusement de l'amiral lui-même, qui fut le premier découvreur, et à qui il parla « souventes » (sic) fois, et de ses compagnons, ainsi que de ceux qui firent ces voyages dans les premiers temps".
Las Casas indique encore : " J'ai tiré tout cela de ce qu'écrit Hernando Colón, fils du "premier amiral" et des décades de Pierre Martyr qui en parle plus longuement que D. Hernando vu qu'à cette époque celui-ci était encore très jeune et Pierre Martyr a très bien pu l'apprendre de l'amiral en personne, car il fut très au fait de ce que celui-ci écrivait, résident alors à la cour et étant fort dans la faveur royale".
Plus loin Las Casas ajoute : "...Pierre Martyr.../...auquel on peut accorder plus de crédit qu'à tout autre de ceux qui ont écrit en latin, parce qu'il se trouvait en Castille à cette époque, qu'il parlait avec tout le monde et que tous le gens se plaisaient à lui rendre compte de ce qu'il avaient vu et trouvé, car c'était un homme respectable et qui prenait le temps d'interroger vu qu'il essayait d'écrire comme nous l'avons dit dans le prologue de cette Histoire". Les informations de las Casas sont confirmées par Pierre Martyr lui même lorsque il écrit : "...car l'Amiral, à qui je suis lié par une amitié personnelle, m'a de sa main écrit qu'il me révélerait de manière très détaillée ce que le sort lui a dévoilé".
Pierre Martyr indique dans un autre document quelles sont ses sources utilisées pour écrire ses décades sur la Mer Océane :".../ ces quelques informations, que j'ai trouvées dans des documents personnels de l'amiral Colomb, tu sais que je les ai rassemblés aussi rapidement que ton secrétaire à pu les transcrire sous ma dictée";
Martyr assistera la reine Isabelle de Castille dans sa douleur et ses chagrins après la perte successive de son fils, de ses filles et lorsque la folie de sa fille Juana fut reconnue (il reçut d'ailleurs du roi Ferdinand, devenu veuf, la mission de veiller sur Juana dite « Juana la Loca », Jeanne la Folle).
Après la mort du roi, Martyr raconte dans ses lettres la régence exercée par le cardinal Ximenés. Martyr ne l’aime pas : c’est sensible dans ses écrits. Martyr raconte dans les lettres publiées dans l’opus Epistularum l’arrivée de Charles, petit-fils des Rois Catholiques qui deviendra l’empereur Charles Quint.
Vers la fin de sa vie, s’il n’était pas riche, Martyr vivait dans l’aisance. Il s’était fait à la cour des amis fidèles. Il était devenu l’ami intime du pape Adrien VI qu’il avait connu alors que ce dernier n’était que le cardinal Adrien, précepteur de celui qui est devenu Charles Quint.