Différents degrés de déformations des doigts dans l'arthrite rhumatoïde.
La maladie débute généralement par une polyarthrite, c'est-à-dire l'inflammation de quatre articulations ou plus, caractérisée par des douleurs d'horaire inflammatoire (réveils nocturnes, dérouillage matinal de durée supérieure à 30 minutes), une raideur articulaire et un gonflement appelé synovite.
Il existe peu de signes spécifiques pour différencier la polyarthrite rhumatoïde des autres causes de polyarthrite (cf. diagnostics différentiels). Cependant, certaines caractéristiques cliniques sont évocatrices :
L'évolution progressive et insidieuse : subaiguë, c'est-à-dire évoluant depuis plus de 2 semaines, ou surtout chronique évoluant depuis plus de 3 mois ;
Le siège des synovites aux petites articulations : poignets et chevilles et surtout mains et pieds au niveau des interphalangiennes proximales (ou IPP, entre 1re et 2e phalanges) et articulations métacarpo-phalangiennes (ou MCP, entre le métacarpien et la 1re phalange). Toutes les articulations peuvent cependant être atteintes en cours d'évolution : genoux, coudes, épaules, hanches, articulations temporo-mandibulaires… En revanche, les interphalangiennes distales (entre les 2e et 3e phalanges) et les sacro-iliaques sont toujours respectées. Le rachis est également épargné, à l'exception du rachis cervical.
La topographie en général bilatérale et symétrique.
L'intensité des signes inflammatoires locaux : tuméfaction chaude et douloureuse donnant l'aspect classique de "doigts en fuseaux" ;
La coexistence de ténosynovites (inflammation des tendons musculaires) ;
L'association possible à des nodosités cutanées appelées nodules rhumatoïdes. Localisés sur la face d'extension des coudes des doigts ou sur le tendon d'Achille, ils sont très spécifiques de la polyarthrite rhumatoïde mais inconstants et tardifs.
Évolution
Évolution articulaire
Le plus souvent, l'évolution, qui s'étale sur des dizaines d'années, se fait par poussées, entrecoupées de rémissions de rythme et de durée imprévisibles. Au cours des poussées, la plupart des articulations sont gonflées et douloureuses, associées à des signes généraux (fièvre modérée ou fébrilcule, asthénie) et fréquemment d'un syndrome inflammatoire biologique. Le suivi de l'activité de la maladie peut se faire à l'aide de différents scores. Le plus utilisé en pratique clinique est le « DAS 28 », calculé à partir de quatre paramètres : l'indice articulaire ( nombre d 'articulations douloureuses - sauf pieds chevilles et hanches non comptabilisées ), l'indice synovial (nombre d'articulations gonflées - sauf pieds chevilles et hanches), activité de la maladie évaluée sur une échelle de 0 à 100 par le patient, et vitesse de sédimentation.
Après plusieurs années d'évolution apparaissent les déformations caractéristiques, secondaires à la destruction articulaire et à l'atteinte tendineuse :
aux poignets : subluxation antérieure de la main, subluxation postérieure de la tête cubitale « en touche de piano » pouvant conduire à la rupture du tendon extenseur du 5e doigt.
aux mains : déformations des doigts en maillet (flexion de l'interphalangienne distale), en col de cygne (flexion de l'interphalangienne distale et hyperextension de l'interphalangienne proximale), ou en boutonnière (hyperextension de l'interphalangienne distale et flexion de l'interphalangienne proximale) ; déformation du pouce en Z ; fréquent« coup de vent cubital » des doigts (déviation latérale des doigts) ; aspect des mains « en dos de chameau » (gonflement des rangées des métacarpo phalangiennes et carpiennes et atrophie des muscles interosseux)
aux coudes et genoux : flessum irréductible ;
aux pieds : orteils « en marteau » ou en griffe, coup de vent péronier (déviation latérale des orteils), hallux valgus (déviation interne du 1er orteil) et quintus varus (déviation interne du 5e orteil) aboutissant à un avant-pied triangulaire, affaissement de la voûte plantaire ;
enraidissement des hanches et des épaules ;
sur le rachis cervical : atteinte tardive, comportant en particulier une possible subluxation atloïdo-axoidienne qui concerne les deux premières vertèbres et peut conduire à une compression de la moelle épinière cervicale en l'absence de traitement.
ruptures tendineuses compliquant l'évolution des ténosynovites.
Dans les polyarthrites très évoluées, les poussées inflammatoires ont tendance à devenir moins fréquentes. On assiste alors à l'extinction progressive de la maladie. À ce stade, les douleurs sont plus fréquemment d'horaire mécanique (prédominance le soir et aux mouvements, absence de dérouillage articulaire matinal) liées aux destructions articulaires.
La polyarthrite rhumatoïde est une affection d'évolution et de gravité très hétérogènes. Le retentissement fonctionnel, socioprofessionnel, psychologique peut être considérable. Schématiquement on considère que 30% sont d'évolution relativement bénigne, 50% intermédiaires et 20% sévères. La définition de la sévérité n'est cependant pas consensuelle actuellement.
Actuellement, on rattache la gravité d'une polyarthrite rhumatoïde à l'altération de la qualité de vie qu'elle entraîne, évaluée par le score HAQ (Health Assessment Questionnaire) et à l'importance des destructions articulaires.
Évolution extra-articulaire
D'autres atteintes portant sur des organes extra-articulaires sont possibles : poumons, cœur, système nerveux périphérique, "syndrome sec" avec l'œil sec et bouche sèche (syndrome de Gougerot-Sjögren).