Les deux arrêts sont inhabituels dans leur forme. Celui de 1954, le plus important se distingue des habitudes de la cour par sa concision, alors qu'il s'agit d'un arrêt d'une importance extrême. Plus inhabituel encore le peu de référence tant à la constitution, qu'à des précédents : si Warren souligne que Plessy est une interprétation tardive du XIVe amendement, et rappelle que la jurisprudence récente de la cour va dans le sens de la décision Brown et que la cour n'a jamais formellement décidé de l'applicabilité de la doctrine separate but equal au domaine de l'enseignement, il se garde de remettre en cause formellement Plessy. La décision privilégie sans le détailler un argument de psychologie, qui pourrait sembler relever plus de l'appréciation du législateur que de celle du juge. Il prête ainsi le flanc à la critique d'une décision mal fondée et relevant plus des préférences politiques des juges que d'une analyse juridique. Non que les arguments juridiques manquassent forcément : ils figuraient déjà dans l'opinion dissidente jointe à Plessy par le juge Harlan, voire dans celle de Warding en Caroline du Sud et ont été amplement développés par la cour depuis. Mais la cour choisit de limiter strictement sa décision au domaine scolaire. Plus encore, elle décide, contre tout usage, de ne remédier que progressivement à une violation des droits constitutionnels des personnes, dans une concession aux nécessités pratiques, mais aussi à l'opinion. Personne, après que l'arrêt a été rendu, ne se trompe sur l'intention de la cour de mettre fin à la ségrégation. En rendant une décision courte, que la presse pourra reprendre intégralement, et en éliminant autant que possible toute complexité juridique de son arrêt, la Cour y donne, à dessein comme Warren le racontera par la suite, le plus grand retentissement. Mais cette décision partielle, sans qu'un principe constitutionnel soit clairement énoncé traduit aussi la prise en compte des limites politiques du pouvoir de la cour.