Les débuts de la Troisième République ou l'expansion de l'enseignement agricole
La création du Ministère de l’agriculture par Gambetta
Les lois de 1984 sur l’enseignement agricole
Une nouvelle période de transformations profondes s'engage en 1982, lorsque le Ministre de l’Agriculture, Édith Cresson, annonce une réforme de l'enseignement agricole par les principaux intéressés, en conformité avec le projet politique de décentralisation et de plus grande participation des citoyens à la gestion des affaires les concernant. Comme en 1960, l’objectif est que la réforme de l’enseignement agricole se réalise dans la cohérence à l’égard de l’ensemble de la politique d’éducation du Gouvernement d’une part, et de la politique agricole d’autre part.
La réforme se concrétise par le vote, sans aucune opposition au Parlement, de deux lois dont l'une porte rénovation de l'enseignement agricole public (9 juillet 1984) et l'autre réforme les relations entre l'Etat et les établissements agricoles privés (31 décembre 1984). Parallèlement une vaste consultation des personnels, des élèves, des parents, des organisations professionnelles, est lancée dans les établissements, les régions et au niveau national. Les analyses et propositions ainsi élaborées seront à la base de la rénovation d’ensemble du système de formation agricole.
Les démarches suivies reflètent un très fort consensus de tous les partenaires de l’enseignement agricole, consensus qui demeure encore en 2008 et qui constitue un des atouts de l’enseignement agricole. C’est la réalisation d’un équilibre accepté et défendu par l’ensemble des partenaires après une situation de conflits et de tensions importantes dans la période des années 1960 à 1980. Ce consensus autour de l’enseignement privé a été acquis au moment même où à l'éducation nationale, il y a une rupture, en juillet 1984, conduiant à la démission dun ministre, Alain Savary et à la chute du gouvernement. Des lois de 1984, on retient
- la prise en compte des agricultures, c'est-à-dire qu’il n’y plus un modèle, mais des modèles d’agriculture et l’appareil de formation doit permettre de préparer des jeunes s’insérant dans ces différents types d’agriculture.
- l’élargissement beaucoup plus net aux métiers ruraux, en affirmant que l’enseignement agricole a vocation à former pour ces métiers.
- la rénovation d’ensemble de tout l’enseignement technique, de l’apprentissage et de la formation professionnelle continue, par le changement des contenus, des méthodes pédagogiques, des méthodes d’évaluation, des diplômes. Cette importante rénovation a été menée à bien grâce à l’engagement des personnels de l’ensemble de l’enseignement agricole qui a permis de gérer sans problèmes majeurs ces transformations.
Enfin, les procédures d’élaboration des schémas régionaux des formations agricoles et du schéma national contribuent à une meilleure prise en compte des besoins et une plus grande transparence dans les débats sur les orientations et l’affectation de moyens. Au total, les réformes engagées en application des lois de 1984 ont assuré un développement sans précédent de ses effectifs, une amélioration du taux de réussite des élèves et une insertion professionnelle satisfaisante malgré la crise.
La loi de modernisation de l'enseignement agricole de 1960
La loi du 2 août 1960 sur l'enseignement et la formation professionnelle agricoles, présentée par le ministre Henri Rochereau, et surtout Michel Debré, transforme et développe rapidement ce secteur de l'enseignement.
Il s’agit de contribuer à la modernisation de l'agriculture en favorisant la diffusion des connaissances scientifiques et techniques et en améliorant les compétences des agriculteurs. Plusieurs principes sont affirmés :
- la complexité croissante des processus de production et l’accélération du progrès technique exigent de la part de tous les travailleurs de plus en plus de connaissances et d’habileté ;
- la réforme de l’enseignement doit prendre en considération les aspects sociaux et humains de la profession d’agriculteur ;
- les différentes catégories socioprofessionnelles doivent avoir accès à une formation générale de même niveau et de même valeur ;
- l’enseignement agricole devra s’adapter en permanence aux besoins de l’économie agricole.
L'enseignement agricole doit ainsi atteindre un double objectif :
- préparer les futurs travailleurs des secteurs agricole et agro-industriels,
- permettre à chaque jeune d’atteindre le plus haut niveau de formation possible, mais également faciliter à tous les niveaux le passage vers le reste du secteur éducatif.
Cela signifie assurer à la fois une formation générale et une formation professionnelle, et donc transformer profondément les programmes, ainsi que rendre les diplômes comparables à ceux de l'Education nationale. Les établissements changent de nom pour devenir lycées et collèges agricoles. Cependant les responsables de l'enseignement agricole affirment hautement sa spécificité, marquée notamment par sa liaison avec l'agriculture, confirmant la tutelle du ministère de l’Agriculture. Ils souhaitent également en faire un terrain d'innovations pédagogiques et éducatives. L'enseignement agricole se présente dès lors comme un système parallèle au système d'enseignement général et professionnel.
Deux orientations politiques importantes vont marquer la loi sur l’enseignement agricole et son application :
- La prise en compte la réforme de 1959 de l’Éducation nationale qui a fait des classes de 6e et 5e un cycle d’observation et d’orientation, et la loi Debré du 31 décembre 1959 qui assure l’aide de l’Etat à l’enseignement privé par le système des contrats, dont le « contrat simple » qui respecte le « caractère propre » des établissements. Le Premier ministre estime que l’apport de l’enseignement privé est indispensable pour faire face à la forte demande de scolarisation. Les modalités d’aide à l’enseignement privé sont plus larges que dans le secteur relevant de l’Education nationale et ne prévoient pas de contrôle pédagogique.
- Pour répondre aux besoins de modernisation de l’agriculture, les organisations professionnelles agricoles revendiquent un changement dans la nature de leurs relations avec l’Etat. Il s’agit d’établir des compromis entre l’Etat et la profession, celle-ci s’engageant au côté de l’Etat pour l’application de la politique définie en commun. Cette cogestion de la politique agricole est symbolisée à partir de 1961 par la rencontre de Michel Debatisse, secrétaire général du CNJA et du ministre de l’Agriculture, Edgard Pisani.
En résumé, la réforme engagée est caractérisée par trois éléments essentiels :
- La parité avec l'Éducation nationale : l’enseignement agricole devient un élément du système éducatif national. Tout en approfondissant son originalité, il va progressivement adopter l’organisation et le système des diplômes de l’Éducation nationale.
- La promotion sociale en appelant notamment en son sein des spécialistes de l’éducation populaire comme Paul Harvois. Cela permet de renouveler la pédagogie et de constituer des filières de promotion de l’enseignement initial professionnel aux écoles d’enseignement supérieur. L'enseignement agricole joue un rôle de précurseur en créant en 1966 un corps d'enseignants chargés de éducation socioculturelle: celle-ci a pour vocation de « permettre d'introduire dans la formation des élèves des matières visant moins à l'acquisition de connaissances qu'à l'épanouissement de l'être ». L'apprentissage de la démocratie et de la responsabilité est favorisé par la participation à la vie de l'Association sportive et culturelle de l'établissement et aux travaux des différents conseils. L'ouverture à des réalités sociales et culturelles diverses est réalisée lors d'études du milieu naturel et humain et à l'occasion des visites et stages prévus dans les cycles de formation.Enfin, une formation professionnelle continue exemplaire est mise en place surtout à partir de 1972.
- L’enseignement supérieur est rénové en s’engageant progressivement dans un partenariat avec l’université pour devenir davantage lisible depuis l’étranger et fournir à la société moderne les cadres qu’exigent la croissance économique, la concurrence internationale et l’évolution de la société.