Au Muséum d'histoire naturelle de Grande-Bretagne, Woodward assembla la mâchoire et le crâne, bouchant les éléments manquants avec son imagination et de la pâte à modeler. Le 18 décembre 1912, la découverte fut dévoilée à la Société de géologie de Londres. Accompagné de Dawson, Woodward stupéfia l'auditoire en décrivant un être humain qui vivait à l'aurore de l'humanité, qu'il baptisa l'Eoanthropus, l'Homme de l'aurore. Il présenta sa reconstitution de la tête de l'Homme de Piltdown, provoquant l'enthousiasme de l'auditoire. Le Quarterly Journal of the geological Society of London publia un compte-rendu qui fit de l'homme de Piltdown une célébrité mondiale.
Le crâne était semblable à celui d'un homme moderne et la mâchoire à celle d'un singe aux molaires bien usées, ce qui montrait, avait expliqué Woodward aux savants stupéfiés, qu'ils avaient trouvé les premiers fragments fossiles du fameux « chaînon manquant », cette forme intermédiaire qui devait, comme Darwin l'avait prédit dans L'Origine des espèces (1859), démontrer le passage du singe à l'homme, via un ancêtre commun aujourd'hui disparu.
L'homme de Néandertal, découvert en 1856, s'intercalait naturellement entre le pithécanthrope, découvert à Sumatra par Eugène Dubois en 1887, et l'homme actuel. Cependant, avec sa mâchoire de singe, l'Homme de Piltdown ne ressemblait pas aux autres hominidés fossiles et semblait inclassable. Plus âgé de quelque 500 000 ans que l'homme de Néandertal, il alliait paradoxalement une mâchoire de singe à un crâne d'homme moderne. Woodward en conclut que l'homme de Néandertal était dégénéré et que l'homme de Piltdown devait être le véritable ancêtre de l'homme moderne.
L'identité du fraudeur demeure incertaine ; Woodward a toujours été d'une grande intégrité et son rôle s'est borné à accréditer cette théorie ; on a accusé W. J. Sollas, professeur de géologie à Oxford, Grafton Elliot Smith, un anatomiste australien, William Ruskin Butterfield, le conservateur du musée de Hastings et Samuel Allinson Woodhead, un ami de Dawson. Le coupable est probablement Dawson ou Teilhard de Chardin : peut-être ces deux derniers se sont-ils entendus pour faire une plaisanterie ; peut-être Dawson a-t-il voulu se moquer de Teilhard de Chardin ; ou, au contraire, Teilhard de Chardin a-t-il monté un canular si bien ficelé qu'il n'a pu revenir en arrière ? Toujours est-il que le scientifique devait être au courant — c'est du reste l'une des hypothèses défendues par Stephen Jay Gould dans deux de ses textes — car il ne s'est pratiquement jamais référé à l'Homme de Piltdown dans ses travaux, contrairement à tous les autres scientifiques de l'époque et d'autant plus que dès 1920 Teilhard notait qu'il fallait « raisonner jusqu'à nouvel ordre comme si le crâne de Piltdown et la mandibule appartenaient à deux sujets différents ».
La liste des auteurs potentiels comprend également Arthur Conan Doyle, qui habitait près de Piltdown au moment crucial et fréquentait Dawson. Il était alors plongé dans l'étude de la Préhistoire car il travaillait à son roman, Le Monde perdu (1912), qui relate l'aventure d'explorateurs ayant découvert un plateau inaccessible sur lequel vivent des espèces préhistoriques, dont une tribu… d'hommes-singes ! De plus, Sir Arthur aimait faire des farces : la première édition du Monde perdu était illustrée de photographies le représentant, avec des amis, déguisés pour incarner les héros du livre, à tel point que le rédacteur du magazine chargé de la pré-publication ne voulut pas publier ces photos qui, disait-il, risquaient de duper le public. Dans Le Chien des Baskerville, roman qu'il publia en 1901, longtemps avant la fausse trouvaille de Piltdown, on peut lire : « Il fait des fouilles dans une sépulture située près de Long Down et il a découvert un crâne préhistorique, ce qui le remplit d'une joie immense. » Ceux qui croient à la culpabilité de Conan Doyle arguent que les restes découverts dans la gravière auraient très bien pu provenir des collections de l'écrivain. En revanche, ses défenseurs soulignent que Conan Doyle ne possédait pas de si grandes connaissances paléontologiques et n'aurait jamais laissé la nouvelle de la découverte se propager avec une telle ampleur.