Le Temps désarticulé (titre original : Time Out of Joint) est un roman de science-fiction de Philip K. Dick paru aux États-Unis en 1959 et en France en 1975.
Le Simulacre dans la science-fiction : dans les années soixante, plusieurs romanciers de science-fiction s'interrogent sur la réalité et sa représentation par des simulacres, comme Daniel F. Galouye avec Simulacron 3 (1964), et Philip K. Dick avec Simulacres (1964) et un roman précurseur, Le Temps désarticulé, paru en 1959. Galouye a sans doute initié l'idée des mondes simulés par un calculateur, ce qui anticipe sur les thèmes présentés par les frères Andy et Larry Wachowski dans leur série à succès Matrix (1999-2003). Dick a imaginé des mondes simulés par des décors et des manipulations psychiques, au service de forces politiques. Dans ses romans, ce thème est multiplié par le talent propre à cet écrivain pour combiner ses visions personnelles (hallucinations), ses réflexions philosophiques et religieuses, et des ambitions utopiques.
La situation romanesque
Une petite ville des années cinquante : ses grands magasins, ses administrations et des familles banales. Comme le couple Bill et Junie Black ; Bill est un employé d'une administration qui s'aligne sur la mode et sur ses chefs. Ses voisins l'intéressent beaucoup : le couple Vic et Margo Nielson et leur fils Sammy ; Vic est un employé de supermarché qui s'occupe de fruits et légumes.
Un marginal : Ragle Gumm, le frère de Margo. Il « gagne sa vie » en répondant chaque jour aux questions du jeu Où Sera Le Petit Homme Vert La Prochaine Fois qui paraît dans les journaux locaux. Les questionnaires sont complexes, Raggle fait de nombreux calculs difficiles et des schémas dans l'espace et dans le temps ; il gagne tous les jours depuis deux ans ; parfois, il fait des erreurs, mais « on » les lui pardonne ; son approche des énigmes est d'ailleurs plus esthétiques que rationnelle, mais il ne joue pas au hasard, il devine juste. Ce curieux « métier » (qui ne devrait pas en être un) est fatigant, mais il lui rapporte des gains appréciables et le rend célèbre. Ragle se pose des question sur sa situation de célibataire de quarante-six ans, qui tente de séduire sa jeune voisine immature (Junie), et qui vit d'un métier bizarre qui n'en est pas un.
Le contexte : on discute beaucoup dans ce petit monde. Faut-il regarder la télévision et ses émissions ? Il est dommage qu'il n'y ait plus de radio. Alors, faut-il s'abonner plutôt à un club de livres qui publie ce mois-ci un « document sur l'esclavage », La Case de l'Oncle Tom, d'un auteur inconnu, Harriet Beecher Stowe ? Par contre, on connaît le rapport Kinsey. On discute de l'économie qui va mal, de la prise de tranquillisants pour soigner des indigestions, de l'existence des soucoupes volantes, du passage d'avions à réaction, de l'imminence de la troisième guerre mondiale et de la chute attendue de bombes H.
Un monde qui se désagrège : L'emplacement d'objets connus est parfois incertain. Quand Ragle va acheter une bière à la buvette du quartier, il arrive que celle-ci « se désagrège en fine molécules » et qu'il trouve à la place une simple étiquette marquée buvette ; il les collectionne et vit alors dans l'angoisse. Est-il victime d'un canular ? Il découvre aussi un vieil annuaire de téléphone dont les indicatifs lui sont inconnus et qui ne sont plus attribués — mais où il aurait pu trouver son propre nom —, ainsi que des revues populaires parlant d'évènements et de célébrités, comme Marilyn Monroe ou Laurence Olivier, qui lui sont tout autant inconnus. Ragle envisage alors d'arrêter son curieux métier de devineur de jeux pour prendre un métier manuel, ou retourner à l'université pour étudier la philosophie. Ou pour partir « ailleurs ». Dans un univers parallèle ?