Mary Wollstonecraft - Définition

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La France et Gilbert Imlay

Mary Wollstonecraft s'embarque pour Paris en décembre 1792 et y arrive environ un mois avant que Louis XVI ne soit guillotiné. La France est dans la tourmente, Mary cherche la compagnie d'autres Britanniques, comme Helen Maria Williams, et rejoint le cercle des expatriés résidant dans la capitale française. Ayant juste terminé son Rights of Woman, elle est décidée à mettre en œuvre ses idées. C'est dans l'atmosphère intellectuellement stimulante de la Révolution française qu'elle vit une expérience amoureuse intense avec un aventurier américain, Gilbert Imlay. Qu'elle soit ou non désireuse de se marier importe peu, lui ne l'est pas, et il semble qu'elle s'est entichée de sa propre vision idéalisée de cet homme. Alors que, dans Rights of Woman elle rejetait théoriquement la composante sexuelle d'une relation, Imlay sait réveiller ses passions. Elle tombe rapidement enceinte et, le 14 mai 1794, donne naissance à son premier enfant, Fanny, prénom sans doute choisi en mémoire de son amie décédée. Mary est ravie ; elle écrit à une amie : « Ma petite fille commence à téter avec une vigueur si masculine que son père pousse l'effronterie jusqu'à prétendre qu'elle rédigera une seconde partie pour Rights of Woman. ». Elle continue à écrire pendant sa grossesse et malgré sa nouvelle charge de mère, seule dans un pays étranger et parmi le tumulte grandissant de la Révolution. Alors qu'elle se trouve au Havre, elle met au point une histoire de la jeune révolution, An Historical and Moral View of the French Revolution, qui est publiée à Londres en décembre 1794.

Les tensions politiques avec la France révolutionnaire conduisent la Grande-Bretagne à déclarer la guerre à la France, mettant ainsi en danger les ressortissants britanniques. Afin de protéger Mary, Gilbert Imlay la fait enregistrer en 1793 auprès des autorités françaises comme étant son épouse, bien qu'ils ne soient pas mariés. Certains de ses amis n'ont pas cette chance ; nombreux sont ceux qui, comme Thomas Paine, sont arrêtés et quelques-uns d'entre eux sont même guillotinés. Les sœurs de Mary, mal informées, pensent même qu'elle a été emprisonnée. Après son retour de France, elle continue à se faire appeler Mrs Imlay, même par ses sœurs, afin de légitimer son enfant.

Gilbert Imlay, lassé des contingences domestiques et d'une Mary dont les sentiments se tournent peu à peu vers l'enfant à naître, a fini par la quitter. Il a promis de revenir au Havre pour la naissance du bébé, mais sans nouvelles de lui, elle est persuadée qu'il a trouvé une autre femme. Les lettres qu'elle lui envoie sont pleines de récriminations, révélatrices, selon la plupart des critiques, d'un état dépressif sévère. Certains, cependant, n'y voient que la réaction d'une jeune femme laissée seule avec un enfant au beau milieu d'une révolution.

« La première d'un nouveau genre »

Frontispice des Original Stories, avec l'institutrice levant les bras pour former une croix. Elle a une fillette de chaque côté, et chacune la contemple.
Frontispice de l'édition de 1791 de Original Stories from Real Life (gravure de William Blake).

Après la mort de Fanny Blood, les amis de Mary Wollstonecraft l'aident à obtenir une place de gouvernante en Irlande, auprès des filles d'une famille anglo-irlandaise, les Kingsborough. Travailler pour Lady Kingsborough s'avère difficile, mais les enfants ont trouvé un mentor qui sait leur ouvrir l'esprit ; Margaret King dira plus tard qu'elle « avait libéré son esprit de toutes les superstitions ». Quelques-unes des épreuves vécues par Mary au cours de cette année-là se retrouvent dans son seul livre pour enfants, Original Stories from Real Life (« Histoires vraies tirées de la vie réelle » (1788).

Frustrée par les limitations imposées aux femmes de bonne famille mais pauvres qui souhaitent travailler — embarras qu'elle dénonce avec éloquence dans le chapitre de Pensées sur l'éducation des filles intitulé « Situation malheureuse des personnes de sexe féminin, ayant reçu une bonne éducation et laissées sans fortune » — elle décide, après avoir passé une seule année comme gouvernante, de se lancer dans la carrière littéraire. C'est-là un choix radical, bien peu de femmes parvenant à vivre de leur plume. Elle écrit à sa sœur Everina, en 1787, qu'elle s'efforce de devenir « la première d'un nouveau genre ». Elle déménage à Londres et, avec l'aide de Joseph Johnson, éditeur aux idées libérales, elle trouve un domicile où travailler et gagner sa vie. Elle apprend le français et l'allemand, et fait des traductions, en particulier des ouvrages De l'importance des opinions religieuses de Jacques Necker et Éléments de moralité, à l'usage des enfants de Christian Gotthilf Salzmann. Elle publie également des critiques littéraires, portant essentiellement sur des romans, pour le compte du périodique de Johnson, The Analytical Review.

L'univers intellectuel de Mary Wollstonecraft s'élargit grâce aux lectures alimentant ses critiques, et aussi au milieu dans lequel elle évolue : elle participe aux fameux dîners de Samuel Johnson et fréquente des lumières de l'esprit comme Thomas Paine, pamphlétaire radical, et le philosophe William Godwin. Lors de leur première rencontre, Godwin et Mary Wollstonecraft sont particulièrement déçus l'un de l'autre. Godwin était venu pour écouter Paine, mais Mary Wollstonecraft l'assaille toute la soirée, le contredisant sur pratiquement tous les sujets. Le Dr Johnson lui-même, cependant, devient beaucoup plus qu'un ami ; elle le décrit dans ses lettres comme un père et un frère.

À Londres, Mary Wollstonecraft se lie avec l'artiste peintre Henry Fuseli, déjà marié. Elle est, écrit-elle, captivée par son génie, « la noblesse de son âme, cette vivacité de compréhension et cette aimable sympathie ». Elle propose d'entretenir une relation platonique avec Fuseli et sa femme, mais celle-ci est horrifiée et Fuseli met fin à cette liaison. Mary décide alors de se rendre en France pour échapper à son humiliation et participer aux événements révolutionnaires dont elle vient de faire l'apologie dans son A Vindication of the Rights of Woman (1790). Elle venait d'écrire Les Droits des hommes en réponse à la critique conservatrice formulée par Burke sur la Révolution française dans ses Réflexions sur la Révolution de France (1790), ce qui l'avait rendue célèbre du jour au lendemain. On la compare avec des esprits d'avant-garde comme le théologien et pamphlétaire Joseph Priestley ou encore Thomas Paine, dont les Droits des hommes (1791) se révèleront être la réponse à Burke qui recueille le plus d'écho. Elle développe des idées déjà esquissées par Les Droits des hommes (The Rights of Men) dans A Vindication of the Rights of Woman (Défense des droits de la femme), son œuvre la plus célèbre et qui aura le plus d'influence.

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