En algèbre linéaire, la notion de matrice semi-simple constitue une généralisation de la notion de matrice diagonalisable. Elle permet de discriminer deux types d'obstruction à la diagonalisabilité : d'une part les obstructions liées à l'arithmétique du corps de coefficients dans lequel la matrice est considérée, et d'autre part les obstructions qui demeurent indépendantes de ce corps.
Une matrice A à coefficients dans un corps est dite semi-simple sur si tout sous-espace invariant par A possède un supplémentaire invariant par A.
La semi-simplicité se caractérise à l'aide du polynôme minimal de la matrice considérée : une matrice à coefficients dans est semi-simple si et seulement si son polynôme minimal est sans facteur carré (c'est-à-dire qu'il n'admet aucun diviseur qui soit le carré d'un autre polynôme) dans .
En particulier, dans le cas où toutes les racines du polynôme minimal de A appartiennent à , ceci se particularise en : A est semi-simple si et seulement si elle est diagonalisable.
Si le corps des coefficients a la propriété d'être parfait (par exemple tout corps de caractéristique nulle, comme le corps des nombres rationnels ou le corps des nombres réels, ou tout corps fini), c'est-à-dire que tous les polynômes irréductibles à coefficients dans ce corps n'ont que des racines simples dans une clôture algébrique de ce corps, la caractérisation peut s'écrire : une matrice est semi-simple si et seulement si elle est diagonalisable dans une clôture algébrique du corps.
Si le polynôme minimal M de A admet un carré P2 comme diviseur, alors la matrice A n'est pas semi-simple. En effet, le sous-espace Im(P(A)) est dans ce cas un sous-espace stable, et, si S désigne un supplémentaire stable de ce sous-espace, alors d'une part par stabilité, et d'autre part, car P divise M/P. Il s'en suit que M/P est un polynôme annulateur de A, en contradiction avec la définition de polynôme minimal. Réciproquement, si le polynôme minimal M de A est sans facteur carré, que S désigne un sous-espace stable par A, alors le polynôme minimal N de A considéré en restriction à S est un diviseur de M. On vérifie alors que S est le noyau de N(A), et admet comme supplémentaire stable le noyau de M/N(A), d'après le lemme des noyaux.
Dans le cas d'un corps parfait, le polynôme minimal est sans facteur carré si et seulement s'il est séparable, c'est-à-dire qu'il se scinde en facteurs simples dans une clôture algébrique de K. On reconnaît bien une caractérisation classique de la diagonalisabilité dans une clôture algébrique.Les définitions et résultats qui précèdent peuvent dépendre du corps dans lequel on se place.
Voici un exemple quelque peu pathologique, qui permet d'observer certaines subtilités.
Soit le corps à deux éléments, et soit , le corps des fractions rationnelles sur . Définissons la matrice
Le polynôme caractéristique de cette matrice est χA(Z) = Z2 − Y, dont le terme constant Y n'est pas un carré dans les fractions rationnelles à coefficients dans . En effet, si c'était le carré de p(Y) / q(Y), on devrait avoir Yq(Y)2 = p(Y)2. Le premier membre de cette relation est de degré impair en Y et son second membre est de degré pair, il y a donc une contradiction. Le polynôme χA est donc irréductible : s'il admettait une factorisation, celle-ci serait de la forme Z2 − Y = (aY + b)(cY + d). On aurait donc ac = 1, ad + bc = 0 et bd = Y, d'où l'on tire a2d2 = Y et on a une contradiction. Ceci montre que la matrice A n'a pas de valeur propre dans . Elle est donc semi-simple sur .
On considère maintenant l'extension , obtenue en adjoignant à une racine carrée de Y, notée X. On vérifie très facilement que est bien un corps, qui contient ; c'est le corps de décomposition de A.
Maintenant, χA(Z) = Z2 − X2 = (Z − X)2 n'est plus irréductible, et A a comme valeur propre double X. Si A était diagonalisable, elle serait semblable à la matrice scalaire XI, donc égale à cette matrice. Mais on constate que A n'est pas une matrice scalaire. Elle n'est donc pas diagonalisable et donc pas semi-simple sur .