Procrastination - Définition

Source: Wikipédia sous licence CC-BY-SA 3.0.
La liste des auteurs de cet article est disponible ici.

Remarques autour du sujet

  • La tendance à la procrastination définit en caractérologie de Le Senne la différence entre les actifs (A) et les non actifs (nA) : un actif effectue ce qu’il a à faire dès qu’il peut le faire. Un non-actif n’agit que là où il est porté par l’émotion (il montera héroïquement à la charge, par exemple, mais laissera traîner longtemps la rédaction de ses notes de frais).
  • Une chanson de Fernand Sardou constitue un véritable hymne à la procrastination : il s’agit d’Aujourd’hui peut-être… ou alors demain qui connut un grand succès dans l’immédiate après-guerre (paroles de M. Sicard, musique : Paul Durand, année : 1946).
  • Une citation de Marcel Jouhandeau : « C'est parce qu'on imagine simultanément tous les pas qu'on devra faire qu'on se décourage, alors qu'il s'agit de les aligner un à un. »
  • Un leitmotiv dans le fameux Journal intime d'Henri-Frédéric Amiel : "[...] Je ne lis toujours rien, sauf les journaux, et je ne trouve le temps pour rien. Une immense paresse engourdit de plus en plus mon être, et la procrastination du vieux professeur réduit à zéro ma vie utile. Toujours ni but, ni volonté, ni plan, ni énergie, ni espérance; vie au jour le jour et à vau l'eau"
  • Une expression utilisée par Marcel Proust dans A la recherche du temps perdu : "Les difficultés que ma santé, mon indécision, ma "procrastination", comme disait Saint-Loup, mettaient à réaliser n'importe quoi, m'avaient fait remettre de jour en jour, de mois en mois, d'année en année, l'éclaircissement de certains soupçons comme l'accomplissement de certains désirs."
  • La version française de l'un des tomes des annales du Disque-monde de Terry Pratchett s'intitule Procrastination.
  • Le 25 mars 2010, David d'Equainville, fondateur des éditions Anabet, crée la première journée mondiale de la procrastination afin de lancer un ouvrage sur le sujet Demain, c'est bien aussi.

Raisons probables

Cette attitude, caractéristique du comportement passif-agressif[réf. souhaitée], consiste en une forme de résistance passive à toute fourniture de performance, qu'elle soit personnelle, sociale ou professionnelle.

On retrouve également cette attitude dans la plupart des comportements dépressifs. Comme dans ces phases toute action est rendue encore plus difficile qu’à l’habitude, le sujet préfère reporter au lendemain ce qui ne se révèle en général pas plus fructueux. Il faut distinguer la procrastination d'une part et la perte de plaisir et l'inhibition psychomotrice d'autre part, qui caractérisent l'état dépressif. La difficulté à réaliser une tâche est un point commun mais les mécanismes inhibiteurs de l'action sont très différents. Il faut donc faire un diagnostic différentiel entre état dépressif et procrastination plutôt qu'assimiler les deux troubles. En effet un procrastinateur est normalement actif avec les tâches non problématiques, son inhibition n'est pas générale.

Par ailleurs les personnes adultes sujettes à un déficit de l'attention (trouble de déficit de l'attention et/ou hyperactivité) présentent également très souvent cette attitude, qui ne correspond pas spécialement à une phase dépressive.

La proscratination peut prendre différentes formes selon les personnes, ou selon les circonstances pour une même personne. En règle générale, on procrastine :

  • Pour échapper à la frustration (car la tâche que l'on reporte est moins agréable que ce que l'on fait à la place, et la sanction paraît trop lointaine par rapport au plaisir immédiat que l'on tire à faire autre chose). La solution est donc d'augmenter les conséquences positives à court terme de l'action reportée, et de se protéger des distractions.
  • Pour protéger son estime de soi : chez les procrastinateurs, l'échec est souvent perçu comme une remise en question globale de leur valeur. Moins ils ont de chance de réussir, plus ils procrastinent. De plus, comme ils ont une tendance à être plus perfectionnistes que la moyenne, les chances de ne pas être à la hauteur de leurs exigences sont fortes. Du coup, la procrastination crée souvent un handicap (on n'a pas assez travaillé pour son examen, par exemple) qui fournit des excuses au cas où les performances ne seraient pas à la hauteur de ce qui était attendu. En gros, on peut toujours se dire que si on avait travaillé plus, on aurait réussi, alors que c'est peut-être faux, mais on ne le saura pas, et on protège son estime de soi. Malheureusement, à long terme, l'estime de soi est quand même abîmée, puisque les choses ne sont jamais faites complètement.
  • Pour résister aux autres : comportement passif-agressif. On dit « oui » aux demandes d'autrui, mais on ne le fait pas.
  • Pour vivre dans le stress, dans une recherche de sensations fortes.
  • Parce que l'on a des croyances irrationnelles, par exemple, on pense que l'on sera plus motivé pour faire un travail pénible plus tard, ce qui est toujours faux, ou on pense qu'il faut que ce soit parfait.
  • C'est une sorte de jeu mental contre la montre : la tâche, bien qu'incontournable, n'est pas motivante au regard d'autres tâches intéressantes non obligatoires que l'on fait passer avant. L'on attend alors le dernier moment pour faire cette tâche incontournable et l'on se réjouit de l'avoir retardée au maximum afin de l'expédier en un temps record.
  • Parce que le milieu professionnel s'y prête, particulièrement dans les grandes entreprises ou l'administration. La complexité du système entretient alors la procrastination en la masquant (particulièrement en l'absence d'objectifs concrets). Exemples : retards systématiques dans la fourniture d'informations, difficultés à mettre en place de nouveaux processus (nouveaux produits, nouvelles méthodes de travail, réunions qualité …), décisions floues ou ambiguës, culture du perfectionnisme, demandes en multiples exemplaires, renvois systématiques à d'autres services, complexité d'une organisation ou d'une chaîne de décision, rétention d'informations, cloisonnement des relations entre services, lenteurs de l'administration, etc.

Il ne s’agit pas toujours d'un comportement à part entière, car il peut être induit par la pression sociale d'un groupe. Un certain nombre de peurs, pouvant s'ajouter les unes aux autres, se retrouvent au cœur de cette attitude :

Peur de l’échec

Le sujet préfère retarder le travail au maximum jusqu’à estimer qu’il est trop tard pour le faire. Il dispose alors d'un prétexte à l'échec. On retrouve ici par exemple l'une des raisons qui caractérisent le « syndrome de l'étudiant ».

Cette attitude semble liée à une éducation exigeante, fondée sur une culture du résultat. Le sujet prend l’habitude de ne plus pouvoir engager une action sans penser à l’évaluation qui la suivra et cherche alors à éviter les conséquences fâcheuses. La procrastination peut se trouver chez des sujets très doués dans leur domaine et — paradoxalement — manquant de confiance en eux en profondeur.

Exemple : un étudiant qui stresse à l’idée de rendre un mémoire inintéressant.

Peur de la réussite

Le sujet craint qu’en réussissant il s’attire la jalousie des autres et/ou qu’alors il soit chargé de nouvelles responsabilités, de nouvelles attentes plus élevées auxquelles il ne se sent pas capable de faire face. Il essaie alors de ne pas paraître parfait ni trop comblé. Cette peur peut provenir d'une jalousie fraternelle ressentie lors de l’enfance. Il peut aussi avoir la sensation qu’il menace ses parents ou mentor par sa réussite.

Exemple : un employé de bureau qui ne souhaite pas changer de poste.

Peur de ne pas contrôler son environnement

Le sujet veut avoir le sentiment qu’il domine la situation. Cela peut venir d’un souhait de revanche, d’autonomie : des individus poussés à la performance dans des domaines ne relevant pas de leur ambition propre peuvent choisir la procrastination pour affirmer leur indépendance. Une personne voulant se mesurer à son environnement par goût du risque peut aussi devenir une « retardataire ».

Exemple : un employé qui lutte contre sa hiérarchie à la limite du renvoi ou encore un vendeur au téléphone qui le laisse sonner.

Peur de l’isolement

Le sujet souhaite être protégé, conseillé, dirigé ; il est à l’aise en équipe ou lorsque quelqu’un d’autre prend les décisions importantes, comme un enfant dans le cadre familial. Il peut aussi chercher à attirer l’attention sur lui par une situation extrême ou encore savoir qu’il a toujours quelque chose à faire (crainte de la solitude).

Exemple : un élève qui attend que quelqu’un lui fasse ses devoirs.

Défense de l’intimité

Le sujet a peur que les autres ne prennent trop de place dans sa vie (croyance qu’il va se faire voler ses réalisations, précédente relation sentimentale ratée, souvenir de personnes envahissantes, etc.). Il peut aussi craindre de dévoiler ses « mauvais côtés » si les autres s’approchent trop de lui et qu’ainsi il se fasse rejeter.

Exemple : Quelqu'un qui arrive systématiquement en retard à ses rendez-vous galants.

Goût du jeu

Le sujet s'amuse à retarder le plus possible une tâche obligatoire non motivante pour jouer avec le délai et trouver finalement de la motivation ou de l'excitation à faire à temps mais à la dernière minute..

Exemple : Quelqu'un rédige l'ordre du jour de la réunion périodique de son équipe dans le couloir en se rendant à ladite réunion.

Autres hypothèses

D'autres hypothèses existent, travaillées en psychothérapie, à partir des textes freudiens (Inhibition symptôme et angoisse, le cas du petit Hans, l'homme aux rats) et Lacaniens (Commentaires sur le cas du petit Hans, commentaires sur Hamlet, commentaires sur la névrose obsessionnelle). Elles sont retrouvées aussi dans le travail de Nicolas Abraham et Maria Torok dans leur ouvrage : L'écorce et le noyau. Pour les psychologues d'orientation plus expérimentale ou comportementale, ces hypothèses ne sont que des interprétations qui n'ont pas été vérifiées par un plan d'expérimentations ou des études plus ou moins contrôlées.

  • Difficultés d'identification à l'image correspondant à son propre genre (féminin ou masculin).
  • Difficultés à mettre des mots sur des sensations apparues lors de scènes et de situations de séduction dans la petite enfance.
  • Difficultés à passer le complexe d'Œdipe à cause d'une inversion des rôles dans la parenté (la mère tient la place du père et réciproquement).[réf. souhaitée]
  • Difficultés dans la transmission entre parents ou adultes et enfant ; les mots ne sont pas là et sont donc attendus avant de passer à autre chose, comme dans le cas de traumatismes insignifiants a priori ou importants.
  • Difficultés liées à des deuils pathologiques ou des cryptes (des deuils insus) ou des secrets de famille.

La procrastination ne peut pas uniquement se comprendre par sa description mécanique et morphologique ; elle a des raisons d'être économiques c'est-à-dire qui participent aux défenses contre de l'angoisse diffuse en rapport avec un manque de parole (un manque de symbolisation) et une culpabilité face à une faute perçue comme diffuse alors qu'elle concerne la difficulté d'admettre la place du père comme lieu de parole structurante. Il y a probablement une confusion entre ses interdictions et ses commandements.

Au lieu d'une relation d'autorité s'instaure une relation de combat où l'enjeu inconscient est la mort de l'Autre.

L'allusion à Hamlet faite par Lacan éclaire cette position ambiguë et nouée au plus profond du Sujet. La question de la place au sein d'une relation intersubjective est posée. Les questions de l'influence, de l'emprise et de la séduction ainsi que de la domination suivent la première.

Page générée en 0.117 seconde(s) - site hébergé chez Contabo
Ce site fait l'objet d'une déclaration à la CNIL sous le numéro de dossier 1037632
A propos - Informations légales
Version anglaise | Version allemande | Version espagnole | Version portugaise