La propulsion par laser est une discipline relativement jeune — remontant aux années 1970 — comparée aux propulsions liquides et solides. D’où la nécessité de faire un tour d’horizon des domaines déjà couverts par les chercheurs et de ceux encore à découvrir.
L’idée de la propulsion par laser pour le transport spatial (ou encore LP – Laser Propulsion dans la littérature internationale) remonte à 1972. À son origine, Arthur Kantrowitz d’Avco Everett Research Laboratory : il imagine un véhicule sans propulseur, ni combustible, dont l’énergie nécessaire pour la propulsion est transmise par un laser pulsé de forte puissance depuis un site éloigné (observatoire terrestre, satellite en orbite,…). Le laser irradie l’arrière de l’engin, créant un plasma à haute densité qui est utilisé ensuite pour la propulsion. Un des éléments de base du véhicule est un miroir parabolique concave placé à l’arrière qui concentre l’énergie du laser dans la chambre de combustion. Celle-ci est remplie avec de l’air utilisé comme combustible qui, sous l’action du laser, se transforme en plasma et se détend à une vitesse supersonique (de l’ordre de 10 à 20 km/s). La pression à l’intérieur du plasma atteint une dizaine d’atmosphères et des ondes de choc se forment. En l’absence d’air, le laser peut être focalisé sur un combustible solide ; dans ce cas, la propulsion est assurée par l’éjection de matière (c’est ce qu’on appelle l’ablation laser). Ce qui rend attractif le concept, c’est l’espoir d’avoir une réduction du coût de la charge utile à une centaine d’euros par kilogramme injecté.
Cette période a connu les recherches les plus intensives en matière de propulsion par laser (« le bon vieux temps » selon les anciens). Toutefois, les expérimentations étaient limitées par la puissance des lasers de l’époque.
Entrant dans un territoire absolument inconnu, le premier réflexe des chercheurs (tels A. Pirri de Physical Sciences Inc. PSI) est d’obtenir les paramètres de contrôle de ces moteurs propulsés par laser. Pour cela, ils travaillent sur un système simple qui consiste à envoyer le faisceau laser (en mode continu) directement dans la tuyère. Ainsi, ils font apparaître les premières corrélations entre l’Isp et surtout le coefficient de couplage qui est le rapport entre l’énergie cinétique du véhicule et l’énergie transmise par le laser. Ils mettent aussi en évidence l’importance de la stabilité de la zone d’absorption dans la chambre de combustion.
La recherche était aussi divisée en fonction du type de laser utilisé : continu ou pulsé.
En continu, les études portaient sur les ondes plasma créées par les lasers (ondes de combustion ou ondes de détonation selon le niveau d’énergie). En particulier, l’idée était de placer le laser à bord du véhicule et de focaliser l’énergie sur l’air en vol atmosphérique et sur de l’hydrogène gazeux hors atmosphère.
En pulsé, on s’intéressait à l’ablation d’une cible solide : le transfert d’énergie à la cible se fait via un plasma opaque induit par laser en quelques nanosecondes. Si la cible est placée dans l’air, le plasma se crée plus rapidement grâce à l’apport d’électrons de la surface de la cible. Le problème était que la durée de la pulsation des lasers de l’époque était supérieure au temps nécessaire à la formation du plasma ; par conséquent les résultats étaient identiques à ceux des lasers continus. L’ablation laser a donc été abandonnée pendant un certain temps, faute d’avoir des lasers pulsés performants.
À la fin des années 1970, les budgets concernant la propulsion laser ont été largement amputés au profit de ceux du STS (la navette spatiale).
Après une « pause » de six ans dans les recherches, un workshop fût organisé en 1986 au Lawrence Livermore National Laboratory (LLNL) dans le cadre du SDIO (Strategic Defence Initiative Organization) avec la participation des industriels du secteur spatial (dont Lockheed Martin) et les laboratoires qui avaient menés les expériences sur la propulsion laser. Le but était de faire un point sur l’avancée des technologies suite au lancement du programme de Guerre des étoiles, le SDI. En particulier, l’idée était de savoir si le matériel envisagé à l’époque (lasers gigawatt, optique adaptative,…) était suffisant pour développer un propulseur avec une Isp de 800 s, un rendement de poussée supérieur à 40 % capable d’emporter des charges utiles entre 20 et 100 kg. Après deux ans de réflexion, il s’avéra qu’il était encore trop tôt pour développer un tel système à court terme.
Entre-temps, l’ablation laser a connu un regain d’intérêt avec l’apparition des lasers pulsés micro-secondes et femtosecondes. Ils ont permis de découpler l’action directe du laser de la formation du plasma. Les résultats obtenus laissèrent entrevoir un gain de performance largement amélioré par rapport à la détonation dans l’air.
Mais à nouveau, en 1990, avec l'effilochement du programme SDI, les crédits furent coupés et les chercheurs retournèrent à leur laboratoire pour des activités plus saines !
1995 voit la montée en puissance des études sur le Lightcraft : le premier prototype de véhicule propulsé par laser. Et ce prototype va au-delà des espérances. Non seulement il vole en étant guidé par un fil, mais, grâce à sa stabilité sur le laser, il est capable aussi de faire preuve d’une totale autonomie. Il peut ainsi battre des records d’altitude (plus de 70 m) et attirer l’attention des médias et des scientifiques sur ce genre de propulsion : c’est le renouveau de la propulsion laser. Mais pour combien de temps ?…