Relation médecin-patient - Définition

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Le Modèle délibératif

A l'inverse du modèle paternaliste, le modèle délibératif veut instaurer un dialogue entre le médecin et le patient. Le consentement (Parizeau, 1993) du patient se définit comme l'acte autorisant le médecin à mettre en œuvre à un traitement qu'il a, au préalable, explicité au patient.

La difficulté surgit immédiatement, à la lecture de cette définition, puisque certaines personnes sont incapable de donner un consentement à un acte médical : l'enfant, le fœtus, l'handicapé mental, la personne comateuse ou encore la personne âgée confuse. Ces personnes sont celles qui ne rentrent pas dans la définition d'une personne donné par H. T. Engelhardt. La notion de contrat thérapeutique se base en effet sur le fait que le patient est (ou a été) une personne au sens ou H. T. Engelhardt, à la suite de E. Kant, la définisse : pour être une personne, il faut:

  1. une conscience de soi ;
  2. la raison;
  3. un sens moral minimum.

Une autre difficulté se situe dans l'articulation du principe d'autonomie du patient et le principe de bienfaisance dont nous parlions au début de cet article comme étant un des fondements du modèle paternaliste. Si le patient n'a pas la connaissance médicale, il est cependant en mesure d'évaluer les impacts de la décision médicale sur son mode de vie, ses valeurs, son histoire personnelle et le sens de son existence. Il a la possibilité d'exercer son jugement et d'évaluer si le traitement proposé est acceptable, compte tenu de sa spécificité individuelle.

Mais pour pouvoir exercer son jugement, le patient doit avoir accès à l'information médicale ! Un dialogue est donc nécessaire. Si le patient d'un médecin est (ou a été) une personne, il se doit de lui laisser prendre les décisions qui affecteront sa vie. Le contrat se constitue dans une délibération entre la volonté du patient et du médecin. Les deux volontés interviennent dans le consensus à part égale (mail il faut souligner que le patient a en tout cas le droit de décider lui-même ce que les traitants peuvent faire ou ne pas faire (autonomie du patient). Lorsqu'une équipe encadre le patient, la discussion se réalise avec l'ensemble du personnel soignant et n'est plus une décision prise uniquement par le médecin au sommet de la hiérarchie des intervenants, tel un bon père de famille. Les infirmières, par exemple, doivent prendre part à la décision. Ce n'est pas au médecin de prendre des décisions de vie (et de mort) en lieu et place des personnes. Personne n'est mieux placé que la personne elle-même pour décider ce qui est le mieux pour elle.

La question des experts

Savoir si le pouvoir de la science ne met pas à mal le fondement même de la démocratie est une question fondamentale dans les œuvres de Bruno Latour (Latour, 1987) et de la philosophe bruxelloise Isabelle Stengers qui souligne dans Sciences et pouvoirs (Stengers, 1997) que des expressions tels que «il est prouvé que», «du point de vue scientifique», « objectivement », «les faits montrent que», «en réalité», sont souvent utilisés par ceux qui nous gouvernent pour couper tout débat.

En effet, si «les faits montrent que», que pouvons-nous dire contre les faits eux-mêmes ? Michel Callon (Callon, 2001, pp. 168) et ses collaborateurs observent de fait que le citoyen délègue ses décisions à deux instances, le monde académique pour déterminer ce qui est réel et le monde politique pour prendre les décisions sur base de la description du réel faite par les scientifiques. Le citoyen abdique donc son pouvoir démocratique en le déléguant à ces deux sphères : le scientifique et le politique.

L'idéologie de la science affirme avoir accès à la réalité tel qu'elle est et lorsqu'un homme politique invoque la recherche scientifique pour justifier ses décisions, il nous affirme donc que la réalité elle-même est d'accord avec lui. La réalité étant telle ou telle, sa décision est la seule logique. Que peut faire le simple citoyen contre la réalité elle-même ? Y aurait-il là un rapt de la démocratie par les experts ? Ce genre d'expressions, comme par exemple «Il est prouvé que», proviennent de ce que Bruno Latour appelle la science terminée (en anglais ready made science), mais au niveau de la science en train de se faire (science in the making) les choses sont bien évidemment loin d'être aussi simple. Bruno Latour encourage à faire la différence entre l'idéologie scientifique, qui se présente généralement comme appliquant une simple épistémologie falsificationiste tel qu'énoncée par Karl Popper (Popper, 1972), et la science effective, c'est-à-dire celle que font les scientifiques effectivement dans leurs laboratoires et leurs publications. Il est certain que lorsque l'on approfondit, que ce soit dans la pratique de la recherche ou par l'épistémologie, la manière dont se fait la science effectivement, ces expressions se montrent de plus en plus glissante. Les faits naissent et sont portés par un paradigme. Ils ne sont jamais neutres et ne sont finalement jamais la réalité tel qu'elle est mais déjà une interprétation de celle-ci. (voir en particulier : Popper, 1972, Feyerabend, 1975, Chalmers, 1987 et Sardar, 2000)

Mais comment le citoyen, sans formation scientifique, peut-il se positionner par rapport à l'idéologie scientiste dominante, alors même que la science se veut exclusive, réservée à un certain groupe de personnes, les universitaires ? Et les choses se compliquent d'autant plus lorsque l'on constate que les États ne sont plus en mesure de financer la recherche et que c'est le privé, par exemple les firmes pharmaceutiques, qui paient pour elle. Nous sommes donc face à un problème aigu de philosophie politique : comment le néolibéralisme et la science interagissent-ils ? C'est en ce sens qu'Isabelle Stengers et d'autres peuvent présenter la science comme étant finalement une sorte de pouvoir oppresseur.

Cela pose la question de savoir quelle est la position des universités dans notre société : le rôle de l'université est-il d'être refermée sur elle-même (les articles scientifiques ne s'adressant qu'à des pairs, à d'autres scientifiques) ou bien doit-elle jouer un rôle actif dans la société, démocratisant le savoir pour le plus grand nombre ? Pour l'éthique de la discussion d'Habermas, le scientifique doit prendre part aux discussions éthiques en considérant que les propos de son interlocuteur sont pertinents, et pas comme un expert qui explique la solution à l'interlocuteur ignorant.

Aussi, dans cette perspective, la signification des savoirs des chercheurs dépendra de manière cruciale de leur capacité à rencontrer d'autres savoirs. Le développement des « essais thérapeutiques » sur le sida a valeur emblématique de cette tension en tant qu'il occasionna de vives polémiques entre les différentes philosophies d'essais en présence du côté des médecins et des statisticiens (Dodier, 2004) dans le temps même où les mouvements de malades en faisaient le champ d'une bataille du savoir et du pouvoir dans leur volonté à défendre leur place propre dans la production des connaissances sur la maladie (Epstein, 2001 et Barbot, 2002).

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