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Le steampunk est un genre littéraire. C'est à l'origine un sous-genre de la science-fiction uchronique, dont l'intitulé a été forgé par allusion au cyberpunk par l'auteur K.W. Jeter à titre de boutade. L'expression steampunk, qui signifie littéralement punk à vapeur, souvent traduite par futur à vapeur, est un terme inventé pour qualifier un genre de la littérature de science-fiction né à la fin du XXe siècle, dont l'action se déroule dans l'atmosphère de la société industrielle du XIXe siècle. Le terme fait référence à l'utilisation massive des machines à vapeur au début de la révolution industrielle puis à l'époque victorienne. Mais le style steampunk quitta rapidement la seule sphère de la littérature pour s'étendre à d'autres domaines de création et d'expression et devenir un fandom autonome.
L'origine remonte aux années 1980, par un hommage à l'époque qui suit la Révolution industrielle dans les délires littéraires du trio d'amis K.W. Jeter, Tim Powers et James Blaylock. Jeter écrit Morlock Night (1979) et Machines infernales (1987), Powers rédige Les Voies d'Anubis (1983) et Le Poids de son regard (1989) tandis que Blaylock publie Homunculus (1986) et Le Temps fugitif (1992). Hormis Le Poids de son regard qui est un texte plus sombre, ce sont de véritables hommages (lucides et souvent cruels), aussi frénétiques qu'humoristiques, à une époque révolue, qui marquait une révolution non seulement dans l'économie mais aussi dans les mentalités.
Dans les années 1990, le genre fait de nombreux émules. Parmi les écrivains de langue anglaise qui s'illustrent dans le steampunk figurent William Gibson et Bruce Sterling (La Machine à différences, 1990, qui met en scène les lointains pionniers de l'informatique à l'ère victorienne, Charles Babbage et Ada Lovelace), Brian Stableford (trilogie des Loups-garous de Londres, 1990-1994, et, plus tard, L'Extase des vampires, 1996), Kim Newman (Anno Dracula, 1992, et ses suites), Mark Frost (La Liste des sept, 1993), Paul Di Filippo (La Trilogie Steampunk, 1995), Stephen Baxter (Les Vaisseaux du temps, 1995), Christopher Priest (Le Prestige, 1995) ou encore Robert Charles Wilson (Darwinia, 1998). La trilogie À la croisée des mondes de Phillip Pullman a également de nombreux accents steampunk, bien que l'élément « machine à vapeur » n'y soit pas présent.
Même si Jules Verne ou Albert Robida font figures d'ancêtres tutélaires du genre, les auteurs français ne sont venus que plus tardivement au steampunk comme le note l’anthologie Futurs antérieurs (1999) de Daniel Riche. Cette entrée tardive se manifeste par une floraison d'œuvres telles que Les Grandes profondeurs (1991) et Bouvard, Pécuchet et les savants fous (2000) de René Réouven, Les Inhumains (1992) de Serge Brussolo, les deux opus de la Bibliothèque noire (1998-99) d'Hervé Jubert, L'Équilibre des paradoxes (1999) de Michel Pagel, Confessions d'un automate mangeur d'opium (1999) de Fabrice Colin et Mathieu Gaborit, La Cité entre les mondes (2000) de Francis Valéry, La Lune seule le sait (2000) et Pandemonium (2001) de Johan Heliot, L'Instinct de l'équarisseur (2002) de Thomas Day ou La Ligue des héros (2002) de Xavier Mauméjean. Parmi les œuvres fondatrices françaises « historiques » du genre, on peut sans doute citer aussi, en remontant au début du XXe siécle, les anticipations militaires d'Émile Driant alias « Capitaine Danrit ».
Le genre se raccroche à une longue tradition littéraire qui joue sur les rapports de la fiction et de la machine. Jules Verne, H.G. Wells, Mark Twain et Mary Shelley développaient déjà les thèmes de l'artifice ou de l'automate. Le dispositif littéraire du récit fantastique se reflète dans les ruses et les pièges d'inquiétantes mécaniques échappant au contrôle de leurs inventeurs. C'est sur la scène des théâtres que la machine est entrée en littérature: le dramaturge Pierre Corneille, en 1660, monte au château du Neubourg la première pièce à machines, La Toison d'or. Dès les origines, la machinerie des théâtres fut perçue comme une métaphore de cet autre engin qu'est l'intrigue, comme en témoigne l'expression deus ex machina. Le steampunk systématise et industrialise la puissance littéraire de la machine et de ses représentations.
Rétrospectivement, la critique s'intéresse à des titres publiés avant 1979 qui répondent aux critères de définition du steampunk et qu'elle a baptisé du terme générique de proto-steampunk. Le proto-steampunk comporte des œuvres marquantes comme Le Voyage de Simon Morley (1970) et sa suite tardive Le Balancier du temps (1995) de Jack Finney ; la trilogie uchronique qui met en scène le personnage d’Oswald Bastaple (1971-81) de Michael Moorcock ; Frankenstein délivré (1973) de Brian Aldiss ; les extravagances de Philip José Farmer comme Chacun son tour (1973) ou Le Saigneur de la jungle (1974) ; La Machine à explorer l'espace (1976) de Christopher Priest ; voire Fata Morgana (1977) de William Kotzwinkle, influencé par le polar.
Les amateurs de Bande dessinée, eux, avaient déjà découvert Le Démon des glaces (1974) de Tardi ou le méconnu Captain Hard (1989) de Walter Fahrer.
Le courant steampunk a donné naissance à deux catégories d’œuvres : celles qui créent leur propre univers en obéissant aux contraintes fixées par les pionniers du genre, Powers, Blaylock, Gibson & Sterling et Stableford, et celles qui se veulent systématiquement référentielles.
Ces dernières exploitent l'environnement littéraire et culturel de l'époque victorienne pour mettre en scène des personnalités réelles ou imaginaires (Sherlock Holmes, Frankenstein, Dracula et le Dr Jekyll, mais aussi Jack l'éventreur, Charles Babbage ou Ada Lovelace), ou bien s'inspirent de romans de l'époque de Wells, Verne ou Doyle. Le fameux univers généalogique Wold Newton, rassemblant tous les grands héros de la littérature populaire, inventé par Philip José Farmer, n'est pas étranger à cet engouement. Ce dernier sous-genre est illustré notamment par la BD La Ligue des gentlemen extraordinaires d'Alan Moore, traduite et portée à l'écran depuis, mais aussi par des auteurs comme Kim Newman, Stephen Baxter, René Réouven ou Johan Heliot.
Ces œuvres se caractérisent par un intertexte foisonnant. Le personnage de M, de la Ligue des gentlemen extraordinaires, évoque d'abord James Bond mais se révèle être un autre M plus sinistre en hommage à Fritz Lang. « Appelez-moi Ishmael », se présente le second du capitaine Nemo en accueillant l'équipe des gentlemen extraordinaires à bord du Nautilus« Il manque un portrait sur votre mur » fait-on remarquer à Dorian Gray. Le personnage de Hyde est de son côté retrouvé dans la rue Morgue.
De nombreux textes steampunk n'ont pas été traduits en français, à commencer par la pièce fondatrice, Morlock Night de K.W. Jeter, Black as the Pit, from Pole to Pole (1977) de Howard Waldrop et Steven Utley, The Hollow Earth (1990) de Rudy Rucker, Anti-Ice (1993) de Stephen Baxter ou l'irrespectueux Zeppelins West (2001) de Joe R. Lansdale.