Le suicide est vu bien différemment selon le courant philosophique l'évoquant. Il peut être considéré comme un acte suprême de liberté ou une option de faiblesse et de renoncement, voire de sacrifice.
Du point de vue contraire, le suicide est mis en opposition avec l'humanité. En effet, la mort fait partie de la nature. Se donner la mort, c'est donc renier la nature et s'opposer à elle. C'est s'éloigner de son humanité.
Pour Platon, qui était alors croyant, la mort était la propriété des Dieux, et des Parques qui coupaient le fil de la vie. Pour Platon, se suicider, c'est donc aller contre la volonté des Dieux…
Paul Valéry mentionne dans Tel Quel que le suicide est en général dû à l'impossibilité pour sa victime de supprimer chez elle une idée lui causant souffrance, et à laquelle elle pense donc ne pouvoir mettre fin qu'avec sa propre vie.
Pour Jean-Jacques Delfour, le suicidant ne peut pas vouloir mourir, puisqu'il ignore ce qu'est la mort, dans le sens où il n'en a pas l'expérience. Le suicide, pour lui, est uniquement une manière de mettre fin à une souffrance. Cependant, s'ils mettent fin à leur souffrance, ils mettent aussi fin à la suppression de cette souffrance et donc n'en bénéficient pas ; et la liberté que l'on a sur sa vie, le pouvoir de se tuer, disparaît avec la vie elle-même, on n'a donc pas l'occasion d'en jouir. Pour lui, il n'y a donc pas à proprement parler de suicide, mais une agression du corps pour laquelle rien n'est venu interrompre le processus mortel.
Le saut d’un endroit élevé et la pendaison sont les moyens de suicide les plus fréquents. Le suicide peut aussi se faire par arme à feu, noyade, gazage, overdose, ou en provoquant un accident. Le suicide peut se faire par administration de poisons comme des barbituriques ou bien des pesticides mais aussi par certaines drogues médicamenteuses à hautes doses. Certaines personnes s'ouvrent les veines. Plus rarement il existe aussi le seppuku, parfois désigné en France sous le nom de hara-kiri. Il est aussi possible de se jeter sous un véhicule. Il existe aussi le "suicide by cop" ou l'individu désirant mettre fin à ses jours va, par exemple, braquer un policier avec une arme factice, pour se faire tirer dessus.
Le suicide a été utilisé dans l’histoire comme un acte politique d’opposition et de contestations. Nous ne traiterons pas de l’attentat-suicide.
Le suicide peut être un acte politique, proche du martyre. Dans le Japon médiéval, toute critique du Shogun s'accompagnait d'un seppuku de l'accusateur. A l'époque contemporaine, le suicide est utilisé pour protester de façon spectaculaire, notamment par autocrémation, contre une situation jugée insupportable :
« Il est très important de pouvoir modéliser le comportement suicidaire car sa prédictibilité est actuellement très faible. Bien que la majorité des sujets qui font une tentative de suicide ou se suicident ne sont pas connus comme souffrant d'un trouble psychiatrique, les enquêtes dites « d'autopsie psychologique » réalisées dans l'entourage de sujets suicidés nous montrent que 90 à 95 % des sujets décédés par suicide présentaient un trouble psychiatrique. »
— Conférence de consensus, La Crise suicidaire, ANAES p. 77
Deux modèles principaux ont été développés pour expliquer et prévoir le comportement suicidaire. Ces deux modèles se complètent plus qu’ils ne s’excluent.
Les auteurs partent des constatations suivantes : 90 % des victimes de suicide souffraient d’une pathologie psychiatrique au moment de leur mort mais beaucoup de patients psychiatriques ne font pas de tentatives de suicide. Un diagnostic psychiatrique est une condition nécessaire mais non suffisante pour se suicider. Il est donc nécessaire d’identifier des facteurs de risque suicidaire en dehors du diagnostic psychiatrique.
Une tentative de suicide antérieure est le meilleur prédicateur d’une tentative de suicide future mais seulement 20 à 30 % des patients qui se suicident ont fait avant une tentative de suicide. Un premier résultat important est que les patients qui font une tentative de suicide ne diffèrent pas significativement de ceux qui n’en font pas en termes de sévérité de la psychopathologie aiguë. Ceci va à l’encontre d’une idée reçue selon laquelle la gravité des symptômes prédispose au suicide.
Par contre, l’intensité de l’idéation suicidaire est un facteur de risque de passage à l’acte. Dans le risque suicidaire, la pathologie intervient par certains paramètres longitudinaux :
Des éléments stables du comportement sont retrouvés comme des marqueurs de prédisposition :
C'est le modèle qui a été retenu par l’INSERM dans ses travaux sur le suicide. Il est possible d’observer un processus suicidaire chez l’individu avant le passage à l’acte. Les personnes suicidaires présentent une fragilité (facteurs de risque accumulés) qui les prédisposerait à réagir de façon inadaptée lors de situations stressantes. Une perte quelconque (exemple : perte d’un(e) ami(e) ou deuil d'un proche) enclenche le processus. Une période dépressive suit la perte ; puis l’étape de la crise s’installe. L’état de crise peut être accompagné d’idéations passagères qui se transformeront en rumination, puis en cristallisation (formation d’un plan précis pour passer à l'acte : où ? quand ? comment ?) pour aboutir à la tentative planifiée. Dans la majorité des cas, le suicide n’est donc pas un acte impulsif, mais plutôt un acte prémédité qui résulte d'un processus bien défini. Ceci permet de réaliser qu'une intervention spécifique est possible à chacune des étapes. La personne intervenant auprès d'un individu suicidaire doit être attentive aux signes associés à chaque phase du processus.
Le processus suicidaire est un processus qui se déroule sur quelques heures ou quelques jours. On y distingue trois étapes :
Les études faites sur la cognition du suicide ont trouvé les caractéristiques suivantes qui prédisposent au passage à l’acte suicidaire en situation de stress :
Cette cognition particulière semble devoir être mise en relation avec un déficit des fonctions exécutives avec en particulier des difficultés dans l’élaboration des stratégies de prise de décisions comme cela a été montré dans une étude récente. Enfin, nous dirons quelques mots de la neurobiologie du suicide. Le trait très régulièrement retrouvé est le dysfonctionnement du système sérotoninergique que celui-ci soit attesté par une diminution des métabolites urinaires de la sérotonine, ou des métabolites au niveau du liquide céphalorachidien, ou encore par une baisse de la fixation de la sérotonine au niveau préfrontal. Pour une revue détaillée, on pourra consulter The neurobiology of suicide and suicidality.
Références