Platon ( Πλάτων ) | |
Philosophe occidental | |
Antiquité | |
détail de L'École d'Athènes, par Raphaël | |
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Naissance | vers 427 av. J.-C. (Athènes) |
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Décès | vers 346 av. J.-C. (Athènes) |
École/tradition | Fondateur de l'Académie |
Principaux intérêts | Métaphysique, cosmologie, éthique, politique, esthétique, rhétorique, sophistique, langage |
Idées remarquables | Dialectique, Maïeutique, Allégorie de la caverne, Théorie des Formes, Participation, Réminiscence, Imitation, Philosophe roi |
Œuvres principales | Le Banquet, La République, Phédon, Théétète, Le Sophiste |
Influencé par | Pythagore, Parménide, Héraclite, Socrate, Mystères égyptiens |
A influencé | La majeure partie de la philosophie occidentale ; une partie de la philosophie islamique |
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Platon (en grec ancien Πλάτων / Plátôn), Athènes, 428 - 427 av. J.-C., 347 - 346 av. J.-C., est un philosophe grec, contemporain de la démocratie athénienne et des sophistes, qu'il critiqua vigoureusement. Il reprit le travail philosophique de certains de ses prédécesseurs, notamment Socrate, Parménide, Héraclite et Pythagore, afin d'élaborer sa propre pensée qui explore la plupart des champs importants, notamment la métaphysique, l'éthique, l'esthétique et la politique.
Son œuvre, composée presque exclusivement de dialogues, est d'une grande richesse de style et de contenu, et produit, sur de nombreux sujets, les premières formulations classiques des problèmes majeurs de l'histoire de la philosophie occidentale. Chaque dialogue de Platon interroge un sujet donné, par exemple le beau ou le courage. La pensée de Platon n'est pas monolithique : une partie de ses dialogues aboutissent à des apories philosophiques, et ses dialogues qui apportent une solution aux problèmes posés ne constituent pas une réponse unique et définitive.
Platon est l'inventeur de la théorie des Formes : celle-ci décrit le réel comme un ensemble de copies qui participent de leurs modèles immuables. La Forme suprême est, selon le contexte, tantôt le Bien, tantôt le Beau. La philosophie politique de Platon considère que la Cité juste doit être construite selon le modèle du Bien en soi.
À part quelques données certifiées, dont la chronologie est d'ailleurs incertaine, la vie de Platon est mal connue. Comme pour beaucoup d'autres philosophes de l'Antiquité, il est souvent difficile, de faire la distinction entre ce qui relève de l'histoire, de la construction littéraire, de la spéculation mystique, des légendes, ou simplement des rumeurs. Les exemples sont indiqués, et les éléments de biographie qui suivent doivent donc être considérés avec circonspection.
Platon est né à Athènes dans le dème de Collytos, en 428 - 427, pendant l'archontat d'Aminias (Diogène Laërce le fait toutefois naître à Égine), deux ans après la mort de Périclès (en -429), lors de la guerre du Péloponnèse (de 431 à 404). La date exacte demeure cependant incertaine : une tradition la fixe à la troisième année de la 88e olympiade, au 7 du mois thargélion, qui correspondrait au 21 mai de l'an -429. Mais les sources à ce sujet relèvent essentiellement de calculs fondés sur des croyances religieuses et des considérations mystiques sur les nombres. C'est pourquoi on situe la naissance de Platon trois ou quatre ans suivant le début de la guerre du Péloponnèse, vers l'époque de la mort de Périclès.
Il est en tout cas certain que Platon venait d'une famille aristocratique. Sa généalogie est toutefois incertaine du côté de son père. Ariston prétendait en effet descendre de Codros, dernier roi légendaire d'Athènes, et plus sûre du côté de sa mère, Périctionè, qui descendait d'un certain Dropidès, proche de Solon. Elle était également la cousine germaine de Critias et la sœur de Charmide, deux des Trente Tyrans d'Athènes en -404.
Platon avait trois frères: Adimante et Glaucon interlocuteurs de Socrate dans La République et sans doute plus âgés que lui, Antiphon, ainsi qu'une sœur, Pôtonê, mère de Speusippe qui succéda à Platon à la tête de l'Académie. La mère de Platon, devenue veuve quelque temps après sa naissance, se remaria avec son oncle maternel, Pyrilampe. Elle en eut un fils, Antiphon, qui est le narrateur du Parménide.
Selon les usages des grandes familles de son pays, Platon aurait dû recevoir le nom de son grand-père, Aristoclès, et il est possible que ce soit son véritable nom, « Platon » (Πλάτων) n'étant qu'un surnom. La raison en est inconnue et les explications que l'on en a données sont toutes plus ou moins fantaisistes. Par exemple, selon Diogène Laërce, ce fut Ariston, qui, l'éduquant aux sports, le surnomma ainsi, en raison de sa constitution robuste, platos (πλάτος) signifiant en effet « largeur » car il était d'ailleurs de stature « large » (πλατύς). D'autres hypothèses font allusion à sa volubilité, ou à la largeur de son front, ou encore à l'étendue de son caractère et de son esprit.
Il ne fait aucun doute que Platon reçoit l'éducation traditionnelle correspondant à son statut social. Le détail du cursus avancé par Diogène Laerce relève toutefois d'une « illustration narrative des principales influences théoriques qui se seraient exercées sur Platon » ». Ceci revient à dire que la biographie du jeune Platon est une invention conçue pour s'accorder a posteriori avec ses œuvres. En voici quelques éléments, tirés essentiellement des ouvrages de Laërce. Il eut pour maître de gymnastique Ariston d'Argos, et l'on dit qu'il a remporté deux prix aux Jeux olympiques et aux Jeux isthmiques. Il s'initia à la peinture, écrivit des poèmes, des dithyrambes, des vers lyriques et des tragédies. La musique, la flûte et la cithare, lui furent enseignées par Dracon, élève de Damon, et par Métellus d'Agrigente. Tous ses dialogues, et particulièrement le Timée, attestent qu'il avait poussé fort loin l'étude de cet art, qui, dans l'Antiquité, était étroitement lié aux mathématiques. Ce fut Denys le grammairien, mentionné dans les Amants, qui l'initia à cet ensemble de connaissances libérales que les Anciens appelaient la « grammaire », et, longtemps avant son voyage en Égypte, il avait peut-être écouté à Athènes le célèbre mathématicien Théodore de Cyrène, venu en visite avant la mort de Socrate. L'importance des mathématiques a sans doute été grande à ses yeux, et Platon fut l'un des plus grands promoteurs de cette scienceCicéron. On ignore l'identité de son éraste, mais appartenant à l'élite de la société grecque, il est presque sûr qu'il connut une relation de pédérastie, relation qu'il condamne dans Le Banquet. Par la suite, il prit bon nombre de ses disciples en tant qu'éromènes, notamment Dion de Syracuse.
Platon était en relation étroite avec le parti oligarchique que par ailleurs il honnissait, et semble n'avoir pas été insensible à la célébrité de sa famille, qu'il mentionne dans le Charmide et dans le Timée. Il était le petit-neveu de Critias et le neveu de Charmide, tous deux du Conseil des Trente Tyrans, un régime de terreur imposé par Sparte pendant neuf mois, à partir de -403, à la fin de la guerre du Péloponnèse. Critias et Charmide étaient aussi tous deux disciples de Socrate. On a voulu ainsi, par la parenté et le socratisme, expliquer le caractère des idées politiques de Platon. L'éducation qui, à Sparte, négligeait l'âme et ne s'occupait que du corps, la politique ambitieuse et avide de domination, la passion guerrière, l'immoralité des femmes, furent sévèrement jugées par Platon. Tout au long de son oeuvre, il a dénoncé les excès de l'oligarchie, où les riches dominent les pauvres, et ceux de la démocratie, où les pauvres tentent de dominer les riches. C'est pourquoi Platon proposa dans La République un régime original : la timocratie. Il s'agissait d'un régime où la population était divisée en classes sociales strictement délimitées, ayant chacune des prérogatives propres.
Platon appartenait donc à une riche famille de propriétaires terriens, et il en profita largement. Il voyagea, acheta la bibliothèque de Philolaos, organisa une chorégie, fête très coûteuse.
Vers -410, il fut élève de Cratyle, un disciple d'Héraclite, et d'Hermogène, un disciple de Parménide.
Il abandonna de bonne heure la vie politique, la seule jugée comme digne d'un homme dans l'Antiquité, et qu'il considérait comme le plus grand honneur, comme le plus grand devoir d'un bon citoyen, ainsi que comme le couronnement de la vie philosophique. Si l'on en croit la VIIe lettre, dont l'authenticité est généralement acceptée, il aurait essayé de la politique, et même pris quelque part au gouvernement des Trente Tyrans, despotique et sanguinaire au point de perpétrer environ 1 500 exécutions sommaires. Il y aurait vite renoncé, dégoûté par les excès et les fureurs des partis.
« Du temps de ma jeunesse, je ressentais en effet la même chose que beaucoup dans cette situation : je m'imaginais qu'aussitôt devenu maître de moi-même, j'irais tout droit m'occuper des affaires communes de la cité. Et voilà comment le hasard fit que je trouvai les choses de la cité. Le régime d'alors était en effet l'objet de virulentes critiques de la part du plus grand nombre, et une révolution éclata. (…) Et moi, voyant donc cela, et les hommes qui s'occupaient de politique, plus j'examinais en profondeur les lois et les coutumes en même temps que j'avançais en âge, plus il me parut qu'il était difficile d'administrer droitement les affaires de la cité. Il n'était en effet pas possible de le faire sans amis et associés dignes de confiance, et il n'était pas aisé d'en trouver parmi ceux qu'on avait sous la main, car notre cité n'était plus administrée selon les coutumes et les habitudes de nos pères. »
En -403, la démocratie fut rétablie à Athènes par Trasybule et Anytos (un accusateur de Socrate quatre années plus tard).
Platon devint le disciple de Socrate durant neuf ans, de -408 à -399, jusqu'à la condamnation de Socrate, qui avait résisté, entre autres, aux Trente Tyrans, refusant « d'obéir aux gens de l'entourage de Critias qui lui ordonnaient de leur amener Léon de Salamine, un riche démocrate, pour qu'il fût mis à mort ». À la suite de cette rencontre, Platon abandonna l'idée de concourir pour la tragédie grecque et brûla toutes ses œuvres. Il transmit l'enseignement de son maître tout en se l'appropriant et en le transformant peu à peu. Il commença ses dialogues durant le vivant de Socrate : Hippias mineur, Ion, etc. « Socrate, qui venait d'entendre Platon donner lecture du Lysis, s'écria : « Par Héraclès, que de faussetés dit sur moi ce jeune homme ! » ».
Malade, il n'assista pas à la mort de Socrate en -399. Inquiet sur le sort des disciples de Socrate, il se réfugia chez Euclide de Mégare, qui en faisait lui aussi partie. « Par la suite, il alla en Égypte chez les prêtres du haut clergé » ; ce n'est pas certain, car sa connaissance de l'Égypte paraît indirecte et stéréotypée ; c'était peut-être en -392, peut-être avec Eudoxe de Cnide. Platon a participé, comme cavalier, à la guerre de Corinthe, qui vit la victoire, en -394, de Sparte sur Athènes. À Cyrène, il aurait rencontré les philosophes Aristippe de Cyrène et Annicéris de Cyrène, défenseurs d'une philosophie de la jouissance, ainsi que le mathématicien Théodore, qui figure dans le Théétète (143-144). En Italie du Sud, dans la Grande-Grèce, à Tarente, il rencontra le grand pythagoricien Philolaos de Crotone, et ses auditeurs, Timée et Archytas de Tarente ; à cette occasion, qui date de -388 à -387, il entra en contact avec le pythagorisme, et approfondit l'opposition âme - corps, les nombres, et l'idéal oligarchique du philosophe-roi.
Il fit un premier voyage politique en Sicile en -387, et Denys Ier l'Ancien, qui s'intéressait à la philosophie, le reçut à la cour de Syracuse. Il gagna à la philosophie Dion de Syracuse, beau-frère de Denys, mais, en raison de son penchant à faire la leçon, ou à cause de son influence, il ne tarda pas à déplaire au « tyran », maître souverain. Embarqué de force sur un bateau spartiate, il fut probablement capturé et vendu comme esclave sur l'île d'Égine, alors en guerre contre Athènes. Il fut néanmoins affranchi par Annicéris de Cyrène, philosophe cyrénaïque, qui l'aurait reconnu, acheté « pour vingt mines d'argent », puis libéré.
Après l'échec politique à Syracuse, Platon fonda, en -387, à Athènes, près de Colone et du gymnase d'Acadèmos, une école, nommée « l'Académie », selon le modèle des pythagoriciens. Il y enseigna pendant quarante ans. Sur le fronton de l'Académie était gravée, selon la légende, la devise « Que nul n'entre ici s'il n'est géomètre ». C'est le premier institut d'enseignement supérieur connu en Occident.
On y poursuivait des recherches scientifiques ; l'enseignement des sciences exactes y préparait à l'étude de la philosophie, considérée en elle-même, et dans ses applications à la politique. Des philosophes, comme Aristote qui y passa vingt années, ainsi que beaucoup d'hommes d'État, dont Hermias d'Atarnée condisciple et protecteur d'Aristote, y furent formés. Les principaux membres de l'Académie étaient Eudoxe de Cnide, Héraclide du Pont, Speusippe, Xénocrate, Aristote, le mathématicien Théétète, et deux femmes : Axiothea et Lastheneia. L'école a subsisté pendant neuf siècles, jusqu'au règne de l'empereur byzantin Justinien, en 529.
Vers -380, Platon aurait initié le mathématicien Léodamas de Thasos à l'usage de l'analyse en géométrie. (Mais qu'entendre ici par analyse ? La remontée aux principes ? La déduction à partir des principes ? La réduction des théorèmes particuliers à des axiomes simples et évidents ou à des principes admis ?)
Vers -370, Platon traversa, selon Léon Robin ou Pierre-Maxime Schuhl, une longue crise intellectuelle, durant laquelle il s'interrogeait sur sa théorie des Idées (interrogation qui traverse les dialogues du Parménide et du Sophiste). Il prit conscience de la difficulté d'association (μέθεξις / méthexis), non symétrique des Idées avec les choses sensibles, ainsi que de l'association (σύμμιξις / súmmixis) des Idées entre elles, de même que la communion (κοινωνία / koinômía) entre les Idées et le Bien. En même temps, il semblait, sous l'influence d'Eudoxe de Cnide : admettre un ordre dans le sensible, et s'orienter vers un certain dualisme de type oriental : « Cet univers, tantôt la Divinité guide l'ensemble de sa marche, tantôt elle l'abandonne à lui-même ».
Au début de -367, il fit un deuxième voyage politique en Sicile, et, à la mort de Denys Ier l'Ancien, en -367, Dion de Syracuse demanda à Platon, d'éduquer son beau-frère Denys II le Jeune, fils de Denys l'Ancien, à la philosophie. Il avait fait ce retour en Sicile, pensant créer une cité qui serait gouvernée selon ses principes philosophiques : il a terminé La République en -372, persuadé que si les philosophes ne deviennent pas rois ou si « les rois ne deviennent pas philosophes (…) il n'y aura pas de trêve aux maux dont souffrent les États ». Mais Denys II le Jeune bannit Dion, soupçonné de comploter, et Platon fut détenu un an dans la citadelle d'Ortygie.
En -366, Aristote entra à l'Académie, à l'âge de dix-sept ans, pour vingt années d'études.
Le troisième et dernier voyage politique de Platon en Sicile eut lieu en -360. En -361, Denys II le Jeune promit d'accorder sa grâce à Dion à condition que Platon revienne une troisième fois en Sicile. Platon, âgé de soixante-huit ans, confia l'Académie à Héraclide du Pont, et accepta, ainsi que Speusippe et Xénocrate. Mais ses relations avec Denys II se dégradèrent, et le pythagoricien Archytas de Tarente dut envoyer un vaisseau de guerre pour libérer Platon. Ce fut l'occasion d'un second contact approfondi avec le pythagorisme : il acheta, dit-on, « à Philolaos de Crotone trois livres concernant la doctrine de Pythagore pour cent mines d'argent » (à cette époque, ou, à la mort de Philolaos, vers -380) ; le Timée (35-44, 54-55), qui date de -358, est très pythagorisant, et l'on trouve dans le Philèbe (16c), qui date de -347, l'opposition Limité - Illimité caractéristique de Philolaos. À Olympie, lors des Jeux Olympiques de -360, il retrouva Dion de Syracuse, et lui conseilla de renoncer à une expédition contre Denys le Jeune. Quatre ans plus tard, Dion renversa Denys II le Jeune, mais fut assassiné par un ami, le platonicien Callippe de Syracuse.
Dans ses dialogues de vieillesse, surtout dans le Timée, sa philosophie changea quelque peu. Il semble aussi que, peut-être vers -350, Platon ait donné un enseignement oral d'orientation dualiste et pythagorisante, centré sur les Nombres idéaux.
Platon, âgé de 80-81 ans, mourut à Athènes en -347 ou -346, « au cours d'un repas de noce ». Il rédigeait alors Les Lois, dont on a pu penser que le livre XII était inachevé, mais ce jugement est sujet à discussion. La tradition voudrait le faire mourir à 81 ans, d'après le symbolisme des nombres, car 81 est le carré de 9. Il avait un fils, Adamante. « Il fut inhumé à l'Académie. » Pendant ce temps, la guerre de Philippe II de Macédoine pour conquérir Athènes faisait rage.
Aristote, déjà auteur de remarquables dialogues (perdus) et de son œuvre logique, fut dépité de voir Speusippe, neveu de Platon, nommé scolarque, recteur de l'Académie, plutôt que lui. Il partit en Asie chez Hermias d'Atarnée, un « tyran », et ancien condisciple à l'Académie.