C'est en 1953 que Vica Shentoub reprend le test de Henri Murray pour lui donner une relecture psychanalytique. A l'aide d'une équipe de chercheur de l'institut de psychologie à Paris, elle collecte et analyse pendant plusieurs années d'innombrables protocoles. Ce travail révèlera un corpus de réponses dites banales mais surtout le fait que les contenus des réponses n'ont pas réellement de valeurs discriminantes et/ou diagnostiques. Le plus important est en réalité le style du récit, les procédés utilisés, la manière même de répondre à la consigne et aux stimuli. Il s'agit là d'un véritable renversement par rapport à la perspective de Murray. Dans cette nouvelle orientation, Vica Shentoub reconnaîtra l'influence du psychanalyste américain Roy Schafer. Celui-ci avait reconsidéré le test de Rorschach en proposant un nouvel étayage psychanalytique. Son idée de base, bien qu'alors formalisée au minimum, était d'écouter les réponses du sujet comme un psychanalyste écoute le discours d'un patient. Sans conteste, l'influence de Daniel Lagache fut tout aussi déterminante, notamment pour aller au-delà des apports de l'Ego Psychology.
Ainsi, progressivement, Vica Shentoub et ses collaborateur(e)s, particulièrement Rosine Debray dans les années 1970, construisent une grille ou plutôt un mode de lecture des protocoles original et sans cesse en évolution. Les points fondamentaux furent de distinguer :
Le fonctionnement psychique du sujet est finalement analysé en tant qu'il est une suite d'oscillations entre un pôle de contrôle (raconter une histoire à partir de la planche) et un pôle de laisser-aller (imaginer cette histoire). Les procédés de défenses ou de dégagement témoignent de ces oscillations sollicitées en partie par le différentiel entre contenus latents et contenus manifestes. Sur le plan technique, Shentoub modifiera les conditions de passation de Murray ainsi que l'utilisation du matériel : elle réduit le nombre de planches de 31 à 18, et de plus, considère que la passation doit se faire en une séance et sans enquête.
Ce test est une variante du TAT à destination des enfants ( < 7/8 ans). Il a comme différence principale le type de figures utilisées. Celles-ci sont de type animal. La raison est que les jeunes enfants ont une grande capacité à se projeter sur ceux- ci.
Le principe de la cotation est de déterminer les mécanismes de défenses utilisés par le sujet. La première feuille de dépouillement, permettant de coter les réponses au test, fut élaborée en 1968 par Vica Shentoub. En 1978, Debray y adjoint les procédés factuels. Puis, Foulard, en 1981, considère certains procédés narcissiques. En 1998 et 2000 apparaissent une nouvelle catégorie : l' investissement des limites.
Enfin, en 2001, Chabert réorganisa la feuille de dépouillement en quatre catégories :
C'est une série qui cote les mécanismes de défenses de type névrotiques incluant une sous-catégorie de procédés obsessionnels. Ces procédés tendent à contenir les affects, par la rationalisation, l'intellectualisation, les références culturelles, les précautions verbales, la dénégation, etc.
A 1 investissement de la réalité externe
A 1.1 description avec attachement aux détails , avec ou sans justificatif de l'interprétation
A 1.2 précision spatio-temporelle, chiffrée
A 1.3 références aux sens commun, normes sociales, morale
A.1.4 références littéraires,culturelles
A 2 investissement de la réalité interne
A 2.1 accent porté sur le fictif ou le rêve
A 2.2 intellectualisation
A 2.3 dénégation
A 2.4 accent porté sur les conflits intrapersonnels, aller retour entre expression pulsionnelle agressive et défense
A.3 procédés de type obsessionnelle
A.3.1 doutes, précautions verbales, hésitations entre plusieurs récits, remâchage
A.3.2 annulation (de toutes les pulsions exprimées)
A.3.3 formation réactionnelle (conversion en son contraire de la pulsion afin de la refoulée)
A.3.4 isolation entre affects et représentation (entre les personnages du récit,pour un personnage du récit) affects minimisé
Procédés B Labilité
B.1 investissement de la relation
B.1.1 accent porté sur les conflits interpersonnels, mise en dialogue
B.1.2 introduction d'un autre personnage (pas sur la planche)
B.1.3 expression d'affects (de bonnes qualités et en bonne quantité)
B.2 dramatisation
B.2.1 entrée directe dans l'expression, exclamation,commentaire personnel, théâtralisme , histoires à rebondissements
B.2.2 affects forts ou exagérés (qualité bonne,mais déborde)
B.2.3 aller/retour entre désirs contradictoires, représentation et/ou affects contrastés
B.2.4 représentation d'action en association ou non avec des états émotionnels de peur de vertige de catastrophe
B.3 procédés de type hystérique
B.3.1 mise en avant des affects au service du refoulement des représentations
B.3.2 érotisation des relations, symbolisme transparent, détails à valeur de séduction
B.3.4 labilité des identifications
C'est une série qui cote également les mécanismes de défenses névrotiques, incluant une sous-catégorie de procédés hystériques. NB: l'hystérie ne doit pas être comprise ici seulement dans le sens d'une pathologie. Il s'agit d'une thématique plus large incluant les problèmes d'identification, les mécanismes de refoulement et les réactivations du conflit œdipien.
B 0 Conflictualisation inter-personnelle
B 1.1 Fantaisie personnelle (histoire construite autour d'une fantaisie personnelle, mécanismes de défense souples contre le retour du refoulé)
B 1.2 Introduction de personnages (non figurant sur l'image)
B 1.3 Identifications (souples et diffusées)
B 1.4 Affects nuancés (expression verbale d'affects nuancés, modulés par le stimulus, facteurs de dégagement)
B 2.1 Expression (entrée directe dans l'expression, fantasme livré brutalement)
B 2.2 Fabulation (loin de l'image, rebondissements)
B 2.3 Relations interpersonnelles (accent porté sur les relations interpersonnelles, récit en dialogue; les instances sont projetées sur ou dans les sujets)
B 2.4 Affects forts ou exagérés
B 2.5 Dramatisation (éprouver du plaisir à mettre en scène des événements tragiques)
B 2.6 Représentations contrastées (passage d'affects positifs et négatifs, alternance entre des états émotionnels contrastés)
B 2.7 Aller & retour (entre désirs contradictoires, réalisation magique du désir, fixation sur le désir libidinal)
B 2.8 Exclamations (commentaires, digressions, références personnelles)
B 2.9 Erotisation (érotisation des relations, prégnance de la thématique sexuelle et/ou symbolisme transparent; souvent couplé avec B 2.6 et B 2.7)
B 2.10 Détails narcissiques (attachement aux détails narcissiques à valence relationnelle)
B 2.11 Instabilité identificatoire (instabilité dans les identifications, hésitations sur le sexe ou l'âge des personnages; pathologie de l'identité)
B 2.12 Agir corporel (accent porté sur une thématique du style aller, courir, dire, fuir)
B 2.13 Peur (thèmes de peur, de catastrophe, de vertige, etc. dans un contexte dramatisé; agir pour éviter la représentation)
Selon la nouvelle classification mise au point par Catherine Chabert, la série C permet de coter les mécanismes d'évitements du conflit, et inclut cinq sous séries :
Ancienne classification :
C/P Registre phobique
C/P 1 Latences (temps de latence initial ou silences importants intra-récit)
C/P 2 Restriction (tendance générale à restreindre, histoires courtes, banalisées)
C/P 3 Anonymat (personnages non sexués, sans affects)
C/P 4 Sans motif (motifs des conflits non précisés, récits banalisés à outrance, impersonnels; placages)
C/P 5 Nécessité de questionner (tendance au refus, voire refus)
C/P 6 Arrêts (évocation d'éléments anxiogènes suivis ou précédés d'arrêts dans le discours)
C/N Registre narcissique (le corps est utilisé pour communiquer et produire du sens; la pulsion prégénitale est figée; recherche d'un contenant, le moi n'étant pas capable d'exprimer un désir par peur de tout perdre)
C/N 1 Éprouvé subjectif (accent porté sur l'éprouvé subjectif, non relationnel; évitement du conflit)
C/N 2 Références personnelles (et autobiographiques; pas de distance)
C/N 3 Affect-titre
C/N 4 Posture signifiante d'affects (le sujet s'attache aux postures comme si elles disaient tout)
C/N 5 Sensorialité (accent mis sur les qualités sensorielles, l'ambiance)
C/N 6 Limites & contours (accent mis sur les délimitations autour du moi, entre le dedans et le dehors)
C/N 7 Relations spéculaires (l'autre ne peut être vu que par l'équivalent)
C/N 8 Mise en tableau (mouvement figé)
C/N 9 Critique de soi (ex: « Je n'ai jamais été doué pour raconter des histoires »; cf C/C)
C/N 10 Détails narcissiques (idéalisation de soi; recentrer le sujet par des détails sur l'autre, p.ex. « Elle est jolie, la robe, avec un col blanc)
C/M Registre maniaque (question de la perte; lutte anti-dépressive; pas d'enjeu œdipien; voir comment le mouvement, par la suite, est pris par le narcissisme; les mécanismes ne sont pas forcément pathologiques, et de bon pronostic chez les psychotiques
C/M 1 Étayage de l'objet (surinvestissement de la fonction d'étayage de l'objet, le moi est démuni)
C/M 2 Idéalisation de l'objet (valence positive ou négative, personnages en tout-ou-rien)
C/M 3 Pirouettes & virevoltes (histoire terrible, puis tout rentre dans l'ordre)
C/C Registre comportemental (décharge de l'excitation, mise à distance du malaise, arrêt de la fantasmatisation)
C/C 1 Agitation motrice (mimiques, expressions corporelles)
C/C 2 Demandes (faites au clinicien)
C/C 3 Critiques (du matériel, de la situation)
C/C 4 Ironie, dérision
C/C 5 Clin d'œil au clinicien
C/F Registre factuel (pas de conflit; registre factuel, pensée « opératoire »)
C/F 1 Accrochage (au contenu manifeste, descriptions froides et plates)
C/F 2 Factuel (accent mis sur le quotidien, le factuel, le concret, l'actuel)
C/F 3 Faire (accent porté sur le faire)
C/F 4 Normes (appel à des normes extérieures; ex. « Il est huit heures, donc on se lève »; surmoi extérieur)
C/F 5 Affects de circonstance (ex: « Elle est morte, donc il est triste »)
Cote les mécanismes associés aux processus primaires, incluant quatre sous séries :
1/ Items E1 à E6
Renvoie aux défaillances dans les conduites perceptives.(sur investissement du fantasme archaïque, pas forcément pathologique; lorsque ces mécanismes sont présents en petites quantités, perméabilité entre les topiques; observer la reprise)
E 1 Scotome (d'objets manifestes; fréquent chez les psychotiques; chez le névrosé, rejet du signifiant, « Je n'en veux rien savoir »)
E 2 Détails rares (perception de détails rares ou bizarres, ajouts éventuels)
E 3 Justifications arbitraires (à partir des détails; obsessionnels)
E 4 Fausses perceptions (maniaques et psychotiques)
E 5 Perception sensorielle (déformation du réel, hallucination)
E 6 Morcellement (perception d'objets morcelés et/ou détériorés, personnages malades, malformés; attaques de l'objet; psychotiques)
2/ Items E7 à E10
Renvoie aux perturbations liées au fantasme.
E 7 Inadéquation (inadéquation du thème au stimulus, fabulation hors image, éloignement du contenu manifeste, abstractions, symbolisme hermétique; psychotiques; projection)
E 8 Expressions crues (liées à une thématique sexuelle ou agressive; obsessionnels; projection)
E 9 Expressions massives (d'affects et/ou de représentations liés à toute problématique : incapacité, dénuement, réussite mégalomaniaque, peur, mort, destruction, persécution, etc.; projection)
E 10 Persévération (projections récurrentes)
3/ Items E11 à E16
Renvoie aux troubles liées à l'identité et à la relation d'objet.
E 11 Télescopages (confusion des identités, des rôles; problèmes identitaires)
E 12 Instabilité des objets (comme si tous les objets avaient une valeur identique; problèmes identitaires)
E 13 Désorganisation (des séquences temporelles et/ou spatiales, confusions dans le déroulement de l'histoire; problèmes identitaires)
E 14 Mauvais objet (thème de persécution; mécanismes interprétatifs)
E 15 Clivage de l'objet (gentils/méchants; mécanismes interprétatifs)
E 16 Arbitraire (recherche arbitraire de l'intentionnalité des images, physionomies, attitudes, à partir d'un détail; ex. « Elle a un chapeau, donc elle a un amant. »; mécanismes interprétatifs)
4/ Items E17 à E20
Renvoie à la désorganisation de la pensée et du discours (plus de logique de communication).
E 17 Craquées verbales (troubles de la syntaxe; ex. passé/futur, le/la, lapsus; fréquent dans toutes les organisations)
E 18 Coq-à-l'âne (associations par contiguïté, par consonance; rupture de lien, fréquente chez les maniaques)
E 19 Associations courtes (pas de lien, cause à effet)
E 20 Indétermination (vague, flou du discours, fréquent dans toutes les organisations)