Les bâtiments sont là : une belle et élégante abbaye, achevée avec tourelles, église, quartier abbatial, quartier des hôtes, moulin, etc., mais l’esprit n’y est plus. Une nouvelle décadence s’installe. Mauvais signe : un moine de Clairvaux qui visite l’abbaye en 1744 trouve la bibliothèque en un déplorable état : « la petite bibliothèque ne parait pas fréquentée ; les fenêtres en sont toujours fermées, ce qui cause une quantité de puces que nous y trouvâmes en abondance, en sorte que nous dûmes retrousser nos habits assez hauts... ». Un règlement de 1755 tente de redresser la discipline : « Il est interdit aux moines de prendre du thé, du café, du chocolat des liqueurs, du vin, de fumer, de jouer aux cartes, sous peine d’être confiné dans sa chambre une journée entière ». En vain.
Pour vivre, les moines s’emploient d’abord à l’agriculture. Mais dès 1899 une petite brasserie est installée. Les moines d’Achel, brasseurs depuis 50 ans, apportent leur savoir-faire à Rochefort. Paulin Cattoir, moine de Rochefort se fait un nom comme maître brasseur dans les années qui suivent la Première Guerre mondiale. La production reste cependant quasi familiale. Un tournant important est pris en 1952 lorsque de gros investissements améliorent la qualité de la bière comme la quantité produite. Le travail brassicole remplace l’agriculture comme activité primordiale de l’abbaye et devient sa source principale de revenus. Dans les années 1970, l’équipement de la brasserie est entièrement renouvelé et modernisé.
Rochefort est une des seules sept bières autorisées à porter le label de Trappiste.
La propriété passe par différentes mains pour aboutir en celles d’un prêtre séculier, l’abbé Seny, qui en fait donation aux moines cisterciens-trappistes de l’abbaye d'Achel, dans le Limbourg. En 1887 un groupe de moines d’Achel descend à Rochefort pour prendre possession des restes de l’abbaye et y rétablir la vie monastique. Ils adoptent le même blason épargné par les révolutionnaires et la même devise : Curvata resurgo. Ainsi après un siècle d’interruption la vie cistercienne reprend à Rochefort. Sous le nouveau prieur Anselme Judong de nouveaux bâtiments sont érigés et sont restaurés ceux qui peuvent l’être : le porche du XVIe siècle, la ferme du XVIIe et les grange et moulin à eau du XVIIIe siècle. Des objets de dévotions, à grande valeur historique et spirituelle, sauvés de la tourmente révolutionnaire par des habitants de la région sont rendus par leurs descendants aux moines : une statue de l'Enfant-Jésus, un tableau de valeur, etc.