L'Abbaye de Floreffe est une abbaye norbertine (Chanoines réguliers de la congrégation de Prémontré), fondée en 1121 par saint Norbert de Xanten lui-même et reconstruite aux XVIIe et XVIIIe siècles. Elle est située sur un promontoire dominant la Sambre, à une dizaine de kilomètres de la ville de Namur, en Belgique. Elle abrite aujourd'hui un collège-internat secondaire (dit petit-séminaire), et est un centre important d'activités touristiques et culturelles de la région de Namur.
Après sa conversion en 1115, saint Norbert de Xanten devint un prédicateur itinérant. Passant par Namur, sur le chemin qui le conduisait de Cologne à son prieuré de Prémontré dans l'Aine(fondé en 1120), il fut reçu par le comte Godefroi Ier de Namur et sa femme Ermesinde de Luxembourg. Impressionné par son zèle pastoral et sa personnalité rayonnante, le comte de Namur lui offrit une terre à Floreffe pour y installer un groupe de disciples. La présence à ses côtés de Hugues de Fosses, premier disciple et fidèle compagnon de voyage, n’est sans doute pas étrangère à l’acceptation de l’offre par Norbert de Xanten. C’est ainsi que l’abbaye de Floreffe, deuxième abbaye des chanoines réguliers de Prémontré fut fondée en 1121. Les premiers religieux arrivèrent en 1122, avec à leur tête un certain Richard, considéré comme le premier abbé. L'abbaye adopta une devise inspirée par le nom du lieu (Floreffe) : Florete flores, "Que fleurissent les fleurs". Étant une des fondations de St Norbert lui-même, l’abbaye gardera une grande importance et influence dans l’ordre des Prémontrés tout au long de son histoire : avec deux autres, l’abbé de Floreffe était par exemple chargé de la visite canonique annuelle de l’abbaye-mère de Prémontré.
Richement dotée par les comtes de Namur qui la protégeront et la soutiendront pendant des siècles, l’abbaye devint rapidement rayonnante. Durant les deux premiers siècles de nombreuses fondations et œuvres : prieurés, abbayes, hôpitaux et hospices, furent établies. Les Prémontrés de Floreffe desservaient plus de quarante paroisses. Les fondations les mieux connues, car ayant survécu jusqu’à ce jour, sont les abbayes de Postel (1138), Mont-Cornillon, Liège (1140 ?), Leffe (1152). Il y eut des fondations en Allemagne : Wenau (1122), Rommersdorf (1135), et même une abbaye en Terre Sainte, Saint-Habacuc, fondée vers 1137 à Lod (maintenant Tel Aviv), qui fut supprimée à la fin du XIIIe lorsque la domination des Croisés prit fin.
Comme toutes les abbayes - norbertines et autres - Floreffe connut une période de décadence au XIVe. Le chroniqueur de l’époque écrit : « Religion alors périssait, iniquité y dominait. Folies, dissolutions étaient au cloître fréquentes. Par folles œuvres désordonnées tout périssait, le temporel état, et le spirituel de l’église tant vénérable ». Rétablissement de la discipline et assainissement furent l’œuvre de l’abbé Thierry de Warnant (abbé de 1342 à 1361) aidé de l’historien Pierre de Herentals (1322-1390). Le passage du comté de Namur dans les possessions bourguignonnes (1429) eut des conséquences graves pour l’abbaye qui devint fréquemment victime des conflits entre les Bourguignons et la Principauté de Liège. Souvent les fermes furent pillées et dévastées. L’abbaye restait cependant suffisamment influente et pastoralement active pour que le pape Nicolas V accorde en 1450 l’usage de la mitre’ aux abbés de Floreffe, leur conférant ainsi des pouvoirs spirituels étendus, sans qu’il soient évêques.
Alors que beaucoup d’abbayes étaient encore en crise, Floreffe se relevait matériellement grâce à la bonne gestion des abbés Martini (1516-1548) et surtout Dupaix (1552-1578), lequel parvint à éviter que les revenus de l’abbaye ne passent entièrement au diocèse de Namur nouvellement créé (en 1559). Malgré les ravages occasionnés périodiquement par les troupes de passage qui assiégeaient la ville fortifiée de Namur, les bâtiments furent restaurés ou réédifiés. Le même Dupaix introduisit les réformes décidées par le concile de Trente : retour à une vie religieuse plus stricte, et amélioration de la formation des prêtres. Ce travail fut continué sous l’abbatiat de Jean Roberti (1607-1639) qui établit même une maison d’études pour les Prémontrés près de l’université de Louvain (1628). Le nom de Charles de Severi (1641-1662) est lié à l’embellissement de l’église abbatiale (telle que nous la connaissons aujourd’hui).
Nouvelles grosses difficultés financières à la fin du XVIIe siècle : contributions de guerres imposées, pillage de l’abbaye par les troupes françaises, entretien d’une large communauté (65 religieux), reconstruction de fermes et réparation d’églises paroissiales ravagées, et surtout les deux sièges de la ville de Namur en 1692 et 1695 qui mirent en ruine toute la région environnante.
La paix rétablie, l’abbaye connut trois abbés qui furent à la fois excellents administrateurs et grands bâtisseurs : Louis van Werdt (1719-1734), Charles Dartevelle (1737-1756) et Baptiste Dufresne (1764-1791). C’est à eux que l’on doit l’ensemble architectural de style classique que l’on peut admirer de nos jours. Le rapport du commissaire qui, dans le cadre de la rationalisation des établissements religieux (voulue par l'empereur germanique Joseph II en 1785), est particulièrement élogieux sur l’abbaye de Floreffe avec ses activités éducatives, paroissiales (25 cures de paroisses) et caritatives. Aussi, au contraire de beaucoup d’autres abbayes, elle fut considérée comme étant d’utilité publique et sa conservation fut recommandée. La situation se détériora rapidement après la victoire des révolutionnaires français à Fleurus (1794) et l’annexion de la région par la France. Les religieux ne purent pas payer la totalité du tribut de guerre exigé de la province de Namur. L’abbaye fut livrée au pillage. Peu de temps après, la loi du 1er septembre 1796 supprimait tous les établissement religieux dans les départements réunis à la France. Tous les religieux (61 "internes" ou résidents en paroisse) ainsi que Louis de Fromantau, 55e et dernier abbé de Floreffe, furent expulsés manu militari de leur abbaye en février 1797.
Les biens de l’abbaye furent mis en vente. L’abbé de Fromantau mourut en 1818, avant de parvenir à racheter l’abbaye avec un groupe de Prémontrés qui avaient formé une association dans ce but. En 1842, ils cédèrent leurs droits au diocèse de Namur qui, en fait, était parvenu dès 1805 à obtenir l’usage des bâtiments pour la formation de ses séminaristes (le Petit-Séminaire). À part quelques déboires avec le pouvoir hollandais (avant la Révolution belge et l’indépendance en 1830) le séminaire a occupé les lieux sans interruption depuis lors. En 1964 cependant la construction, due à Roger Bastin, d’une nouvelle aile pour le séminaire (maintenant collège secondaire et internat) permit la libération des bâtiments historiques de l’abbaye qui ont reçu de nouvelles affectations. Dans les années 1990, une nouvelle aile fut encore bâtie, La Vigne, qui est en fait un nouveau bâtiment pour des salles de classes.