En optique géométrique, l'aberration chromatique désigne une aberration optique qui produit une image floue et aux contours irisés. Elle résulte de la décomposition de la lumière blanche en plusieurs bandes de couleurs. Le phénomène est mis aisément en évidence avec un verre à forte correction :
En photographie, la conséquence est la dégradation de la qualité de l'image, du moins lorsque l'effet « artistique » (voir Lomographie) n'est pas recherché. Dans l'exemple ci-dessous, le phénomène a volontairement été amplifié en ajoutant un objectif grand angulaire sur le même appareil-photo avant la deuxième prise de vue. On observe notamment une frange bleue sur le côté droit du toit du bâtiment :
Elle est généralement due à la variation de l'indice de réfraction du matériau composant les lentilles en fonction de la longueur d'onde de la lumière qui les traverse. Il en résulte une distance focale variable, de sorte que la mise au point ne peut être effectuée simultanément pour toutes les couleurs du spectre. Si, par exemple, la mise au point est effectuée pour le rouge, le bleu est alors flou : l'image d'un objet blanc présente alors sur ses bords une irisation bleutée.
L'aberration chromatique peut être à la fois longitudinale, lorsque les couleurs sont focalisées à des distances différentes ; et transversale ou latérale, lorsque les couleurs sont focalisées à différentes positions dans le plan focal (car le grandissement d'une lentille varie également avec la longueur d'onde).
L'œil peut également présenter des aberrations chromatiques qui sont détectées chez l'ophtalmologiste par un test de vision avec plusieurs filtres colorés. Pour vérifier la correction de l'acuité visuelle, on demande au patient d'observer des images filtrées en vert ou en rouge et de citer celle qui lui paraît la plus nette. Si la correction est bonne, la cornée, le cristallin et le verre prescrit focaliseront les longueurs d'onde verte et rouge juste devant et derrière la rétine, avec la même netteté. Si le verre correcteur est trop ou pas assez divergent, alors une couleur sera focalisée sur la rétine, mais l'autre couleur sera nettement plus floue.
Les aberrations chromatiques ont été constatées dès les premières lunettes astronomiques et considérées comme gênantes. Isaac Newton, qui crée son propre télescope pourvu d'un miroir et donc dépourvu d'aberrations de ce type, clame, dans un premier temps, l'impossibilité physique de la correction de ces dernières. Leonhard Euler postule, pour contrer cette affirmation, le caractère sans aberrations chromatiques de l'œil humain, fait dont le caractère erroné ne sera démontré que plus tard.
La primauté de la fabrication des premières lunettes corrigeant ces aberrations revient à Chester Moore Hall, barrister et opticien amateur, qui réalise le premier prototype dès 1733. Il utilise pour cela des verres spéciaux, contenant du plomb et dénomme son prototype Flint-glass.
Mais Hall préfère garder le secret sur son invention et fait fabriquer les 2 lentilles nécessaires, une en verre flint et une en verre crown par deux opticiens différents, Edward Scarlett and James Mann. Par un singulier hasard, ces opticiens sous-traitent le travail au même fabricant George Bass. Bass comprend l'intérêt de cette technique mais lui non plus ne prend pas de brevet sur l'invention. Vers la fin des années 1750, il en révèle l'existence à John Dollond. Celui-ci devine le potentiel de ces lentilles et parvient à les reproduire puis à les breveter en 1758, ce qui lui vaut des différends avec d'autres opticiens sur les droits de fabrication et de commercialisation. On peut au moins considérer que Dollond a popularisé les lentilles achromatiques plutôt qu'il ne les a inventé. Par la suite, c'est son fils, Peter Dollond, qui invente les lentilles apochromatiques.
En France, Jean le Rond D'Alembert et Alexis Claude Clairaut vont en théoriser l'optique, travaillant sur la superposition de lentilles de géométrie et d'indice différents.