Protection et restauration
Avant 2007, l'anguille n'a été que très tardivement protégée par la loi et uniquement dans quelques pays, en dépit des alertes réitérées de certains scientifiques. Elle ne figurait pas dans la directive Habitats en Europe, alors que son habitat ne cessait de se dégrader et qu'y apparaissait de nouveaux polluants. Plusieurs études ont confirmé sa régression rapide et apporté des informations sur certaines causes de mortalité ou de mauvaise reproduction (parasitisme, écotoxicologie|intoxications chimiques). Elles ont justifié un projet européen de restauration des populations, en diminuant de 50 % la pêche et en réhabilitant ses habitats et corridors de migration, avec l'objectif de reconstituer 40 % des populations existant il y a 50 ans.
Le règlement européen invite notamment les états à ;
- établir par pays un objectif (40 % d'un niveau de référence correspondant à ce que serait « un stock n’ayant subi aucune influence anthropique » ; en anguilles argentées). Ceci impose théoriquement un effort d'écologie rétrospective ; Plusieurs méthodes de calcul sont proposées par le règlement. La France, arguant de la complexité de la modélisation a choisi en 2008 de se fixer comme cible d'atteindre un niveau de biomasse équivalent à celui qui existait avant l’effondrement du stock au début des années 1980. Cette cible devant être atteinte progressivement, par une réduction prévisionnelle des différents facteurs de mortalités de l’anguille. Le plan de gestion contiendra des mesures de gestion, programmées dans le temps, permettant de réduire ces mortalités avance le plan de gestion français.
- réduire l’activité de pêche à l'anguille commerciale (quotas ou plafonnements de captures, réduction de l’effort de pêche (temps de pêche ou de certains engins ou moyens techniques trop efficaces), la pêche des civelles doit notamment être réduite.
- réduire l’activité de pêche récréative à l'anguille, Au 01/07/2009, l'effort de pêche en mer doit diminuer de 15 % au moins. Au 01/07/2013, il devra être diminué de 50 %.
- prendre des mesures de confortement de population ou de réintroduction. Les États-membres doivent au minimum (Art. 7.1) soit interdire toute forme de pêche d’anguilles de moins de 12 cm à l'anguille, soit « Si un État membre autorise la pêche d’anguilles d’une longueur inférieure à 12 cm (…), il réserve au moins 60 % de toutes les anguilles d’une longueur inférieure à 12 cm pêchées dans ses eaux chaque année destinées à la commercialisation en vue de servir au repeuplement dans les bassins hydrographiques de l’anguille (…), aux fins d’augmenter le taux d’échappement des anguilles argentées », cette mesure est aussi justifiée comme moyen de maintenir une certaine pêche des jeunes anguilles qui pourront être revendues à fin de repeuplement aux États-membres souhaitant en acheter. Au 01/07/2009, au moins 35% des civelles ou anguillettes de moins de 12 cm pêchées doivent servir au repeuplement. Ce taux passera à 60% en juillet 2013.
- rétablir des continuums écologiques fonctionnels dans les cours d'eau (passes à anguilles ou autres dispositifs de libre circulation, écoduc...), en commençant par identifier et prioriser les ouvrages à traiter et les solutions techniques d’aménagement. Des substrats artificiels dits « tapis brosse à anguille » existent pour aider les civelles ou anguillettes à remonter les passes à poissons. Ils peuvent être légèrement végétalisés, sans être colmatés par les plantes, ce qui nécessite un entretien épisodique. Les grands barrages nécessitent des ascenseurs à poissons.
- améliorer les habitats ; cours d’eau, mais aussi en améliorant l'environnement sur l'amont du bassin versant
- le transport des anguilles argentées des eaux intérieures vers des eaux d’où elles puissent migrer librement vers la mer des Sargasses,
- la lutte contre les parasites et prédateurs,
- l’arrêt temporaire des turbines des centrales hydroélectriques lors de la dévalaison,
- des mesures en faveur de l’aquaculture de l'anguille
- mesures de contrôle et de traçabilité (dès 2009)
- ...
Freins :
- actions difficulté à prioriser, par insuffisance de connaissance (notamment sur la partie marine et profonde du cycle de vie de l'anguille)
- pollution non détectées ou non traitée, braconnage persistant, perpétuation de traditions culinaires (civelles) devenues incompatibles avec la survie de l'espèce, vente illégale ou non déclarée par des professionnels ou non-professionnels sont autant de facteurs qui complexifient le suivi des populations en Europe et dans le monde.
- coûts et temps d'équipement et d'entretien de milliers de barrages
- délais plausibles avant d'obtenir de premiers résultats visibles pour le public : Les autorités de la pêche et les États ont longtemps donné la priorité aux salmonidés et abandonné d'autres migrateurs tels que l'anguille ou l'épinoche. On aurait pu penser que la protection de la lamproie qui suit pour partie les mêmes corridors biologiques aurait aidé l'anguille, mais outre qu'elle est peu suivie et médiatisée, elle ne règle pas le problème du braconnage et de la surpêche de la civelle.
Ce n'est finalement qu'en 2007, que l'anguille a été classée menacée et protégée dans l'Union européenne alors qu'elle a presque disparu de certains estuaires et cours d'eau où elle était commune il y a seulement 30 ans. Or, c'est un poisson qui ne se reproduit qu'en moyenne après 10 ans. Les premiers résultats positifs nécessitent donc de la patience.