Béguinages flamands - Définition

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Typologie

Béguinage de Termonde, exemple type de béguinage à cour: maisonnettes disposées autour d'une vaste cour intérieure arborée.

Les béguinages peuvent se ramener à deux configurations de base, selon la façon dont sont agencés les habitations des béguines et autres immeubles. Dans le premier type, les maisonnettes sont disposées autour d’une cour (parfois de deux), plus ou moins grande, souvent arborée et herbue, appelée dries (prononcer driss) ; ce sont les béguinages à cour (néerl. pleinbegijnhof). L’exemple classique de ce type de béguinage est celui de Termonde : toutes les maisonnettes bordent une vaste place herbue triangulaire, dont l’église occupe le centre. Appartiennent également à ce type les béguinages de Hoogstraten, Turnhout, Herentals, Hasselt, Aarschot, Dixmude.

Les béguinages du deuxième type consistent en un réseau de rues et de placettes ; ce sont les béguinages à rues (néerl. stratenbegijnhof). Peuvent y être rattachés les béguinages de Lierre, Malines (Grand béguinage), Tongres, Diest, les deux béguinages de Louvain.

Enfin, un troisième type, mixte, réunit les caractéristiques des deux précédents, d’ordinaire par suite de l’extension d’un béguinage à cour. C’est le cas d’Anvers, où le béguinage s’agrandit par l’acquisition, vers 1650, d’une terrain adjacent, sur lequel ensuite une ruelle fut aménagée. On trouve des béguinages de type mixte à Alost, Audenarde, Gand (les trois béguinages), Bruges, Courtrai.

Histoire des béguinages de Flandre

Moyen Âge

Le mouvement béguinal ne naquit pas dans le Comté de Flandre, mais dans le diocèse de Liège, lorsqu’à la fin du XIIe siècle, des femmes mues par le même élan de dévotion se groupèrent autour d’une figure charismatique, pour s’organiser et mener une activité commune ― à Liège d’abord, autour de l’hôpital Saint-Christophe, puis à Oignies, non loin de Namur, autour de la personne de Marie d'Oignies, à Huy, autour d’Yvette d’Huy, et à Nivelles, autour d’Ida de Nivelles. Mais il ne s’agissait encore que de communautés de béguines, non de véritables béguinages, que l’on ne réussit pas à constituer de manière durable dans le diocèse de Liège.

À la première floraison du béguinisme au XIIIe siècle succéda une période de déclin au XIVe siècle. L’épidémie de peste et le recul démographique qu’elle provoque, la Guerre de Cent Ans, aux effets délétères sur l’activité économique, en particulier sur l’industrie drapière en Flandre, le climat religieux, affecté par le schisme d’Occident, et les toujours présentes suspicions d’hérésie à l’endroit des béguines, ravivées en Flandre par les accusations de Ruusbroec, expliquent ce déclin. Il ne sera fondé durant cette période qu’un seul nouveau béguinage, celui de Hoogstraten.

Le XVe siècle verra un temporaire rétablissement de l’ordre béguinal. Les béguinages, communautés auto-suffisantes ayant des revenus propres, sont désormais des institutions intégrées dans la société. Chaque béguine était censée subvenir à ses propres besoins, et les communautés de béguines, exonérées d’impôts (au dam, du reste, des corporations de métier), bénéficiaient de donations et de legs. Chaque béguinage était doté d’une infirmerie, incarnation de l’idéal apostolique de charité et de solidarité, où sont prises en charge les béguines malades ou âgées.

Guerres de religion

Les guerres de religion du XVIe siècle furent très néfastes au béguinisme. Nombre de béguinages furent saccagés ou détruits : notamment le Grand Béguinage de Malines en 1578, et celui de Bruxelles l’année d’après.

Dans les Pays-Bas du nord, la diffusion de la Réforme signa quasiment l’arrêt de mort du béguinisme. Des béguinages du nord ne purent se maintenir que ceux de Bréda et d’Amsterdam.

Restauration de l’autorité catholique et Contre-réforme

Dans le sud, le mouvement cependant parvint à se redresser, d’abord sous l’impulsion de Nicolaas (ou Klaas, ou Claes) van Essche (ou van Esch, ou encore, de son nom latin, Esschius, 1507-1578), originaire de Bois-le-Duc et devenu curé de béguinage dans la ville de Diest. Son action, qui prit valeur d’exemple dans le reste de la Flandre, consista à édicter de nouveaux statuts, à restaurer le caractère clos de son béguinage et à limiter le commerce avec l’extérieur, à rétablir une attitude spirituelle faite de dépouillement et de prière, et à généraliser un habit noir uniforme en remplacement de l’habit gris.

De grande importance furent également les réformes menées par Jean Hauchinus, archevêque de Malines à partir de 1583. Il rédigea un règlement uniforme, applicable dans tous les béguinages de son diocèse, et sera imité en cela par les autres évêques de Flandre. Ce règlement, en plus de préciser des normes et coutumes existantes, comportait quelques nouveautés, comme l’obligation faite aux béguines de célébrer toutes les fêtes religieuses importantes (en particulier du saint patron du béguinage), le devoir d’obéissance à la direction du béguinage, et l’instauration d’un contrôle régulier de chaque béguinage par l’évêque ou son représentant.

La Contre-réforme est une période faste pour le béguinisme. Le nouvel essor de la religiosité entraîne une forte augmentation des donations et des adhésions : au Grand Béguinage de Louvain, le nombre de béguines passa du simple au quadruple, pour atteindre 200 personnes. On estimé à 5% la proportion de femmes qui au milieu du XVIIe siècle avaient adopté le béguinat. Il s’ensuivit une fébrile activité de construction, les habitations en torchis faisant place à des maisons de pierre, les églises gothiques des béguinages se dotant d’ornements baroques, et plusieurs béguinages s’agrandissant d’une parcelle ou ajoutant une rue à leur périmètre. La plupart des maisonnettes de béguines visibles aujourd’hui datent de cette époque.

Époque autrichienne

L’époque autrichienne, ainsi qu’il est convenu d’appeler la période de domination des Habsbourg dans les Pays-Bas du sud entre 1713 et 1794, fut peu propice aux béguines. La propagation des idées des Lumières entraîna une baisse des adhésions et, par conséquent, des donations de la part de béguines fortunées. De surcroît, l’impératrice Marie-Thérèse décida de lever un impôt extraordinaire sur les biens de l’Église, ce qui acheva de ruiner nombre de béguinages, qui furent contraints de louer des immeubles devenus vacants à des non religieux.

La suppression de plusieurs couvents, ordonnée sous Joseph II, profita en retour aux béguinages : les religieuses chassées, contraintes de se reloger ailleurs, vinrent accroître les effectifs de béguines.

Régime français

La victoire de Fleurus en 1794 permit aux républicains français d’étendre leur domination sur les Pays-Bas autrichiens. En 1795, tous les ordres monastiques furent abolis et la prise en charge des indigents et malades fut confiée aux Commissions des Hospices civils placées sous l’autorité communale. En ce qui concerne les béguinages pouvaient alors se produire deux cas de figure : soit le béguinage était considéré comme une communauté religieuse, et il sera donc aboli et ses biens immeubles vendus publiquement ; soit il était considéré comme une communauté caritative, composée de femmes menant une vie pieuse certes, mais laïques, et le béguinage pouvait continuer son existence, moyennant il est vrai cession des droits de propriété à la Commission des Hospices civils. Jusqu’à la prise de pouvoir par Bonaparte, si certains béguinages purent être rachetés par les béguines par le truchement d’hommes de paille, des dizaines d’autres disparurent durant cette période.

Avec l’avènement de Bonaparte, les églises furent rendues au culte, mais les biens confisqués ne furent pas restitués pour autant. Certains béguinages, comme celui de Bruxelles, périclitèrent définitivement, d’autres, comme celui d’Anvers, furent sévèrement entamés. Souvent, des institutions sociales, telles qu’orphelinats, hospices pour vieillards etc., étaient installées à demeure dans leurs infirmeries.

Régime hollandais

Après 1815, il ne se produisit guère de changement dans la situation des béguinages en Flandre. Le fait que les Commissions des Hospices civils, dont les droits de propriété furent du reste confirmés, devaient s’opposer au recrutement de béguines dans leurs rangs, eut pour effet d’en diminuer encore le nombre ; par cette disposition, le béguinat allait être désormais réservé aux seules femmes nanties.

État belge

Après l’indépendance belge (1830), et dans les décennies qui suivirent, les béguinages, comme les autres communautés religieuses, firent les frais de l’opposition entre catholiques et libéraux. Ce fut le cas notamment à Gand, où, en 1874, la municipalité libérale entendit supprimer le béguinage dans le centre de la ville pour le réaménager en logements pour nécessiteux. En réaction, un mécène catholique fit construire en dehors de la ville un béguinage neuf, de style néogothique, selon des plans de l’architecte Jean-Baptiste Béthune.

Un dernier sursaut eut lieu au milieu du XIXe siècle sous l’effet du renouveau catholique animé principalement par l’archevêque de Malines Engelbert Sterckx (1792 - 1867). Celui-ci réorganisa complètement l'archidiocèse, en créant des écoles, des collèges, des petits séminaires, et en œuvrant à constituer un clergé de bonne formation et loyal. Ce clergé s’appliqua aussi à prêcher dans les béguinages, y suscitant une nouvelle ferveur religieuse et rehaussant le niveau spirituel des béguines, ce qui eut une répercussion positive sur les effectifs. Le culte marial, qu’avait ranimé la proclamation en 1854 du dogme de l’immaculée conception et les apparitions de Lourdes, atteignit aussi les béguinages et conduisit certains à ériger des grottes artificielles au-dedans de leurs murs, qui devinrent des buts de pèlerinage.

Époque contemporaine

Béguinage de Courtrai.

Au XXe siècle, la perte progressive d’influence et d’autorité de l’Église catholique, associée à l’émancipation de la femme qui désormais a accès à toutes les professions, entraîne le déclin du béguinisme en Flandre. Si les béguinages flamands hébergeaient encore 1500 béguines au début du siècle, il n’en restait plus guère que 500 en 1960, puis une cinquantaine au début des années 1980. Après la guerre, il restait douze béguinages actifs en Flandre, et deux aux Pays-Bas. En 2004 ne subsistaient plus en Flandre que 5 béguines actives, à Courtrai et à Gand ; en 2008, l’avant-dernière béguine décéda à Gand, à l’âge de 99 ans, et la toute dernière vit à Courtrai dans un hospice.

Sur les quatre-vingts béguinages environ que comptait jadis la Flandre, vingt-cinq environ ont été conservés et, devenus vacants par la disparition des béguines, ont reçu, après restauration, d’autres destinations, comme musée (p.ex le musée d’art religieux à Saint-Trond), centre culturel (Hasselt), cité estudiantine (Louvain), ou ensemble de logements pour personnes âgées (Diest).

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