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Coordonnées | |
Pays | Belgique |
Subdivision | |
Région** | Europe et Amérique du Nord |
Type | Culturel |
Critères | ii, iii, iv |
Superficie | 59,9500 ha |
Numéro d'identification | 855 |
Année d’inscription | 1998 |
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Le terme de béguinage peut désigner 1) une communauté autonome de religieuses (les béguines), en particulier en Europe du nord, et 2) un ensemble de bâtiments intégrés, généralement construits autour d'une cour arborée, hébergeant une telle communauté, et comprenant non seulement les installations domestiques et monastiques, mais aussi des ateliers utilisés par la communauté, et une infirmerie.
En Flandre ― que nous entendons ici au sens moderne, à savoir la moitié nord de la Belgique actuelle ―, à la différence du reste de l’Europe, des communautés de béguines ont pu, pour un certain nombre de raisons, se développer très largement, disposer d’effectifs suffisants pour construire des cités à part (les béguinages) et y vivre, et se maintenir, avec des hauts et des bas, au fil des siècles, jusqu’à l’époque contemporaine. Abstraction faite de trois béguinages aux Pays-Bas, la Flandre est aussi la seule région d’Europe où de vastes béguinages au sens 2), véritables villes en miniature, aient été conservés, plus ou moins intacts ; on en recense 27, sur les quelque quatre-vingts qui existaient autrefois, et il est peu de villes flamandes, grandes ou moyennes, qui n’aient leur begijnhof.
Le béguinisme s’est totalement éteint en Flandre, et il n’y a plus aujourd’hui de béguines actives ; les béguinages ont reçu d’autres affectations.
Depuis 1998, treize béguinages de Flandre sont inscrits sur la liste du patrimoine mondial de l'UNESCO.
Après que les germes en eurent été semés en Principauté de Liège à la fin du XIIe siècle, le béguinisme se développa en Flandre, comme ailleurs en Europe, au début du XIIIe siècle. Le propos des communautés de béguines était d’offrir une structure communautaire durable à des groupes nombreux de femmes seules, désireuses, dans l’esprit de mysticisme et de frugalité apostolique de cette époque, de mener une vie pieuse et contemplative, et de parvenir, par l’abnégation et la pénitence, à s’unir avec le Sauveur, mais souhaitant en même temps garder une certaine autonomie, ne pas s’engager pour la vie par des voeux définitifs, et rester économiquement actives. Les couvents, seule possibilité jusque-là de mener une vie contemplative dans un environnement sécurisé, se trouvant saturés (l’entrée dans un couvent était par ailleurs conditionnée par l’apport d’une importante somme d’argent), le béguinisme sera, à partir du XIIIe siècle, la structure apte à répondre à la demande nouvelle et à permettre à des femmes qui, tout d’abord, s’étaient installées individuellement à proximité d’une église, d’un couvent ou d’un hospice, à se regrouper et à mener une vie commune dans un même immeuble ou ensemble d’immeubles, puis, plus tard, à s’organiser en réseau.
Le mouvement, à mesure qu’il se répandait en Europe occidentale et centrale, donnait lieu à une suspicion d’hérésie et suscita les réserves de l’église, jusqu’à entraîner l’interdiction, lors du concile de Latran de 1215, de toute nouvelle congrégation monastique. Dans quasi toute l’Europe, les béguines n’eurent dès lors d’autre choix que d’entrer dans un ordre reconnu ― chez les cisterciens ou les franciscains.
Dans les Pays-Bas méridionaux, le béguinisme apparaît avoir pu se soustraire à cet interdit de l’église. Plusieurs facteurs peuvent expliquer ce fait. Contrairement au reste de l’Europe, et sans doute sous l’effet notamment du haut degré d’urbanisation du comté de Flandre et du duché de Brabant, les béguines flamandes eurent tôt cessé de mener une vie errante et peu structurée, et tendirent progressivement vers une institutionnalisation de leur mouvement. Ce processus d’institutionnalisation, qui se matérialisa, à partir de 1230, par le regroupement dans un même lieu, par une hiérarchisation des communautés (avec l’élection par chaque groupe de béguines d’une responsable), et par la rédaction de statuts, série de règles précises préalablement soumises pour approbation à l’évêque, rendait le mouvement béguinal plus acceptable pour l’église, car plus contrôlable. La stade ultime de ce processus est la constitution de cités à part, coupées du reste de la ville par un haut mur d’enceinte, et érigées en paroisses autonomes ayant leurs propres curés, jouissant de privilèges, et disposant de leurs propres sources de revenus (v. ci-dessous).
Dans le diocèse de Liège, où pourtant le mouvement béguinal avait pris naissance (à Liège, Nivelles, et Oignies, près de Namur), les béguines, moins nombreuses qu’en Flandre, continuèrent à vivre éparses dans la ville ou ensemble dans des maisons communautaires près des hôpitaux et des églises, sans réussir à constituer de véritables béguinages.
En outre, contrairement au clergé des Pays-Bas du nord, où les évêques appliquèrent avec rigueur les prescriptions du concile de Vienne de 1312, les évêques de Cambrai, de Liège, de Tournai et d'Utrecht s’efforcèrent de démontrer l’orthodoxie des béguines dans leurs diocèses, notamment en rédigeant en 1320, à l’attention du pape Jean XXII, un rapport sur l’état de la foi dans les béguinages, dont les conclusions étaient très favorables.
Les béguines flamandes, sédentarisées, n’erraient et ne mendiaient pas, contrairement à leurs consœurs rhénanes par exemple, mais travaillaient. La condition pour devenir béguine était d’être veuve ou non mariée, et d’être capable de subvenir à ses besoins. L’oisiveté était proscrite, y compris pour les béguines fortunées qui n’avaient pas besoin de travailler pour vivre. La plupart des béguines effectuaient des travaux de tissage, de filage, de couture ou de blanchissage.
Aux Pays-Bas, comme il a été décrit ci-dessus, les béguines finirent par s’organiser dans de petites cités à part, appelées béguinages. L’autorité ecclésiastique en effet poussait à un regroupement plus strict de ces femmes pieuses. Certaines vivaient encore éparpillées dans la ville, séparées du groupe auquel elles voulaient appartenir ; pour y remédier, et pour les préserver en même temps des influences du siècle et des tendances hérétiques, les Dominicains plus particulièrement s’efforcèrent de les regrouper, tout d’abord dans des maisons de béguines, au départ desquelles elles pouvaient se rendre en commun aux offices et à leurs réunions, ensuite, pour éviter ces déplacements, et pour faire face au nombre croissant de candidates, dans des béguinages, c'est-à-dire dans des cités à part, formant paroisses autonomes, avec église séparée, cimetière propre, curé, et statuts diocésains propres. Cette cité-béguinage, ultime étape dans le développement du béguinisme aux Pays-Bas et en Flandre, naquit au milieu du XIIIe siècle. Souvent, il s’agit de cités encloses d’un mur d’enceinte, dotées d’une église et d’une infirmerie, et auxquelles donnait accès un portail d’entrée étroitement surveillé. Elles furent généralement construites hors les murs des villes médiévales ; à quelques occasions, elle servirent de point d’appui à des armées étrangères venues assaillir ces villes (la crainte que cela ne se produisît incita les défenseurs de la ville d’Anvers en 1542, alors que des troupes de Gueldre la menaçaient, à incendier préventivement le béguinage, situé alors en dehors des remparts. Celui-ci fut promptement reconstitué intra muros).
À la tête d’un béguinage se trouvait la grande-maîtresse (magistra, néerl. grootmeesteresse). Élue par les maîtresses, elle était chargée de faire respecter les statuts et de contrôler l’organisation générale. Certains grands béguinages pouvaient en avoir plusieurs.
La grande-maîtresse se faisait assister par un ou plusieurs tuteurs (néerl. momboor), agents masculins chargés d’effectuer les transactions financières en vue de l’acquisition de propriétés et, le cas échéant, de mener des affaires en justice au nom du béguinage. Il était en effet interdit aux béguines de poursuivre de telles activités.
Au second rang on trouve la maîtresse de l’hôpital. Celle-ci avait notamment dans ses attributions la gestion de la caisse (néerl. de kiste, appelée aussi table du Saint-Esprit), laquelle était alimentée, outre par les modestes contributions hebdomadaires des béguines, par des donations et des legs, et qui permettait de financer le séjour à l’infirmerie des béguines nécessiteuses qui en raison de maladie ou de vieillesse n’étaient plus en mesure de subvenir à leurs besoins.
Vient ensuite la maîtresse de l’église (la sacristaine), à qui étaient confiés l’entretien et les dépenses de l’église. Elle dirigeait aussi la chorale, destinée à donner du lustre aux offices, et les exercices spirituels.
La concierge du béguinage faisait partie également de ce second rang. Main-courantière du béguinage, son rôle était de surveiller les mouvements d’entrée et de sortie des béguines, des livreurs de matériaux et de vivres, des visiteurs et des travailleurs externes.
Au troisième rang se situent les maîtresses des convents : elles étaient responsables du bon ordre général, du respect des règles et du bon fonctionnement dans le convent qui leur a été attribué, et, s’il s’agissait d’un convent de novices, de la formation de celles-ci. Ces règles, qui peuvent avoir été prescrites par le fondateur, comprennent des devoirs de prière ou des exercices religieux en mémoire du fondateur et de sa famille.
Chez les béguines elles-mêmes existaient également des degrés de situation. Il y avait tout d’abord les beguines propriétaires de leur propre maison, soit qu’elles l’avaient fait construire par leurs moyens propres, soit qu’elles avaient acquis une maison existante à l’occasion d’une vente publique dans le béguinage. Le titre de propriété valait pour la vie ; après le décès de la béguine, la maison revenait à la communauté, qui la remettait en vente. Venaient ensuite les béguines locataires d’une chambre dans un des grands immeubles, dont elles devaient assumer elles-mêmes l’entretien. Enfin, il y avait les béguines dépourvues de revenus propres et les novices, qui étaient hébergées dans les maisons communes (convents) et devaient travailler pour subvenir à leurs besoins ; néanmoins, elles recevaient des aides pour l’achat de nourriture et de bois de chauffage (les frais d’entretien d’un convent étaient couverts par le fondateur pour une longue période).
Cette hiérarchie déterminait l’ordre de préséance dans l’église. Lors des offices, les grandes-maîtresses prenaient place tout à l’avant, suivies des maîtresses, des béguines propriétaires, puis des beguines sans fortune et des novices.