Depuis des siècles, le paysan turc des hauts plateaux anatoliens dépendait en partie de l'élevage pastoral pour assurer sa subsistance. Face aux attaques des loups, des ours et autres animaux, il a donc naturellement utilisé et sélectionné les meilleurs chiens pour la sécurité de son cheptel. Au fil des générations, le souci constant de posséder un chien puissant et courageux se joint à la sélection naturelle qui éliminait les spécimens les plus fragiles. Ces exigences ont amené à forger une race de chiens capables de tuer des loups ou de s’attaquer à des ours : le Berger d'Anatolie, par la sélection de la nature, était le seul chien répondant à ces exigences et les bergers turques ne s’en séparèrent plus.
Selon les historiens turques, le Berger d'Anatolie était pour la première fois utilisé au palais du sultan ottoman Murat IV (1623-1640) comme simple chien de garde. Le Berger d'Anatolie s’est illustré alors que celui-ci rencontra accidentellement le lion fétiche du palais. Les deux animaux s’observèrent puis se jetèrent dans un combat fort spectaculaire qui éveilla tout le palais. Le sultan, ébahi, insista pour voir ce duel de près.
Fort stupéfait, le sultan ordonna que les Bergers d'Anatolie soient immédiatement incorporés dans l'armée impériale turque. L’historien turc Evliya Çelebi (1834) mentionna : « des chiens aussi forts que des lions furent utilisés dès le XVIIe siècle par les troupes d'élite du sultan (janissaires) ».
L'époque ottomane (XV - début XXe siècle) ne semble pas avoir apporté de modification majeure dans la répartition des races de Bergers d'Anatolie. Si les cadres de l'aristocratie chassaient avec le lévrier turque, le " Tazi ", l'armée et particulièrement les Janissaires utilisaient des Bergers d'Anatolie très réputés dans le pays. Les archives historiques montrent qu'au XVIIe siècle on distinguait deux races de grands chiens de berger. L'une surnommée le chien de Samsun fut particulièrement appréciée des troupes d'élite de l'armée du Sultan ; en effet, il fut créé, au sein des Janissaires, une unité baptisée "Samsunji"qui élevait et dressait « … des grands chiens-lions… pesant jusqu’à 150 kilos », « ...capables d'abattre des hommes de leur chevaux… ».
Enfin, les cadres subalternes de l'aristocratie de l'Empire Ottoman, les Derebeyi ou petits seigneurs féodaux, ont eux aussi contribué à la promotion du Berger d'Anatolie soit pour leur propre sécurité soit pour celle des populations sous leur égide.
Le Berger d'Anatolie est connu pour être « le chien le plus puissant du monde ».Dans les plaines d'Anatolie, il n'hésite pas à s'attaquer aux loups qui s'approchent trop près du troupeau. Les bergers turcs reconnaissent que trois Bergers d'Anatolie suffisent à écraser une meute d'environs cinq loups et à en tuer un ou deux ; ces chiens sont d'autant plus redoutables qu'ils combattent l'ours.
Le Berger d'Anatolie possède une mâchoire extrêmement puissante ; la résistance de son corps aux coups et blessures, sa force de combat sont largement supérieures aux autres grands chiens. En Afghanistan, dans des tournois de combats d'animaux, un Berger d'Anatolie spécialement entraîné pour le combat a réussi à terrasser un lion agé de zoo.
Le pays d’origine des turcs est l’Asie centrale. Les populations des pays comme l’Azerbaïdjan, le Turkménistan, l’Ouzbékistan, le Kazakhstan et le Kirghizistan appartiennent au rameau turc de la famille ethnolinguistique altaïque. Il faut y ajouter le Turkestan oriental qui aujourd’hui est une république "autonome" au sein de la Chine. Sur leur territoires d’origine constitués d’immense steppes, délimités par les Urals et le lac Balkhach au nord, les Altaï à l’est, l’Hindu Kush au sud et la mer Caspienne à l’ouest, les Turcs ont écrit l’histoire de l’une des premières communautés pastorales connues dont l’activité principale, pour ne pas dire unique, était l’élevage ovin.
Ces nomades turques, appartenant essentiellement aux tribus Oghouzes, passaient leur vie sur ces vastes steppes à la recherche de pâturages verts. Les fêtes, les guerres, la vie sociale, le quotidien tournaient autour de l’élevage.
À partir du Xe siècle, à la suite d’une assez longue période de sécheresse, les pâturages existants n’étaient plus en mesure de faire face à la démographie montante. À la même époque, la pression mongole se faisait de plus en plus sentir sur ces tribus. Contraintes et forcées, elles commencent leur migrations vers l’ouest à la recherche de nouveaux pâturages.
Pendant 250 ans, ces tribus ont marché vers l’ouest par vagues successives et se sont installées un peu partout entre l’Asie centrale et l’Anatolie. La défaite des byzantins en 1071 contre les seljoukides, peuple turque de la branche oghouz, à Malazgirt à côté du lac Van a définitivement ouvert la porte de l’Anatolie à ces tribus. La migration vers l’ouest s’est donc poursuivie à plus grande échelle.
Ces migrations n’étaient pas uniquement de simples déplacements d’individus, il s’agissait, en fait, de la transplantation d’une culture, d’un mode de vie d’une région à une autre. Dans ces déplacements de masse vers l’Anatolie, ces tribus ont emmené trois éléments de leur culture sans lesquels ils ne pouvaient pas perpétuer le mode de vie qui leur était propre depuis toujours :
~ Le cheval était leur outil de transport depuis toujours.
~ Le mouton était leur nourriture, son lait leur fromage, sa peau et sa laine leur habillement depuis toujours
~ Le chien était le protecteur du cheval, du mouton et des membres de la tribu depuis toujours.
L'Anatolie était une destination de prédilection car les steppes du haut plateau anatolien ressemblaient aux grandes steppes de leur patrie d’origine en Asie centrale. Les hommes, les chevaux et les chiens n’ont éprouvé aucune difficulté d’adaptation.
De toute façon, il est impensable de se lancer dans une telle aventure avec femmes et enfants, avec chevaux et milliers de moutons, sans chiens de protection contre les prédateurs et les brigands.
Puisque il n’y a jamais eu de migrations de masse de l’ouest vers l’est ;
Puisque aujourd’hui, les mêmes chiens de berger de turquie se trouvent en Asie centrale, point de départ des tribus turques vers l’ouest ;
Puisque ces chiens, en masse, n’ont pas fait tout seuls ce voyage de plusieurs milliers de kilomètres pour s’installer sur le vaste plateau Anatolien,
on peut conclure que, tous les chiens de berger de turquie sont issus de chiens qui ont fait ce grand voyage jusqu’au cœur de l'Anatolie avec les tribus auxquelles ils appartenaient.