Équilibre ponctué - Définition

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Critiques de la théorie

Débat « catastrophisme » - « gradualisme »

Le catastrophisme a précédé le gradualisme : les récits bibliques sont catastrophistes (Déluge, Apocalypse) et donc les créationnistes sont catastrophistes. Les premiers paléontologues tels le français Georges Cuvier, le furent aussi (toutefois Cuvier croyait non pas à un, mais à plusieurs déluges). Dans un contexte de lutte idéologique entre les partisans d'une interprétation littérale des livres religieux (c'est-à-dire de l'intrusion de la religion dans le champ scientifique) et les chercheurs partisans d'une indépendance scientifique par rapport au champ religieux, la catastrophisme fut combattu par les théories gradualistes pour lesquelles l'évolution, aussi bien géologique (Charles Lyell, Richard Owen) que biologique (Charles Darwin, Ernst Mayr) n'agissait que très lentement sur d'immenses durées, notre monde actuel n'étant que le produit de l'accumulation de tout petits et changements graduels. Le gradualisme expliquait que si les fossiles et les couches géologiques ont des « blancs », ce n'est pas parce que les changements d'ères furent violents et rapides, mais simplement parce que le grand livre de la Terre avait perdu des pages (pertes dues à la rareté de la fossilisation, au manque de dépôts sédimentaires ou à l'érosion). C'étaient les fameux « chaînons manquants ».

Mais les partisans de la théorie des équilibres ponctués affirment que ces manques sont très marqués dans les archives géologiques : la plupart d'entre eux ne peuvent pas s'expliquer de façon satisfaisante uniquement par la rareté de la fossilisation, le manque de dépôts et l'érosion, et le gradualisme ne pouvait expliquer ni les changements brutaux de faunes d'une couche géologique à l'autre, ni les changements tout aussi violents du climat, inscrits dans ces mêmes couches. Selon les partisans de la théorie des équilibres ponctués, le gradualisme est en contradiction avec le contenu des archives fossiles : selon eux, celles-ci ne contiendraient en fait que rarement les formes intermédiaires unissant une espèce à l'autre. En réalité, les espèces se caractériseraient à la fois par une apparition abrupte dans le registre fossile (ce qui peut signifier qu'elle s'est étendue sur quelques milliers d'années, un temps géologiquement court par rapport aux millions d'années postulés par le gradualisme phylétique) et par une grande stabilité suite à leur apparition. Cette période de stagnation morphologique des espèces (s'accompagnant tout au plus de quelques modifications mineures et réversibles) est appelée « stase » par les ponctualistes. Gould ira jusqu'à écrire que « l'extrême rareté des formes intermédiaires est le secret professionnel de la paléontologie ».

Selon Gould et Eldredge, la théorie des équilibres ponctués ne fait que résoudre une contradiction inhérente à la Théorie Synthétique : en effet, le célèbre biologiste Ernst Mayr, qui avait forgé cette théorie, avait soutenu un modèle de spéciation (c'est-à-dire de formation de nouvelles espèces) selon lequel les nouvelles espèces apparaissent quand une petite population d'une espèce donnée se trouve isolée de son aire de répartition d'origine (et donc de la population « mère »). Celle-ci connaîtrait alors une série rapide de changements morphologiques et génétiques avant de devenir une nouvelle espèce à part entière : c'est le modèle de « spéciation péripatrique ». Les ponctualistes soutiennent que la théorie des équilibres ponctués ne fait qu'appliquer ce modèle, établi par les biologistes par l'observation des organismes modernes, aux organismes fossiles : les espèces se forment rapidement, à partir de petites populations isolées (ce qui explique la rareté des intermédiaires), puis stagnent morphologiquement une fois établies. Ainsi s'expliquerait l'observation des équilibres ponctués.

Toutefois des exemples de gradualisme phylétique existent et ont été documentés dans le registre fossile, notamment chez les campagnols et certains trilobites. On a reproché à Gould et à Eldredge d'avoir sous-estimé la fréquence de ces exemples ou de ne pas avoir pris en compte le fait que l'absence d'intermédiaires peut être plutôt due à un manque de recherches ou au caractère lacunaire des archives fossiles qu'à leur réelle rareté. On a aussi pu affirmer que les paléontologues nommaient arbitrairement des espèces qu'ils découpaient au sein d'un continuum d'organismes se transformant progressivement au long des temps géologiques, créant ainsi artificiellement des discontinuités ensuite récupérées comme des preuves par les ponctualistes.

Les ponctualistes ont répondu à la première objection par des études de fréquence relative couvrant un large nombre d'espèces, mais la conclusion de ces études a là aussi été variable suivant les cas, certaines étant favorables aux ponctualistes et d'autres aux gradualistes : il semblerait en fait que les deux modes d'évolution existent, selon les groupes, voire selon les caractères considérés. Ils ont également répondu à la troisième par des études évaluant de façon quantitative les modifications morphologiques observées dans les fossiles, sans prendre en compte la classification en espèces : ils ont ainsi pu montrer objectivement, au moins dans certains cas, la réalité de l'évolution par équilibres ponctués.

Importance de la théorie

Certains auteurs, tels que Richard Dawkins ont affirmé que, même si elle était exacte, elle n'avait pas le caractère révolutionnaire que lui prêtaient ses fondateurs. Selon Dawkins, la théorie des équilibres ponctués ne serait « qu'une vague mineure sur l'océan du néodarwinisme ». Stephen Jay Gould a répondu en détail à cette affirmation de Dawkins, Gould la décrivant comme étant mesquine et déplacée car ignorant les implications de la théorie des équilibres ponctués en matière de macro-évolution.

Les 600 derniers millions d'histoire de la Terre font apparaître les équilibres ponctués au niveau des températures, du niveau de la mer, du taux de CO2, de l'activité tectonique, de la biodiversité et des impacts météoritiques.
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