Le dernier de son espèce est le septième roman de science-fiction de l'auteur allemand Andreas Eschbach. Paru en Allemagne en septembre 2003, il fut disponible en version française dès 2006. L'ouvrage est divisé en vingt-deux chapitres qui débutent tous, sauf le premier, par une citation tirée des œuvres philosophiques du penseur stoïcien antique Sénèque.
Les citations mises en exergue donnent le ton de chaque nouveau chapitre et entretiennent un rapport étroit avec l'évolution psychologique du personnage principal. La narration est prise en charge par le héros, faisant ainsi du roman un récit autobiographique fictif qui prend des accents de journal intime. Le style libre, écrit à la première personne, alterne entre description des événements romanesques, souvenirs du passé hors du commun du héros et réflexions sur le sens de la vie et l'attente de la mort.
Le dernier de son espèce a obtenu le :
Si Andreas Eschbach reprend dans son roman le style autobiographique du journal intime, sa particularité est de proposer un récit écrit en temps réel, sans le décalage habituel du journal écrit a posteriori, généralement après une journée chargée d'événéments. Dans le roman, le récit en temps réel de Duane Fitgerald est entrecoupé de nombreuses digressions sur la philosophie ou la vie de Sénèque, de flash-back sur son enfance, sa jeunesse ou ses parents et agrémenté de réflexion sur sa vie, sur la mort et sur l'amour. Le style, fait d'un mélange spontané de points de vue, de faits et de réminiscences du passé, semble évoluer au gré des situations du moment et de l'état psychologique qu'elles provoquent.
Ce style spontané trouve sa justification tout à la fin du roman, lorsque Duane Fitzgerald explique qu'il a un traitement de texte intégré à son système qui lui permet d'enregistrer le récit dans un fichier texte en tapant son texte sur un capteur placé au niveau de son genou. Au moment de la scène finale, Duane est décrit en train de relier l'imprimante de la bibliothèque à son système interne et d'imprimer le récit que vient de terminer le lecteur. La science-fiction est ainsi non seulement l'un des ressorts majeurs de l'intrigue, mais également un élément déterminant du style adopté dans le récit.
Au chapitre 4, le lecteur accompagne le personnage principal du roman d'Andreas Eschbach dans sa découverte de la philosophie occidentale, ce qui donne l'occasion à l'auteur de quelques commentaires ironiques. Pensant trouver les pensées les plus intéressantes dans les ouvrages les plus modernes, Duane Fitgerald explore l'univers de la philosophie en faisant un voyage dans le temps. Il découvre ainsi :
C'est enfin dans la philosophie stoïcienne antique de Sénèque que le héros trouve les pensées qui l'accompagneront tout au long de sa lente agonie romanesque : des pensées sur la vie qui le préparent à une ultime et inévitable confrontation avec la mort.
De ce parcours de lecture teinté d'humour que propose Andreas Eschbach apparaissent deux idées principales :
Duane Fitzgerald, tout au long du roman, se compare aux super-héros des bandes dessinées, des films ou des séries télévisées de sa jeunesse. Il ne manque pas d'évoquer Superman, Steve Austin, le héros de L'Homme qui valait trois milliards, Spiderman, ou plus simplement James Bond, Conan le barbare avec Arnold Schwarzenegger ou bien le héros interprété par Bruce Willis dans Piège de cristal. Andreas Eschbach fait intervenir la mythologie américaine du super-héros, pour ne pas dire du sur-homme, dans les motivations premières d'un personnage qui s'est soumis volontairement à toute une série d'opérations chirurgicales délicates et irréversibles. Duane Fitzgerald voulait tout simplement être fort pour affronter la vie et devenir imbattable, tout comme les héros de sa jeunesse.
Mais avec les défaillances de plus en plus fréquentes de son système bio-mécanique, Duane Fitzgerald ressemble davantage à un anti-héros, peut-être même à un « anti-super-héros », dont les facultés - décuplées à grands renforts d'opérations chirurgicales - n'ont jamais été mises au service de son pays et qui doit finalement être éliminé. C'est toute une vision de l'absurde que propose l'auteur avec cet anti-héros dont la vie a été sacrifiée pour un projet militaire finalement abandonné. Quant aux opérations faisant de l'homme un cyborg, Andreas Eschbach n'oublie pas de mentionner qu'elles peuvent aussi bien produire un cyber-soldat à la pointe de la technologie qu'un monstre à la Frankenstein.
Du point de vue de l'histoire littéraire de la science-fiction, la mort du cyborg Duane Fitzgerald est symboliquement le symptôme d'un changement de paradigme technologique. En effet, la science-fiction des années 2000, au moment où paraît le roman, s'est nettement réorientée vers des thématiques plutôt inspirées des recherches contemporaines en génétique et en nanotechnologies, faisant ainsi de la science-fiction bio-mécanique un registre désormais dépassé. Le dernier de son espèce ressemble ainsi au chant du cygne de toute une période héroïque de l'histoire de la S.F., un domaine jusque là peuplé d'hommes-machines jusque dans les années 1980.
Le dernier de son espèce d'Andreas Eschbach fait référence à toute une série de films et de séries télévisées qui mettent en scène des cyborgs à vocation militaire dont certains sont explicitement évoqués par l'auteur :
L'originalité du cyborg d'Andreas Eschbach par rapport à ses grands modèles cinématographiques est son adhésion volontaire et réfléchie à un projet de soldat-cyborg, alors que les héros des films ou séries télévisées étaient généralement inconscients au moment de leur transformation. Le héros des L'homme qui valait trois milliards ou de Robocop est transformé suite à un grave accident qui le laisse dans le coma, tandis que ce sont des soldats décédés qui font partie du projet militaire top secret de Universal Soldier. L'adhésion consciente et volontaire de Duane Fitzgerald au projet de cyborg lui permet de porter un regard différent sur les diverses motivations qui l'ont conduit à participer au projet, allant de la simple volonté de mieux servir son pays jusqu'aux ressorts psychanalytiques d'une décision prise au moment où ses parents divorcent.