La science-fiction et le fantastique québécois, communément désigné sous l'acronyme SFFQ, rassemble les artistes ou les œuvres reliés de près ou de loin à ces domaines.
Bien que cette généralisation soit abusive, on associe habituellement à la SFFQ toutes les œuvres francophones canadiennes dans le domaine de la science-fiction et du fantastique, dont la plus grande part est réalisée au Québec.
On trouve peu d'exemples de science-fiction québécoise avant les années 1960. Une utopie indépendantiste de Jean-Paul Tardivel intitulée Pour la patrie, publiée en 1895, est le premier ouvrage d'anticipation paru sous forme de livre, n'ayant été précédé que par quelques textes courts signés entre autres par Napoléon Aubin, Wenceslas-Eugène Dick et Tardivel lui-même. En ce qui concerne le fantastique, la récolte est plus abondante si on tient compte des nombreux textes fantastiques tirés du folklore, dont l'histoire de Rose Latulippe donnée dans le premier roman québécois francophone, L'Influence d'un livre (1839) de Philippe Aubert de Gaspé fils.
Au début du vingtième siècle, des récits d'anticipation et de science-fiction sont signés par des auteurs comme Jules Jehin (Les Aventures extraordinaires de deux Canayens, 11918), Ubald Paquin (La Cité dans les fers, 1926), Jean-Charles Harvey (L'Homme qui va, 1929) et Emmanuel Desrosiers (La Fin de la Terre, 1931). Même si Harvey obtient le Prix David pour L'Homme qui va, la plupart de ces ouvrages n'obtiennent qu'un retentissement limité. La science-fiction émerge ensuite dans les petits fascicules vendus 10, 25 ou 50 cents des années quarante aux années soixante. Plusieurs séries de fascicules, dont Les Aventures étranges de l'agent IXE-13 de Pierre Daigneault, font une place dans au moins quelques épisodes à une science-fiction affirmée.
On peut dater des années soixante la véritable émergence de la science-fiction au Québec. Un étrange cataclysme bouleverse le monde dans Les Nomades (1967) de Jean Tétreau. Yves Thériault évoque, lui, les dangers d'une guerre nucléaire dans Si la bombe m'était contée (1962) et invente l'agent secret Volpek dont les exploits racontés dans des romans pour jeunes (1965-1968) versent souvent dans la science-fiction. Maurice Gagnon signe également des romans d'anticipation pour jeunes (1965-1968) avant de faire paraître un roman pour adultes en 1972, Les Tours de Babylone. Toujours pour les jeunes, on peut citer Surréal 3000 (1962) de Suzanne Martel qui reçoit le Prix de l'ACELF pour ce roman. D'autres ouvrages de science-fiction pour la jeunesse sont signés par Laurent Boisvert, Guy Bouchard et Rolande Lacerte. Au théâtre, Robert Gurik met en scène Api 2967 (1965-1967).
En fantastique, des auteurs comme Roch Carrier (Jolis Deuils, 1964), Claude Mathieu (La Mort exquise, 1965) et Michel Tremblay (Contes pour buveurs attardés, 1966) se démarquent dès cette époque. La forme du conte, classique ou réinventé dans le sillage d'auteurs comme Jean Ray, commence à céder la place à des récits plus longs, comme dans le cas de La Charrette de Jacques Ferron, que l'on pourrait rapprocher parfois du réalisme magique des auteurs latino-américains.
Le coup d'envoi de la SFFQ moderne est véritablement la fondation, par Norbert Spehner, du fanzine Requiem en 1974 dans un CEGEP de Longueuil, qui devient au cours des années 1980 un véritable magazine de science-fiction et de fantastique en publiant critiques, dossiers, entrevues, nouvelles originales, illustrations et bandes dessinées. C'est également en 1974 que paraissent plusieurs ouvrages de science-fiction, dont En hommage aux araignées d'Esther Rochon, Échec au président de Jean Côté, Contes ardents du pays mauve de Jean Ferguson ou Contes pour hydrocéphales adultes de Claudette Charbonneau-Tissot, voire Reliefs de l'arsenal de Roger Des Roches.
En 1979, Requiem est rebaptisé Solaris. Cette même année voit aussi le lancement de la revue Imagine... , dont la rédaction se partagera au début entre Montréal et Trois-Rivières, et le tout premier congrès Boréal. Dédiée à la science-fiction avant tout, Imagine... publie les premiers récits d'auteurs devenus maintenant des incontournables de la SFFQ.
Ces deux revues jouent un rôle central durant les années quatre-vingt, tandis que des revues et des fanzines plus éphémères (Pour ta belle gueule d'ahuri, Carfax) contribuent à l'effervescence de cette période. Solaris et Imagine... publient certains des premiers textes d'auteurs comme Jean-Pierre April, René Beaulieu, Joël Champetier, Daniel Sernine, Francine Pelletier, Jean-Louis Trudel ou Élisabeth Vonarburg.
C'est vers le début des années 80 que naît aussi la vénérable collection Chroniques du Futur, aux éditions du Préambule, qui éditeront un recueil d'Elisabeth Vonarburg (L'Œil de la nuit), des livres de Daniel Sernine (Les Méandres du Temps, Le Vieil homme et l'espace) ainsi que les anthologies Aurores Boréales. Une seconde collection, Chroniques de l'Au-Delà, coexistera avec cette dernière, mais ne publiera que quelques titres, dont Quand vient la nuit de Sernine, auteur phare de ces années.
La troisième revue professionnelle, Pour ta belle gueule d'ahuri, lancée à Québec, regroupe un noyau de dessinateurs et amateurs de bandes dessinées isuus du Cégep de Sainte-Foy à Québec. On y retrouve même le nom de Jean Pettigrew, future figure majeure de l'édition de SFFQ, avec tout d'abord les éditions du Passeur (qui éditeront l'ASFFQ) puis Alire (années 90). Jean-Marc Gouanvic, de la revue Imagine..., devient directeur de la seconde collection spécialisée de SFFQ aux éditions Les Imaginoïdes, qui publiera entre autres les anthologies Espaces imaginaires.
Pendant ce temps, les fanzines se multiplient, pour le meilleur ou pour le pire. Carfax, Samizdat et Temps Tôt sont les meilleurs exemples des fanzines de ces années. Ils publient beaucoup de nouvelles d'auteurs émergents et leur rôle n'est pas à négliger dans l'histoire de la SFFQ.