Un semi-anneau d'ensembles (généralement abrégé en semi-anneau) est une classe de parties d'un ensemble X à partir de laquelle on construit facilement un anneau d'ensembles. C'est un cadre commode pour commencer plusieurs constructions classiques de mesures.
Définition — Un semi-anneau d'ensembles est un ensemble de parties d'un ensemble X qui vérifie :
Lorsque de surcroît l'ensemble X est élément de , on dit que est une semi-algèbre d'ensembles.
L'anneau d'ensembles engendré par un semi-anneau se décrit facilement :
Proposition — Le plus petit anneau d'ensembles qui contienne un semi-anneau donné est l'ensemble des unions finies d'éléments de . C'est aussi l'ensemble des unions finies disjointes d'éléments de .
Dans l'énoncé d'extension qui suit, on entend par « mesure » sur une classe contenant le vide une application de vers nulle sur le vide et σ-additive.
Proposition — Soit un semi-anneau et μ une mesure sur . Alors μ admet un prolongement et un seul en une mesure définie sur l'anneau d'ensembles engendré par .
L'unicité est claire, vu l'additivité des mesures et la description des éléments de l'anneau engendré par : nécessairement si un élément A de cet anneau s'écrit pour des Ai éléments du semi-anneau , on doit avoir . Pour l'existence, on prend cette formule pour définition de l'extension, en vérifiant préalablement qu'elle ne dépend pas du découpage de A utilisé, puis on s'assure qu'elle définit bien une mesure sans rencontrer d'obstacle significatif.
Les énoncés analogues utilisant des semi-algèbres au lieu des semi-anneaux et des algèbres d'ensembles au lieu des anneaux d'ensembles sont également vrais, et se déduisent aussitôt de ceux qui sont donnés ici. L'usage des uns ou des autres est souvent indifférent : travailler sur des semi-algèbres est cohérent avec l'objectif terminal de construire une mesure sur une σ-algèbre et évite d'avoir à introduire le concept supplémentaire d'« anneau » ; travailler sur des semi-anneaux permet d'alléger la vérification initiale de σ-additivité et se justifie par ailleurs pleinement quand on a pour objectif de construire des mesures sur des σ-anneaux ou δ-anneaux.
Un des modes de construction de la mesure de Lebesgue sur consiste à définir le volume d'un pavé droit P produit d'intervalles bornés (fermés, ouverts ou semi-ouverts) d'extrémités notées ai et bi. Le volume est simplement le produit des longueurs des côtés :
On étend ensuite cette définition à la classe des ensembles Lebesgue-mesurables.
Cette construction débute par l'invocation, explicite ou implicite, de la proposition énoncée ci-dessus afin d'étendre dans un premier temps la mesure à l'anneau d'ensembles de toutes les unions d'intervalles bornés. L'intérêt des semi-anneaux apparaît nettement ici, car les énoncés qui précèdent, complétés par le théorème d'extension de Carathéodory pour l'étape suivante de l'extension, montrent que la σ-additivité de la mesure découle in fine d'une vérification de σ-additivité où on peut se limiter à manipuler des pavés.
On trouvera ci-dessous en boîte déroulante le détail de cette vérification, qui n'est pas triviale et fournit un exemple de manipulations sur un semi-anneau.
Notons
le semi-anneau des produits d'intervalles bornés, définit une mesure sur ce semi-anneau.
On montre d'abord que μ est additive, au sens suivant : si P est un pavé dans et P est réunion disjointe d'une famille finie (Pi) où chaque Pi est lui aussi dans , le volume du gros pavé P est somme des volumes des Pi..
On doit ensuite montrer que μ est une mesure, c'est-à-dire qu'elle est σ-additive. Pour le prouver, soit donc un pavé P élément de , et supposons qu'on dispose d'une partition de P comme union disjointe dénombrable de pavés de :
On doit montrer l'égalité :
L'inégalité dans un sens ne demande pas d'idée particulièrement ingénieuse. Pour r fixé, la différence est dans l'anneau engendré par , donc est réunion disjointe finie d'éléments F1,...,Fs de . Le pavé P est donc réunion disjointe finie de pavés dont tous les Pi pour i variant de 1 à r ; la positivité et l'additivité de μ entraînent alors :
En faisant tendre r vers l'infini on conclut :
L'inégalité réciproque repose sur des considérations topologiques touchant à la régularité de la mesure de Lebesgue. On commence par fixer un ε > 0 et inclure chaque Pi dans un pavé Qi produit d'intervalles ouverts dont le volume soit inférieur ou égal à μ(Pi) + ε / 2i. De la même façon, on considère un pavé Q produit d'intervalles fermés, contenu dans P et dont le volume soit supérieur ou égal à μ(P) − ε.
Le pavé Q est compact comme fermé borné de et les ouverts Qi le recouvrent. On peut extraire une sous-famille qui le recouvre toujours, mais à l'ensemble d'indices I0 fini.
Par additivité finie et positivité de μ sur le semi-anneau , l'inclusion ensembliste suivante (dans laquelle la réunion n'a aucune raison d'être disjointe et où n'interviennent qu'un nombre fini d'éléments du semi-anneau) :
fournit l'inégalité :
et a fortiori :
qu'on peut incorporer dans la chaîne d'inégalités :
Il n'y a plus qu'à faire tendre ε vers 0 pour conclure.
Toute mesure localement finie sur la droite réelle peut se construire par un procédé généralisant celui exposé ci-avant. Il est opportun d'utiliser le semi-anneau des intervalles vides ou de la forme ]a,b] (a < b).
Pour toute fonction croissante de vers , continue à droite, on construit une mesure sur ce semi-anneau en posant :
mesure qu'il est ensuite possible d'étendre à la tribu borélienne de . Dans le cas particulier des mesures de probabilité, F est appelée fonction de répartition de la mesure.
La méthode se généralise à toute dimension finie.