Shlomo Sand (né en 1946 à Linz en Autriche) est un historien israélien spécialisé dans l'histoire contemporaine.
Il fait partie des nouveaux historiens israéliens. Il est professeur à l'Université de Tel Aviv depuis 1985. Il sera professeur invité à l'Université du Québec à Montréal (UQAM) durant le semestre d'automne 2010.
Shlomo Sand a passé ses deux premières années de vie en camps de réfugiés juifs polonais, en Allemagne. Il a grandi en Israël où ses parents ont émigré. Après l'expérience traumatisante de la guerre des Six Jours (1967) à laquelle il a participé comme simple soldat, il a milité dans l'extrême gauche israélienne favorable à un État binational judéo-palestinien. Au milieu des années 1970, il a complété ses études universitaires à Paris où il a soutenu, sous la direction de Madeleine Rebérioux, une maîtrise sur Jean Jaurès et une thèse sur Georges Sorel qu'il a rédigée et soutenue en français. Il a relancé en France les études soréliennes en y organisant le premier colloque sur Sorel, en 1982, et en cofondant en 1983 les Cahiers Georges Sorel, devenus ensuite Mil neuf cent. Revue d'histoire intellectuelle. Retourné en Israël, il s'est intéressé à l'histoire du cinéma, à l'histoire des intellectuels et, plus récemment, à l'histoire du peuple juif.
Sur ce dernier thème, il a notamment publié, en 2008, Comment le peuple juif fut inventé qui est un ouvrage principalement historiographique, et qui propose aussi une critique de la politique identitaire de son pays. Le livre traite des questions suivantes : « Quand le peuple juif fut-il créé ? Est-ce il y a quatre mille ans, ou bien sous la plume d'historiens juifs du XIXe siècle qui ont reconstitué rétrospectivement un peuple imaginé afin de façonner une nation future ? » Shlomo Sand réfute la réalité historique d'un exil de Palestine imposé par la Rome impériale en 70 EC, qui serait une invention chrétienne pour justifier le mythe du « peuple errant » ; au contraire, les Juifs auraient essaimé grâce aux migrations naturelles et volontaires puis, surtout, grâce aux conversions de païens motivées par l'émulation des émigrés juifs autour de la Méditerranée et plus loin (dans l'empire romain où les conversions au judaïsme ont été durant quelques temps en concurrence avec celles au christianisme, ou encore parmi les Khazars d'Asie centrale) ou certaines tribus (notamment berbères au Maghreb).
Alors que les Juifs actuels seraient en grande partie descendants de convertis, selon l'auteur, les véritables descendants des Hébreux seraient en réalité les Palestiniens, quant à eux convertis à l'islam au cours des siècles mais toujours restés sur le territoire d'Israël.
L'ouvrage de Shlomo Sand décrit ensuite les travaux des historiens qui se seraient efforcés à partir de Flavius Josèphe, mais surtout du XIXe siècle, de construire une identité commune à tous les Juifs, en partant des récits bibliques ; en cela, ils ne se distinguaient en rien d'autres nations alors en construction (cf. l'utilisation de Vercingétorix, Guillaume Tell, etc.). Shlomo Sand s'étonne pourtant qu'aujourd'hui, les mythes fondateurs juifs continuent à être considérés comme absolument véridiques tandis que les autres mythes fondateurs ont été déconstruits les uns après les autres et sont désormais classés au rang de constructions intellectuelles.
Shlomo Sand souligne aussi, de façon particulièrement détaillée, que la construction du nationalisme sioniste s’est appuyée sur le point de vue essentialiste en vigueur en Europe centrale et notamment en Allemagne. Ce type de nationalisme cherche dans un passé lointain, éventuellement mythologique, les racines fondatrices de la nation considérée comme la descendante d'une même ethnie. Il s’oppose notamment à d'autres nationalismes plus universalistes, comme ceux pratiqués par exemple aux États-Unis ou en France. Dans ces derniers, la nation accueille des populations diverses qui s’agrégent et à qui elle propose un avenir commun. Il conclut alors son ouvrage sur un vibrant plaidoyer pour un Etat d'Israël où la citoyenneté ne ferait plus référence à la religion et qui pourrait offrir une place égale, ainsi qu'un avenir commun, aux juifs et aux non juifs.
Le Prix Aujourd'hui lui est décerné en mars 2009 pour cet ouvrage.
Ces arguments ont été critiqués par le professeur de littérature Éric Marty, qui lui reproche de confondre les notions de race et de peuple, et écrit dans Le Monde : « En ne déconstruisant pas radicalement la notion d'héritage génétique, en en faisant, au contraire, bénéficier le peuple palestinien, Sand révèle tout l'impensé qui obscurément pourrit ce qu'il tient pour être une entreprise libératrice. Il montre que la méthode substitutive qu'il emploie est tout simplement mystificatrice, et ce d'autant plus qu'elle voudrait être au service de l'entente entre les ennemis. »
En réponse à cet article, Schlomo Sand suggère la lecture des Mémoires de Raymond Aron : « célèbre négateur du peuple juif, [Aron] ne craignait pas de s'interroger : “Que signifie le peuple juif ? Existe-t-il ? Peut-on parler du peuple juif comme on parle du peuple français ? Ou comme on parle du peuple basque ?” La seule réponse valable me paraît celle-ci : si l'on parle du “peuple juif”, on emploie la notion de peuple en un sens qui ne vaut que dans ce seul cas » (p. 502-503).
Des historiens spécialistes de l'Antiquité juive ont critiqué le point de vue de Sand. Israël Bartal écrit que les affirmations de Shlomo Sand étaient déjà connues des historiens spécialisés en histoire juive. Il indique qu’« aucun historien du mouvement national juif n’a jamais réellement cru que les origines des Juifs étaient ethniquement et biologiquement “pures”. » Bartal parle à ce propos de l'« invention d'une invention ».
D'autres historiens ou politologues s'opposent aux théories de Shlomo Sand : Simon Schama, Nicolas Weill, Mireille Hadas-Lebel ou Pierre-André Taguieff, entre autres. Ils lui reprochent principalement de méconnaître aussi bien l'histoire du peuple juif que l'historiographie contemporaine en Israël. Selon ces auteurs, l'ouvrage de Sand contiendrait de graves erreurs historiques, dues au fait que Sand n'est pas spécialiste des sujets qu'il y aborde. Pour Taguieff, par exemple, le livre de Shlomo Sand vise simplement à nier la réalité historique du peuple juif et, de ce fait, à tenter de justifier la disparition de l'État d'Israël.
Shlomo Sand, qui ne prétend pas être un spécialiste de l'histoire juive, considère plutôt s'appuyer sur des connaissances historiques oubliées ou ignorées du grand public. Il le reconnaît ainsi dans une interview au quotidien de gauche Haaretz. Shlomo Sand déplore par ailleurs la « décision prise dans les années 1930 pour séparer l’histoire en deux disciplines : l’histoire générale et l’histoire juive. L’histoire juive a été considérée comme nécessitant un domaine d’étude distinct car l’expérience juive était considérée comme unique. »
Dans une interview donnée au quotidien marocain, L'Économiste, il déclare aussi : « Il était plus logique de créer un Etat juif en Europe. Les Palestiniens n’étaient pas coupables de ce que les Européens ont fait. Si quelqu’un avait dû payer le prix de la tragédie, ça aurait dû être les Européens, et évidemment les Allemands ».