Les éléments chimiques constitutifs de la strontiodressérite étant ubiquistes dans les roches sédimentaires, on peut dès lors se demander pourquoi le gîte de Condorcet est le seul connu à ce jour dans de telles roches. Trois caractéristiques géologiques propres à cette région (mais également connus ailleurs dans le monde) méritent d’êtres mises en lumière :
Cette conjonction de particularités et d’événements géologiques a engendré localement une fracturation intense des calcaires marneux du Jurassique moyen (callovo-oxfordien) accompagnée par la circulation de fluides chauds, enrichis en strontium issu du Trias.
On constate à Condorcet que la strontiodressérite est associée à un autre minéral très rare : la tunisite. Ailleurs dans le monde (Tunisie et Russie), ce dernier minéral se rencontre également dans des formations géologiques affectées par le diapirisme. Par rapport à la tunisite, la strontiodressérite apparaît plus tardivement. La présence de cristaux corrodés de tunisite dans le gîte laisse fortement supposer que la strontiodressérite résulte de la déstabilisation de cette dernière sous l’action de fluides chauds riches en strontium, selon la réaction suivante :
Hypothétiquement, deux stades de réaction ont probablement conduit à la formation de la strontiodressérite :
Stimulés par la possibilité de décrire de nouvelles espèces minérales, nous avons recherché ces probables termes zincifères et calciques. Au laboratoire, une telle traque nécessite l’analyse de nombreux échantillons, ce qui est rapidement très onéreux. La méthode la plus simple consiste dès lors à sélectionner directement sur le terrain les agrégats de strontiodressérite riches en zinc ou en calcium, puis de les soumettre ensuite à des analyses plus poussées en laboratoire.
Face à la surabondance de calcium sous la forme de calcite dans les roches du gisement, nous avons renoncé à déterminer sur le terrain sa présence dans la strontiodressérite, les risques d’erreur par contamination du minéral étant trop élevés. Notre recherche s’est focalisée sur le zinc. Lors d’une mission effectuée en juillet 2000, nous avons copieusement pulvérisé une solution révélant la présence de zinc sur les affleurements à strontiodressérite. Le réactif utilisé est une solution aqueuse de diméthylaniline, d'hexacyanoferrate de potassium et d’acide oxalique. Appelé familièrement « réactif de Gertrude » par les prospecteurs, ce mélange, répandu sur les carbonates, révèle immédiatement la présence de zinc par l’apparition d’une intense couleur rouge. De ce fait, nous avons facilement pu récolter de la strontiodressérite zincifère. Au laboratoire, l’étude à l’échelle microscopique de cette dernière a révélé que le zinc était distribué de manière hétérogène au sein des cristaux fibreux. Grossièrement, cette zonation chimique s’exprime de la sorte : richesse en zinc au cœur des agrégats, puis absence et enfin de nouveau présence en bordure des agrégats fibroradiés. La présence de l’équivalent zincifère du groupe de la dundasite est donc pratiquement certaine à Condorcet, mais malheureusement sa caractérisation comme nouvelle espèce se heurte à des problèmes analytiques liés à la petitesse des cristaux.
Examinés sous un fort grossissement à l’aide du microscope électronique à balayage (MEB), les agrégats radiés de strontiodressérite de Condorcet révèlent qu’ils sont constitués de cristaux fibreux en forme de lattes et aux terminaisons tronquées, le tout rappelant des planches. Leur épaisseur moyenne est de l’ordre de deux microns (0,002 mm) alors que leur longueur peut atteindre 2 mm, soit un rapport longueur/épaisseur de l’ordre de 1000. Il est évident que des dimensions si extrêmes rendent particulièrement difficiles, voire aléatoires, les analyses chimiques et structurales indispensables à l’homologation de nouvelles espèces minérales