Conditions induites pour le passage entre diabaticité et adiabaticité
Continuons maintenant avec une analyse plus rigoureuse. En utilisant la notation bra-ket, le vecteur d'état du système au temps
peut être écrit :
,
où la fonction d'onde spatiale déjà mentionnée auparavant, est la projection du vecteur d'état sur les états propres de l'opérateur position
.
Il est intéressant de considérer les cas limites, dans lesquels
est soit très grand (adiabatique, ou modification graduelle) ou soit très petit (diabatique, ou modification soudaine). Soit un hamiltonien du système subissant une modification continue depuis un état initial
, au temps
, jusqu'à un état final
, au temps math>\scriptstyle{t_1}, où
. L'évolution du système peut être décrit dans la représentation de Schrödinger par un opérateur temporel, défini par l'équation intégrale :
avec pour condition initiale
. Connaissant la fonction d'onde du système à
, l'évolution du système jusqu'à un temps ultérieur
peut être obtenue par :
.
Le problème de la détermination de l' adiabaticité d'un processus donné est équivalent à établir la dépendance de
à
.
Afin de déterminer la validité de l'approximationadiabatique d'un procédé donné, on peut calculer la probabilité de trouver le système dans un état autre que celui dans lequel il a débuté. En utilisant la notation bra-ket et la définition, on a :
.
On peut développer
:
.
Dans la limite de perturbation, on peut prendre en compte les seuls deux premiers termes et les substituer dans l'équation pour
, en notant que :
est le hamiltonien du système, moyenné sur l'intervalle
, d'où :
.
Après avoir développé les produits et procédé aux éliminations appropriées, on a :
,
ce qui donne :
,
où
est la valeur efficace du hamiltonien du système moyenné sur tout l'intervalle étudié. L'approximation soudaine est valide quand
(la probabilité de trouver le système dans un état autre que celui initial est proche de 0), ce qui fait que la condition de validité est donnée par :
,
ce qui est, en fait, un énoncé du principe d'incertitude de Heisenberg dans sa forme liant temps et énergie.
Passage diabatique
A la limite
, on a un passage infiniment rapide, ou diabatique :
On l'appelle parfois approximation soudaine. La validité de l'approximation pour un processus donné peut être déterminée à partir de la probabilité que l'état du système reste inchangé :
.
Passage adiabatique
A la limite
, on a un passage infiniment lent, ou adiabatique. Le système évolue, adaptant sa forme aux conditions changeantes :
.
Si le système est initialement dans un état propre de
, après un temps
il sera passé dans l'état propre correspondant de
. On l'appelle l'approximation adiabatique. La validité de l'approximation pour un processus donné peut être déterminée à partir de la probabilité pour que l'état final du système soit différent de l'état initial :
On peut considérer l'exemple du pendule oscillant dans un plan vertical. Si le support est déplacé, le mode d'oscillation du pendule change. Si le support est déplacé suffisamment lentement, le mouvement du pendule relatif au support reste inchangé. Un changement graduel dans les conditions externes permet au système de s'adapter, tel que le caractère initial soit conservé. Cela est un processus adiabatique au sens quantique du terme.
Figure 1. Modification de la densité de probabilité,
, d'un oscillateur harmonique quantique à l'état fondamental, en raison d'une augmentation adiabatique dans la constante de ressort.
La nature classique d'un pendule exclut une description complète des effets du théorème adiabatique. Comme exemple, on considèrera un oscillateur harmonique quantique lorsque la constante de rappel
augmente. C'est l'équivalent classique de la raideur d'un ressort ; quantiquement, l'effet est un rétrécissement de la courbe d'énergie potentielle dans le hamiltonien du système.
Si
est accru adiabatiquement
, alors le système au temps
sera dans un état propre instantané
du hamiltonien courant, correspondant à l'état propre initial de
. Pour le cas spécial d'un système, comme l'oscillateur quantique harmonique, décrit par un seul nombre quantique, cela signifie que le nombre quantique restera inchangé. La figure 1 montre comment un oscillateur harmonique, initialement dans son état fondamental,
, reste dans cet état fondamental quand la courbe d'énergie potentielle est compressée ; la forme fonctionnelle de l'état s'adaptant aux conditions variant lentement.
Pour une constante de rappel croissant rapidement, le système subit un processus diabatique
dans lequel le système n'a pas le temps d'adapter sa forme fonctionnelle aux conditions changeantes. Alors que l'état final doit être identique à l'état initial
pour un processus opérant sur une période de temps non prise en compte, il n'y a pas d'état propre du nouveau hamiltonien,
, qui ressemble à l'état initial. En fait l'état initial est composé d'une superposition linéaire de nombreux états propres différents de
dont la somme reproduit la forme de l'état initial.
Croisement de courbe évité
Figure 2. Un croisement évité de niveaux d'énergie dans un système à deux niveaux soumis à un champ magnétique externe. Remarquer que les énergies des états diabatiques
et
et les valeurs propres du hamiltonien, donnant les énergies des états propres
et
(états adiabatiques).
Pour un exemple plus largement appliqué, considérons un atome à deux niveaux soumis à un champ magnétique externe. Les états désignés par
et
dans la notation bra-ket, peuvent être conçus comme des états de moment angulaire atomique, chacun possédant une géométrie particulière. Pour des raisons qui seront éclaircies par la suite, ces états seront appelés états diabatiques dans la suite de cet article. La fonction d'onde du système peut être représentée comme une combinaison linéaire des états diabatiques :
.
En l'absence de champ, la séparation énergétique des états diabatiques est égale à
; l'énergie de l'état
croît avec l'augmentation du champ magnétique (état de champ faible), alors que l'énergie de l'état
décroît dans le même temps (état de champ fort). Si l'on suppose la dépendance au champ magnétique linéaire, la matrice hamiltonienne du système peut s'écrire :
où
est le moment magnétique de l'atome, que l'on considère être le même pour les deux états diabatiques, et
est un couplage entre les deux états. Les éléments diagonaux sont les énergies des états diabatiques (
et
). Cependant, comme
n'est pas une matrice diagonale, il est clair que ces états ne sont pas états propres du hamiltonien.
Les vecteurs propres de la matrice
sont les états propres du système, que l'on désignera par
et
, avec les valeurs propres correspondantes :
.
Il est important de réaliser que les valeurs propres sont les seuls états du système permis ; une mesure de l'énergie du système au temps
donnera soit
, soit
. Les états diabatiques
et
sont des combinaisons linéaire des états propres tandis que les énergies diabatiques du système
et
correspondent aux espérances mathématiques pour l'énergie du système dans les états diabatiques
et
respectivement.
La figure 2 montre la dépendance des énergies diabatiques et adiabatiques selon la valeur du champ magnétique ; notons que pour un couplage non-nul les valeurs propres du hamiltonien ne peuvent être dégénérés, et donc nous sommes en présence d'un croisement évité. Si un atome est initialement dans un état
dans un champ magnétique nul (courbe rouge, à l'extrême gauche), une augmentation adiabatique du champ magnétique impose au système de rester dans un état propre du hamiltonien
(en suivant la courbe rouge, donc). Un accroissement diabatique du champ magnétique impose au système de suivre le chemin diabatique (ligne noire continue), donc une transition vers l'état
. Pour des variations finies du champ magnétique
, il existe une probabilité finie de trouver un système dans un des deux états propres. On pourra se reporter pour le calcul de ces probabilités.
Ces calculs sont très importants en physique atomique et moléculaire pour le contrôle de la distribution des états d'énergie dans une population d'atomes ou de molécules.