Le théorème de restriction cristallographique peut être formulé en termes d'isométries de l'espace euclidien. Un ensemble d'isométries peut former un groupe. Un groupe discret d'isométries signifie ici un groupe d'isométries qui fait correspondre chaque point vers un sous-ensemble discret de RN, c'est-à-dire un ensemble de points isolés. Avec cette terminologie, le théorème de restriction cristallographique pour les dimensions 2 et 3 peut être formulé comme suit :
Notons que les isométries d'ordre n incluent, mais pas uniquement, les rotations d'ordre n. Le théorème exclut aussi S8, S12, D4d, et D6d (voir la notation de Schoenflies).
Notons aussi qu'une opération de symétrie rotationnelle d'ordre quelconque autour d'un axe est compatible avec une symétrie translationnelle le long de cet axe.
D'après le tableau ci-dessus, pour chaque groupe discret d'isométries dans l'espace à 4 et 5 dimensions qui inclut les translations sur tout l'espace, toutes les isométries d'ordre fini sont d'ordre 1, 2, 3, 4, 5, 6, 8, 10, or 12.
Toutes les isométries d'ordre fini dans l'espace à 6 et 7 dimensions sont d'ordre 1, 2, 3, 4, 5, 6, 7, 8, 9, 10, 12, 14, 15, 18, 20, 24 or 30 .
Dans un espace de dimension supérieure à 3, les rotations n'agissent plus forcément dans un plan : la preuve du théorème dans l'espace à deux dimensions ne fonctionne plus. Cependant, il y a toujours des restrictions, bien que plus de symétries soient permises. Par exemple, le réseau hypercubique possède une symétrie rotationnelle d'ordre 8 correspondant à celle de l'hypercube. Ceci n'est pas seulement intéressant d'un point de vue mathématique mais aussi pour la physique des quasi-cristaux : un quasi-cristal peut être décrit comme la projection dans l'espace à trois dimensions d'une coupe d'un cristal de dimension 4, possédant par exemple une rotation d'ordre 8. En cristallographie, des groupes d'espace 4D, 5D et même 6D peuvent ainsi être utilisés pour décrire les structures modulées.
La matrice de rotation 4D suivante correspond à la rotation d'ordre 8 de l'hypercube (et du polytope croisé) dans le système de coordonnées cristallographique :
Le changement de base vers une autre base orthonormée par la matrice de passage (orthogonale)
donne :
Cette troisième matrice correspond à une rotation de 45° dans les deux premières dimensions et de 135° dans les deux autres. La projection d'une coupe d'hypercube le long des deux premières dimensions du nouveau système de coordonnées produit un pavage d'Ammann–Beenker (en) (ainsi que la projection le long des deux autres dimensions), qui possède donc en moyenne une symétrie rotationnelle d'ordre 8.
Les réseaux A4 et F4 possèdent des symétries rotationnelles d'ordre 10 et 12 respectivement.
Afin de trouver les restrictions pour toutes les dimensions, il est préférable, au lieu de considérer les rotations, de se concentrer sur les matrices entières (c'est-à-dire : à coefficients entiers). En effet, pour tout réseau, il existe une base (non orthonormée en général) dans laquelle toutes les symétries du réseau sont représentées par des matrices entières. On dit qu'une matrice A est d'ordre k quand sa puissance ke , Ak, est égale à l'identité (k étant le plus petit entier satisfaisant cette relation). Ainsi la matrice correspondant à une rotation d'ordre 6 est une matrice d'ordre 6 (dans n'importe quelle base) et entière (dans une base bien choisie). Soit OrdN l'ensemble des entiers qui peuvent être l'ordre d'une matrice entière N×N. Par exemple, Ord2 = {1, 2, 3, 4, 6}. Le but est trouver une formule explicite pour OrdN.
Définissons une fonction ψ basée sur l'indicatrice d'Euler φ ; à tout entier naturel non nul elle associe un entier naturel. Pour un nombre premier impair p et un entier k strictement positif, posons ψ(pk) égal à l'indicatrice d'Euler, φ(pk), qui est dans ce cas pk−pk−1. Faisons de même pour ψ(2k) quand k > 1. Posons ψ(2)=0 et ψ(1)=0. En utilisant le théorème fondamental de l'arithmétique, on peut écrire de façon unique tout entier naturel m non nul comme un produit fini de puissances de nombres premiers,
On pose alors
Ceci est différent de l'indicatrice elle-même, puisqu'il s'agit d'une somme et non d'un produit.
La restriction cristallographique dans sa forme générale affirme que OrdN est constitué des entiers positifs m tels que ψ(m) ≤ N.
m | 1 | 2 | 3 | 4 | 5 | 6 | 7 | 8 | 9 | 10 | 11 | 12 | 13 | 14 | 15 | 16 | 17 | 18 | 19 | 20 | 21 | 22 | 23 | 24 | 25 | 26 | 27 | 28 | 29 | 30 | 31 |
ψ(m) | 0 | 0 | 2 | 2 | 4 | 2 | 6 | 4 | 6 | 4 | 10 | 4 | 12 | 6 | 6 | 8 | 16 | 6 | 18 | 6 | 8 | 10 | 22 | 6 | 20 | 12 | 18 | 8 | 28 | 6 | 30 |
Notons que ces symétries supplémentaires ne permettent pas à une coupe plane de posséder, par exemple, une symétrie rotationnelle d'ordre 8. Dans le plan, les restrictions 2D sont toujours en vigueur. Ainsi, les coupes utilisées pour modéliser les quasi-cristaux doivent avoir une épaisseur.
Les matrices entières ne sont pas limitées aux rotations ; par exemple, une réflexion est aussi une opération de symétrie d'ordre 2. En imposant à la matrice d'être de déterminant égal à +1, il est possible de ne retenir que les rotations pures.