Vue d'artiste d'un blazar. Illustration: NASA Des chercheurs de l'Université de Genève (UNIGE) et de l'Institut de Physique Max Planck de Munich ont réussi à montrer que le rayonnement de très haute énergie (gamma) émis par certaines galaxies trouve son origine dans le voisinage immédiat du trou noir super massif situé en leur centre. Cette découverte, qui paraît dans la dernière édition de la revue
Nature Physics, a été réalisée grâce à l'exploitation d'un effet d'
amplification (On parle d'amplificateur de force pour tout une palette de systèmes qui amplifient les...) très sélectif appelé micro
lentille gravitationnelle (Les lentilles gravitationnelles déforment l'image que l'on reçoit d'un objet astronomique comme...).
Pratiquement toutes les galaxies possèdent en leur centre un trou noir super massif. Celui-ci engloutit la matière qui l'entoure et génère en même temps de puissants jets de gaz perpendiculaire au disque d'
accrétion (L'accrétion désigne en astrophysique, en géologie et en météorologie l'accroissement par...) et dirigés dans deux directions opposées.
Le mécanisme de production de ces jets de gaz, observables dans le domaine des ondes radio, parfois aussi dans le visible, les rayons X ou gamma, est encore largement inconnu. Les scientifiques savent néanmoins qu'autour du trou noir gravite du gaz très chaud et qu'à cet endroit il règne vraisemblablement de très forts champs magnétiques qui accélèrent les particules en direction de l'espace, le long des jets.
Trop lointaine et trop petite, cette "machinerie centrale" ne peut être observée directement par les astronomes. Pour tenter de contourner cette difficulté, Andrii Neronov, chercheur au Département d'
astronomie (L’astronomie est la science de l’observation des astres, cherchant à expliquer...) de la Faculté des sciences de l'UNIGE, Denys Malyshev, post-doctorant dans le même département, et Ievgen Vovk, de l'Institut de Physique
Max Planck (Max Planck (né Max Karl Ernst Ludwig Planck le 23 avril 1858 à Kiel, Allemagne...) de Munich, se sont intéressés à la
galaxie active (En astronomie, une galaxie active est une galaxie abritant un Noyau Actif de Galaxie ou NAG...) PKS 1830-211 qui a la particularité d'être un blazar, c'est-à-dire un cas rare dans lequel l'un des deux jets se dirige pile en direction de la Terre, si bien que les astronomes regardent directement dans le jet, le long de l'axe longitudinal.
A peu près à mi-chemin entre la Terre et ce blazar, situé à plusieurs milliards d'années-lumière, se trouve une autre galaxie dont la forte gravité courbe l'espace autour d'elle. La lumière du blazar est ainsi déviée comme si elle passait à travers une lentille. Vue depuis la Terre à l'aide de radiotélescopes, PKS 1830-211 apparaît alors sous la forme de deux images dans le ciel, chacune étant amplifiée par cette lentille gravitationnelle.
Toujours dans le domaine des ondes radio, les astronomes ont dans le passé enregistré des sursauts d'intensité liés à des réactions se déroulant au coeur du blazar. Le trajet de propagation de la lumière n'étant pas de la même longueur pour les deux images, une perturbation du signal est visible dans la première environ 26 jours avant qu'elle n'apparaisse dans la seconde.
Le travail d'Andrii Neronov, de Denys Malyshev et d'Ievgen Vovk a consisté à rechercher des éruptions dans le domaine du rayonnement gamma dans les données fournies par le téléscope LAT (Large Area Telescope) monté à bord du
télescope spatial (Un télescope spatial est un télescope placé au delà de l'atmosphère. Le...) Fermi. Opérant dans le rayonnement de très haute énergie, où les lois de l'optique classique ne sont plus valables, ces appareils ne possèdent pas une résolution suffisante pour représenter les deux images de PKS 1830-211 séparément. Elles apparaissent comme un seul point.
Malgré cela, les astronomes ont constaté la présence d'éruption de rayons gamma comparables à celles observées dans le domaine radio mais avec des facteurs de gain d'intensité beaucoup plus grands et variables.
Selon les auteurs de l'article, les variations d'intensité des rayons gamma sont elles aussi issus d'éruptions survenant au coeur du blazar. Seulement, elles seraient amplifiées non pas par la galaxie intermédiaire dans son ensemble mais par des étoiles isolées qui passeraient exactement devant la source des rayons gamma. C'est ce qui s'appelle une microlentille gravitationnelle.
Le résultat, vu depuis la Terre, est une amplification sélective, une mise en évidence temporaire du rayonnement gamma sous l'effet gravitationnel d'étoiles individuelles. Dans le cadre de cette hypothèse, les résultats des auteurs de l'article seraient cohérents avec l'existence d'une source de rayons gamma très compacte, d'une superficie de seulement quelques dizaines de milliards de
kilomètres (Le mètre (symbole m, du grec metron, mesure) est l'unité de base de longueur du Système...). Ceci correspond approximativement au diamètre d'un trou noir d'un milliard de masses solaires - et accessoirement aussi à celui du
Système solaire (Le système solaire est un système planétaire composé d'une étoile, le...).
"Le domaine des rayons gamma semble en réalité légèrement plus grand que le trou noir lui-même", ajoute Andrii Neronov. En d'autres termes, le rayonnement gamma est susceptible d'être généré à proximité du trou noir et, pour ainsi dire, à la base du jet.
Si le lieu d'origine semble se préciser, le mécanisme de production du rayonnement gamma est, quant à lui, toujours inexpliqué. D'après la théorie courante, le trou noir et le disque de gaz seraient entourés par un fort champ magnétique dans lequel les particules comme les électrons sont accélérées à une vitesse proche de celle de la lumière. Ces particules entrent alors en collision avec des grains de lumière (photons) et leur transfèrent tant d'énergie qu'elles deviennent des rayons X ou gamma.
Cette image acquise par le Télescope Spatial Hubble du consortium NASA / ESA montre la galaxie active lointaine PKS 1830-211. Elle apparaît sous les traits d'une étoile banale, difficile à discerner des nombreuses étoiles d'avant-plan, bien réelles celles-là. De récentes observations (L’observation est l’action de suivi attentif des phénomènes, sans volonté de les...) effectuées au moyen d'ALMA montrent les deux composantes de la lentille gravitationnelle distante – elles figurent en rouge sur cette image composite. Crédit: ALMA (ESO/NAOJ/NRAO)/NASA/ESA/I. Martí-Vidal