Il ne subsiste aujourd'hui de l'abbaye que le portail, classé monument historique depuis le 18 novembre 1987, deux bâtiments occupés par la mairie, l'école et le presbytère, transformés au XIXe siècle, et le tympan du XIIe siècle du portail principal de l'église, remplacé dans le bras gauche du transept de l'église qui subsista jusqu'en 1961. La statue de saint Bernard érigée en 1935 dans le village et seuls les quelques vestiges rappellent au passant qu'une abbaye a existé en ces lieux.
Un essai de reconstitution des bâtiments de l'abbaye a été tenté en 1994 dans l'ouvrage "L'abbaye cistercienne de Sturzelbronn" par Jérôme MICELI, dont un exemplaire est disponible aux Archives Municipales de Sarreguemines.
Au moment de la Révolution française, les moines sont devenus des seigneurs de l'Ancien Régime. Ils vendent leurs produits, bénéficient de la dîme ainsi que des droits de location des censes. En 1789, les revenus de l'abbaye sont estimés à neuf mille livres. Sturzelbronn possède quatorze étangs, alevinés de truites et de carpes, alors que la Zinsel et le ruisseau de Sturzelbronn fournissent les écrevisses. L'abbaye abornait un vaste ensemble territorial englobant une soixantaine de censes. L'exploitation du domaine est articulée autour de granges d'exploitation agricole encore au nombre de vingt-et-une en 1790. Tels étaient les lieux quand est décrété par l'Assemblé Nationale Constituante, le 13 février 1790, la suppression des vœux et des ordres monastiques.
L'abbaye n'a jamais été très florissante et n'a jamais essaimé. En 1790, elle n'est occupée que par neuf religieux. Grâce à l'état des religieux fourni au comité ecclésiastique de l'Assemblée constituante, le 26 mars 1790 par le prieur, nous connaissons la liste des moines présents à l'abbaye à ce moment : " Le personnel du couvent se composait, en 1789, de neuf pères religieux, un organiste, deux cuisiniers, un boulanger, un maître de salle pour le service du réfectoire, un servant ou domestique pour le prieur ". Il n'y a plus d'abbé à Sturzelbronn depuis que l'abbé Colin de Contrisson a été rappelé par Dieu le 7 décembre 1789, à l'âge de soixante-sept ans. Restent à Sturzelbronn en 1789 :
Trois absents résidaient à ce moment à la Ferté :
Jean-Nicolas Guntz est enfermé à Maréville de 1775 à 1791. En peu de temps la vague révolutionnaire va tout balayer à Sturzelbronn : le 2 novembre 1789, les propriétés ecclésiastiques sont confisquées. Ces propriétés sont déclarées biens nationaux le 17 mars 1790. Le 17 mai 1790 a lieu la première visite des autorités municipales pour faire l'inventaire des biens du monastère. L'arrêté du département du 17 juin 1791 qui fixe le nombre de maisons religieuses conservées, ne mentionne pas celle de Sturzelbronn, malgré une démarche faite en sa faveur par le district de Bitche. Le département envoie les religieux de Sturzelbronn qui veulent conserver la vie commune à Justemont. Le prince de Hesse-Darmstadt, souverain du comté de Hanau, profite de l'occasion pour imiter le gouvernement révolutionnaire français et séquestre les biens de l'abbaye situés dans ses états. L'administration du district de Bitche estime en 1791 les revenus de ces biens à 20 000 livres par an.
Dès le 31 mars 1791, le district de Bitche procède progressivement à la liquidation de l'abbaye dont un premier inventaire est fait par la municipalité de Sturzelbronn le 17 mai 1790. Les effets mobiliers de l'abbaye sont mis aux enchères à Bitche entre le 10 avril 1792 et le 12 novembre 1792. On n'a pas voulu faire ces enchères au village même qui ne peut fournir ni attirer beaucoup d'amateurs. La ville de Bitche achète pour sept-cent-soixante-huit livres l'horloge de l'abbaye, qui a six pieds de long, quatre de large et trois de haut. Les orgues vont à Sarrelouis, la chaire à Roppeviller, un confessionnal à Breidenbach, une des grosses cloches à Haspelschiedt et l'autel baroque à Loutzviller. Les boiseries du chœur se trouvent encore aujourd'hui dans l'abbatiale de Neuwiller-lès-Saverne.
De son côté, la municipalité de Sturzelbronn, qui a appris l'arrêt de suppression, entame après la délibération du 4 septembre 1791 des démarches afin de se faire attribuer l'église de l'abbaye, car l'ancienne église paroissiale ne peut contenir que le quart des paroissiens. Elle demande aussi à conserver deux des cloches de l'abbaye, tant pour appeler aux offices les habitants très dispersés que pour les rassembler en cas d'incendie dans l'une des censes ou dans les bois, ainsi qu'en cas d'attaque des bohémiens, toujours en nombre dans les forêts. Le district décide le 12 novembre 1791 que la plus forte cloche suffit à ces louables intentions et le département ratifie la décision.
Le dernier religieux, le père Joseph-Wendelin Anthon, chargé de desservir la cure de l'abbaye depuis le mois de juillet 1790, a continué son service. N'ayant pas prêté le serment voulu par la constitution civile du clergé, il part clandestinement avant le 10 septembre 1792, en raison du décret du 24 août 1792, ordonnant aux prêtres réfractaires de quitter la France dans les quinze jours, sous peine de mort. Le 21 décembre 1793, l'administration décide de faire enlever de l'église de l'abbaye la grille en fer ainsi que les ferrures inutiles à la conservation des bâtiments. Antoine Heim, cabaretier à Sturzelbronn accepte de se charger du travail de démolition, afin qu'elles soient envoyées à Metz où elles serviront à la fabrication d'armes.
La vente des bâtiments de l'abbaye n'a lieu que plus tard. Tant que les troupes défendent les frontières, ils leur servent sans doute de casernement. Une première adjudication a lieu le 4 septembre 1796. Le couvent et l'église sont mis aux enchères le 13 juillet 1798 et adjugés par lots à des bourgeois de Metz et de Sarreguemines. Les nouveaux propriétaires se hâtent de tout démonter. Le couvent est sécularisé en 1799. L'église abbatiale, vendue comme bien national, est détruite en grande partie en 1807. De ce bâtiment à transept et chœur à chevet plat a subsisté, jusqu'en 1961, la façade nord du transept, intégrée dans une maison. Au rez-de-chaussée, un portail en plein cintre permettait l'accès à l'église.