L’abbaye de Tongerlo est une abbaye prémontrée sise à Tongerlo (commune de Westerlo) dans la province d'Anvers (Belgique). Fondée vers 1130 elle devint la plus importante abbaye prémontrée du duché de Brabant. Supprimée et vendue en 1776, elle reprit vie en 1837. Elle est toujours occupée par une communauté de chanoines prémontrés.
Vers 1130, Gislebert, seigneur de Casterlé, offre des terres pour une fondation à un nouvel ordre religieux de chanoines réguliers, récemment fondé par Norbert de Xanten. Le groupe fondateur vient de l’abbaye Saint-Michel d’Anvers, elle-même fondée à peine quelques années auparavant (1124). La fondation est mixte, c’est-à-dire qu’une abbaye parallèle de chanoinesses norbertines est fondée. Celle-ci disparaîtra au XIIIe siècle.
Une communauté de 54 chanoines prémontrés, parmi lesquels un large groupe de jeunes continue la tradition de service pastoral dans les paroisses des environs et d’hospitalité dans l’abbaye. L’Œuvre de l’Enfant Jésus y a son bureau et un atelier d’icônes y est actif.
L’abbaye se développe rapidement et jouit bientôt d’une excellente réputation aussi bien parmi les habitants de la région qui bénéficient des services pastoraux des prémontrés qu’auprès des autorités religieuses et civiles. Un grand nombre de paroisses des alentours sont confiées à l’abbaye. Elles sont 21 en 1263. Au plus for de son rayonnement, 42 paroisses seront desservies par des chanoines de Tongerlo, y vivant en petits groupes de deux ou trois. Des dons de terres augmentent le patrimoine de l’abbaye.
Les chanoines sont proches de leurs fidèles, restant à leur poste même durant les périodes de crise (épidémies, guerres). L’abbaye est par ailleurs très active dans l’assainissement des marais et tourbières de la partie septentrionale du Brabant (surtout à partir du XVe siècle). L’agriculture en est intensifiée, des terres sauvages sont défrichées et les conditions de vie du peuple s’améliorent.
Au XVe et XVIe siècles l’abbaye atteint un age d’or. Elle possède de vastes domaines dans tout le Brabant avec une centaine de fermes, moulins, bois et maisons de rapport. Elle joue également un grand rôle social et politique dans le duché de Brabant. Des centaines de nécessiteux sont secourus par l’abbaye où l’on distribue du pain trois fois par semaine. L’abbaye est particulièrement active durant les périodes de famine. Ses ressources permettent également la construction ou restauration d’églises dans les paroisses dépendantes. Hommes de sciences et artistes sont encouragés.
L’abbaye ouvre un collège norbertin auprès de l’université de Louvain en 1571 avec laquelle des liens ont créés ; d’éminents savants y sont formés. De nombreux professeurs de Louvain enseignent la théologie et l’écriture sainte à Tongerlo.
La réorganisation des structures ecclésiastiques dans les Pays-Bas espagnols (en 1559), et en particulier la création du diocèse de Bois-le-Duc, font du tort à l’abbaye. En en recevant l’administration elle en porte tout le poids financier. En 1590, Tongerlo ‘rachète’ son indépendance en perdant une grande partie de ses domaines du Brabant septentrional.
De plus la période est trouble. Les calvinistes sont très présents dans la région. En 1629 les chanoines doivent se réfugier à Malines.
En 1789 l’abbaye qui possédait déjà une riche bibliothèque sauve l’oeuvre des Bollandistes en rachetant leur livres, manuscrits et imprimerie, mis en vente après la suppression de la Compagnie de Jésus (1773) et confiscation de leurs biens. Le travail des bollandistes continue à l’abbaye de Tongerlo. Le 53e volume des Acta Sanctorum est publié à Tongerlo en 1794...
L'abbaye joue un rôle en vue lors de la révolution brabançonne de 1789 -1790. Elle soutient financièrement le mouvement révolutionnaire. Godfried Hermans, abbé de Tongerlo, y a même le statut d’aumônier en chef. La révolution échoue : les Autrichiens de retour à Bruxelles font payer cher à l’abbaye ce parti pris : des biens importants sont confisqués.
La fin de l’abbaye arrive de façon brutale le 6 décembre 1796. Les chanoines - ils sont encore 125 à Tongerlo - sont expulsés par l’autorité révolutionnaire. Les biens de l’abbaye sont confisqués : la riche bibliothèque, les trésors religieux et artistiques, sont vendus. Le domaine est démembré : église, bâtiments ferme sont vendus séparément. Certains, dont l’église, sont démolis.
Sous le régime hollandais, au début du XIXe siècle, des chanoines prémontrés parviennent à racheter certaines parties du domaine de Tongerlo. Une communauté se forme en 1837, après l’indépendance belge, mais elle doit s’installer au château de Bossenstein à Broechem.
Ce n’est qu’en 1840 que la communauté peut réintégrer Tongerlo. Ils sont 14 chanoines. Environ la moitié des bâtiments a pu être rachetée. Aussitôt une nouvelle église flanquée d’un cloître, est mise en chantier. C’est l’édifice néo-gothique que l’on voit aujourd’hui.
La renaissance est rapide et l’abbaye a une nouvelle vitalité, confirmée, sous l’abbatiat de Thomas-Louis Heylen, par un effort missionnaire sans précédent : un prieuré est fondé en 1889 à Manchester en Angleterre. Mais surtout, en 1896, l’abbaye prend en charge la mission d’Uele (aujourd’hui diocèse de Buta) au Congo belge. Soixante ans plus tard, 75 chanoines prémontrés y sont actifs.
En 1929, de Namur où il est devenu évêque, Mgr Heylen appelle ses anciens confrères de Tongerlo à venir prendre la succession des prémontrés français de Frigolet qui quittent l’abbaye de Leffe, près de Dinant, pour rentrer dans leur pays. Leffe reçoit une nouvelle vie. En 1949 une fondation est faite au Canada. Une autre, au Chili, en 1965.
Des travaux importants de restauration de l’église ont lieu de 1994 à 1999. Entièrement rénovée ses lignes néo-gothique sont agréablement mises en valeur.