Il est étonnant que vis-à-vis de ces difficultés, Bücker qui n’avait pas un carnet de commande bien rempli, réussit à mettre sur pied une nouvelle usine à Rangsdorf, l’emplacement du tout nouvel aérodrome de compétition Reichssportflughafen, d’y fabriquer ses deux modèles et même d’agrandir l'usine. Il profitait de commandes importantes émanant entre autres de Roumanie et de Hongrie ainsi que des Indes Néerlandaises et du Japon. La Suisse sélectionna en 1936 les deux modèles de Bücker après les avoir évalués face à des appareils concurrents, en acheta 6 exemplaires et acquit même les droits de fabrication sous licence. L’usine suisse de Dornier d’Altenrhein appelée Doflug, fabriqua 88 Bü 131 et 46 Bü 133 qui volèrent plus de trente ans avant d’être retirés du service
(quelques pilotes privés en font encore voler quelques uns).
Entretemps, la qualité de ces appareils était mondialement reconnue. Le Jungmeister était l'un des meilleurs avions de voltige au monde et remporta de nombreux prix. Aux mains de pilotes comme Liesel Bach ou Graf Hagenburg ils remportaient victoire sur victoire et la société de Rangsdorf devint de plus en plus célèbre.
Bücker était aussi en avance sur son temps dans un autre domaine. Il fut le premier qui donna la possibilité à des femmes de devenir pilotes professionnelles. C’est ainsi qu’il engagea à Johannisthal une femme de 24 ans Luise Hoffmann comme pilote d’essai, de convoyage et de démonstration ! Elle fut malheureusement victime d’un grave accident lors d’une présentation en vol qui l’avait menée en Grèce, en Turquie et en Bulgarie et mourut peu après le 27 novembre 1935. Deux autres femmes furent aussi embauchées après elle, Eva Schmidt et Beate Köstlin qui épousa son pilote instructeur et connut plus tard un immense succès commercial sous son nouveau nom de famille (Uhse). Elles remportèrent toutes deux de nombreuses victoires en compétition.
Des années plus tard, C. C. Bücker essaya à nouveau avec la société Josef Bitz de Augsbourg de relancer une petite série de ses appareils Bü 131 Jungmann et Bü 133 Jungmeister toujours très prisés chez les amateurs mais sans succès. Une société polonaise tenta également de fabriquer des Bü 131 dans des hangars abandonnés par les troupes soviétiques après leur départ mais se heurta à l’hostilité des riverains car le quartier était entre temps devenu très peuplé.
Une opportunité commerciale se dessina fin 1937/début 1938 pour Bücker lorsqu’il apparut que les appareils d’écolage ab initio, dont il existait que 4 types différents, devaient être remplacés. La documentation est cependant incomplète en ce qui concerne ce point. On n’a trouvé aucune trace d’un éventuel appel d’offres du T.A. concernant un type d’avion-école de type unique. Il est également surprenant que, contrairement aux usages, il n’ait pas été fait appel à trois sociétés différentes pour présenter des projets. En plus de Bücker, Klemm travaillait dans la même direction mais sans directives du T.A. On ne peut donc dire, d’où émane l’idée de placer le pilote instructeur et l’élève côte à côte tel que ce fut le cas pour la 1re fois sur le Bü 181. Si le RLM ou le centre d’essais en vol de Rechlin l’avait exigé, cela serait apparu dans un appel d’offres - manifestement inexistant. Il est donc possible et même très vraisemblable que cette idée comme beaucoup d’autres soit due à Anderson qui l'avait déjà réalisée sur le Bü 134. Une chose est claire en tous cas, le développement du Bü 181 ne s’est pas fait sur la base d’une commande du RLM mais sur fonds propres, comme tous les avions précédents de Bücker, sur décision du directeur de la société qui en supportait ainsi tout le risque commercial. C’est pourquoi le T.A. a apposé la mention Eigene Entwicklung (développement propre) dans le programme série « 0 » du n° 11 du 26 avril 1939 en regard du Bü 181. Cette mention n’aurait eu aucune raison d’être si le RLM avait émis une commande en conséquence. Bücker et Anderson tentèrent leur chance et remportèrent le marché. Une série de critiques émises par Ernst Udet, devenu entre temps Generalmajor (général de division) lors de son vol effectué le 3 mars 1939 sur l’appareil V-1 immatriculé D-EPDS furent rapidement réglées par l’application de modifications sur les appareils suivants. Ensuite, l’appareil passa avec succès les dures épreuves du programme d’essais en vol de Rechlin. En l'absence de concurrence, le T.A. dut prendre une décision et prendre le Bü 181 comme appareil de formation standard de la Luftwaffe. Fabriqué en grande série à l’aide de deux usines supplémentaires, il remplaça tous les avions-écoles précédents.
La capitulation de l’Allemagne nazie mit fin au succès de Bücker, succès qu’il avait remporté en dépit des oppositions venues de tous bords.
AUTRE DÉVELOPPEMENT DE BÜCKER pratiquement inconnu, un traineau propulsé par moteur à hélice adapté d’un système soviétique capturé sur le front de Est.