La Casa de Pilatos (Maison de Pilate en français) est un palais aristocratique situé dans le centre historique de la ville espagnole de Séville, en Andalousie. Bâtie essentiellement aux XVe et XVIe siècles, elle marie autour de plusieurs patios et jardins les styles mudéjar, gothique et renaissance. Son organisation spatiale, ses qualités architecturales et la richesse de sa décoration en font, avec l'Alcázar, le meilleur exemple de l'architecture civile andalouse de la fin du Moyen Âge et du début de la Renaissance. Certains voient dans la Casa de Pilatos le prototype même du palais sévillan. Le bâtiment fut classé Monument national en 1931.
Au début du XVIe siècle, Séville, idéalement située au fond de l'estuaire du Guadalquivir, connaît un développement spectaculaire. La découverte du Nouveau monde a ouvert à l'Espagne des perspectives d'expansion et d'enrichissement considérables. Les Rois catholiques désignent Séville comme port exclusif du commerce ultramarin dans la péninsule, et y installent dès 1503 la Casa de Contratación, organisme chargé de gérer les flux de marchandises échangées avec les colonies américaines. Dans ce contexte, la cité connaît un rayonnement important, et voit gonfler sa population. La noblesse et la bourgeoisie locales profitent pleinement de la vitalité de Séville.
Parmi l'aristocratie andalouse se distinguent les grands nobles détenteurs d'un office, consenti par la monarchie. Le titre d'Adelantado mayor d'Andalousie était donné par le roi à un noble, qui devenait alors le principal représentant de la couronne dans la région. L'Adelantado assumait au nom du roi les plus hautes fonctions exécutives et judiciaires sur le territoire relevant de sa juridiction. L'Adelantado mayor d'Andalousie exerçait ses attributions sur les deux tiers de l'Andalousie actuelle, seul le Royaume de Grenade lui échappant. À la fin du XVe siècle, cet office est détenu par don Pedro Enríquez. Celui-ci appartient à la prestigieuse maison nobiliaire des Enríquez, fondée au XIVe siècle par l'infant Fadrique de Castille, fils illégitime du roi Alphonse XI de Castille. Marié à Béatrice de Mendoza en 1457, il obtient par le biais du contrat de mariage le titre d'Adelantado, détenu jusqu'alors par son beau-père, décédé peu avant. Suite à la mort de sa première femme en 1469, il épouse en secondes noces la soeur de cette dernière, Catalina de Ribera, en 1474. Catalina descend d'une des grandes lignées aristocratiques de la Castille médiévale, fondée en Galice, établie en Andalousie depuis le XIVe siècle, et liée par le sang à la puissante famille des Mendoza, originaires d'Álava.
Ce couple riche et puissant s'établit sur une propriété de la famille de Catalina, à Séville. Le terrain est situé à l'intérieur de l'enceinte fortifiée, non loin de la Porte de Carmona, et dans le voisinage immédiat de l'église San Esteban. Les époux commencent à faire bâtir une demeure noble sur ce terrain, dont ils accroissent la surface par l'acquisition successive de parcelles environnantes, attestée par des documents datés de 1481, 1483, 1484, 1487 ou encore de 1490. La demeure initiale est conçue selon les canons de l'art mudéjar, et les travaux se poursuivent après le mort de Pedro Enríquez en 1492. Catalina de Ribera, devenue un des personnages les plus influents de la ville et très impliquée dans la gestion du patrimoine familial, fonde en 1500 une institution de charité, qui débouchera en 1546 sur la construction, par son fils Fadrique, d'un hospice, connu sous le nom d'Hospital de las Cinco Llagas. Catalina poursuit parallèlement l'édification du palais initié en compagnie de son défunt époux. Elle rachète de nouvelles parcelles en 1493, puis en 1501, afin d’accroître la superficie de la propriété, qui étend son emprise sur une partie non négligeable de la paroisse de San Esteban. À sa mort en 1505 s'achève la première phase de construction du palais, qui témoigne alors d'une forte empreinte gothico-mudéjare.
La deuxième phase de travaux, la plus déterminante dans la formation de la Casa de Pilatos (connue à l'époque sous le nom de Palacio de la collación de San Esteban) telle qu'elle peut être admirée aujourd'hui, a lieu avec don Fadrique Enríquez de Ribera. Ce dernier était le fils aîné issu du mariage d'Enrique Pérez et de Catalina de Ribera. Son demi-frère, Francisco Enríquez de Ribera (né de la première union de Pedro Enríquez avec Béatrice de Mendoza) étant mort sans héritier, Fadrique hérite en 1509 des titres (dont celui d'adelantado) et possessions de son père, avant d'être fait premier marquis de Tarifa par la reine Jeanne la Folle en 1514. Le nouveau titulaire des biens de la maison nobiliaire poursuit l'extension de la propriété sévillane, notamment par l'achat de nouvelles parcelles de terrain. Après un bref séjour en Terre Sainte entre 1518 et 1520, il entreprend une vaste modification et extension de la demeure. En 1533 sont menés à bien les premiers apports italianisants, témoignant d'une transition des styles gothique et mudéjar vers l'art de la Renaissance. À cette date sont installées la fontaine et les premières colonnes du patio, ainsi que le portail, selon une inscription figurant au-dessus de celui-ci. Quelques années plus tard, entre 1535 et 1539 sont placés les azulejos du patio, tandis que la décoration prend peu à peu sa forme. La physionomie générale du palais doit beaucoup à Fadrique Enríquez de Ribera, qui meurt sans héritier en 1539. S'ouvre à cette date une troisième grande période de transformations et d'aménagements de la demeure, sous la direction de Pedro Afán de Ribera, neveu de Fadrique, qui se consacre pour l'essentiel à la reprise du grand jardin et à la décoration du patio.
Depuis lors, le palais a subi diverses restaurations et réaménagements, lesquels n'ont toutefois pas altéré sa physionomie et son organisation générales. La Casa de Pilatos est, depuis plus de cinq siècles, demeurée dans les mains de la famille Enríquez-Ribera et ses descendants, de la maison d’Alcalá et de Medinaceli. Elle est aujourd'hui la propriété de Victoria Eugenia Fernández de Córdoba y Fernández de Henestrosa, XVIIIe duchesse de Medinaceli. Depuis 1980, la Fondation Casa Ducal Medinaceli se charge de la protection du patrimoine historico-culturel de l'ensemble palatin, classé Monument national en 1931.
Le voyage à Jérusalem de Fadrique Enríquez est à l’origine du nom actuel de la Casa de Pilatos, qui était à l’origine nommé Palacio de la collación de San Esteban. L'appellation du palais fait référence à Ponce Pilate, préfet romain de Judée. La légende populaire affirme que Fadrique aurait reproduit à Séville le palais de Pilate à Jérusalem. Une autre légende attribue ce nom au fait que la première station du Chemin de Croix, célébré à l'initiative de Fadrique, était placée à côté de la porte du palais de ce dernier. Le vía crucis de Séville partait alors des abords de la Casa de Pilatos, et s'achevait au lieu-dit La Cruz del campo, en suivant plus ou moins fidèlement le déroulement du Chemin de croix du Christ. La première étape du Chemin de croix étant la demeure de Pilate, où Jésus fut condamné, la population sévillane aurait baptisé le palais du nom du préfet romain.