La donation que fait le chevalier Florent François à son neveu, le lieutenant général Louis Marie duc du Châtelet Haraucourt, conduit à l’établissement d’un inventaire en janvier 1780.
Suivons le notaire à la rencontre des occupants.
Dans le pavillon du milieu (celui qui donne sur la rue) on trouve quatre couchettes garnies de leur literie ; là couche, probablement, une partie de la domesticité. Dans le grand bâtiment des communs, les deux écuries ont chacune une chambre pour les palefreniers. Difficile de bien localiser la chambre du jardinier. Peut-être est-elle dans la partie en équerre, au bout du bâtiment des communs ; celle du Père aumônier se trouve au-dessus. Toutes ces chambres sont équipées de literie et d’un mobilier sommaire ; il n’y a pas de cheminée.
Voici maintenant quelques chambres dans le château :
Devenu propriétaire du château érigé par son arrière grand père, Florent François l’a profondément remanié. En 1780, c’est une très belle résidence de style XVIIIe siècle. La visite trop sommaire de quelques pièces nous a mis en appétit. De l’aride énumération notariale essayons de faire ressortir un style, un mode de vie, une âme. Les communs sont bien séparés de ce dont le propriétaire s’enorgueillit : le château
Le château :
C’est un bâtiment rectangulaire à quatre niveaux, avec cour enveloppante et jardins à la française derrière. L’ensemble a une assise de deux hectares. Au fond du jardin, on accède à une terrasse par un escalier en fer à cheval. Un domaine arboré de quatre hectares suit la terrasse. Dans le jardin, allées de tilleuls, de charmilles, quartiers bordés de buis, mettent en valeur la fontaine au centre. En été, on dispose harmonieusement les caisses de grenadiers et de lauriers sorties de la serre. Combien de conduits de cheminées jaillissent du toit ? On ne sait pas, mais les inventaires font état d’au moins dix huit feux ! Les armoiries de la famille sont sculptées aux frontons.
Le premier niveau du bâtiment, (que l’on nomme souterrain) est réservé aux cuisines, caves et réserves ; le jour y pénètre par des larmiers barreaudés. Les deux étages au-dessus, servent au logement, aux réceptions, à la vie de tous les jours. Il y a plusieurs natures de sol : carrelages de pierre blanche, marquée aux angles par des carreaux de marbre noir, parquets de chêne losangés ou simples. Des boiseries sculptées habillent les murs des plus belles pièces. Toujours à l’intérieur, les linteaux des portes et fenêtres sont souvent surmontés d’un panneau sculpté ou d’une peinture : ce sont « les attiques », on en dénombre plus de 50 ! Les cheminées sont en belle pierre de taille avec souvent des plaques de marbre rouge, gris ou de différentes couleurs.
Le mobilier est moderne : commodes et encoignures à dessus en marbre, tables à « pied de biche », tables à jeu recouvertes de velours vert. Le plus pléthorique ce sont les sièges, divans fauteuils, chaises, tabourets. Tentures et rideaux sont à la mode. Ils sont très souvent en velours. Les teintes sont appareillées aux fauteuils et aux paravents. Des appliques dorées, (à une ou deux branches) portent les bougies. Dans les chambres ou cabinets de toilette on trouve couramment bougeoir, miroir, nécessaire de toilette (cuvette et cruche en faïence) pot de chambre ; parfois bidet en faïence ou chaise percée et aussi cafetière ou théière et sucrier. Dans le grand salon on remarque deux grands tableaux : l’un représente « Monseigneur et Madame le comte de Lomont » ; l’autre représente la « Dame » son épouse Marie Gabrielle Charlotte, ce sont les seuls tableaux représentant des personnages connus. Bien des années ce sont écoulées depuis que Florent François a établi sa résidence ici, puis s’y est installé au moment de sa retraite.
L’empreinte de sa carrière militaire y est encore très marquée : les cartes représentant les pays où il a eu a en découdre sont nombreuses. Elles suppléent à l’absence de tableaux : sabre de bataille, pistolets garnis d’argent, fusil, sont exposés dans la bibliothèque. Dans les resserres, deux cuirasses d’apparat et une foule de coffres ou de malles rappellent les expéditions passées où le vieux carrosse de campagne (maintenant remisé) le conduisait. Cependant le chevalier n’est pas qu’un homme d’épée, il aime se cultiver. On dénombre 900 volumes dans sa bibliothèque. Il se tient au courant des idées nouvelles. L’encyclopédie de Diderot en 21 volumes (une fortune à l’époque) est fortement mise en valeur. On la voit trôner dans le salon de réception entre deux beaux trumeaux de deux glaces chacun, encadrés et dorés. De quoi en choquer plus d’un !
Tout assoupi qu’il soit en 1780, le château n’est pas un monument que visiteraient les touristes, il vit encore. Les jardiniers travaillent toujours. Dans les greniers du château, bien à l’abri, on stocke avoine, orge, blé, farine. On y étend les grandes quantités de linge qu’imposent les lessives qui ne se font que deux ou trois fois l’an. Il en faut des perches pour tout étendre ! Dans les caves gisent les tonneaux : vin courant pour le personnel, vin choisi pour le seigneur, le tout provenant du pressoir banal situé de l’autre côté de la grande rue. Les bonnes bouteilles, achetées dans d’autres régions, ne manquent pas. Dans les communs on stocke le foin provenant du pré Chanel (entre Loisey et Culey) et dans la cour la masse de cent cordes de bois ne passe pas inaperçue.
À la cuisine, on trouve huit fusils pour les plaisirs de la chasse : trop âgé Florent François ne chasse plus dans les 55 hectares achetés dans la forêt de Sainte Geneviève. Mais on sait que son neveu, le duc, est un passionné de ce sport !
Outre la domesticité, qui donc réside encore au château, autour du chevalier âgé de 80 ans ?
On sait aussi que la jeunesse du village était autorisée à venir s’amuser dans la cour du château lors de grandes occasions, en 1780, pouvait-elle encore le faire ?
Les échos sur la vie au château sont extrêmement rares.