En cette fin du XVIIIe siècle, le duc du Châtelet a acquis une stature nationale. Sa vie et son œuvre sont résumés dans l’annexe jointe.
Après le décès de son oncle, vint-il encore au château de Loisey ? La seule trace d’activité, ici proprement dit, se limite à l’établissement d’un atelier de concassage de minerai de fer en 1788 sur le ruisseau de Sainte Geneviève, au bas du village de Culey. Il est d’ailleurs fort possible que, participant à son financement, il n’ait pas eu à se déplacer. Il avait, dans la région, en France, ensuite à l’assemblée Nationale à Paris d’autres chats à fouetter. Et la Révolution se met en branle.
En février 1793, le duc du Châtelet, introuvable à Paris, est inscrit sur la liste des émigrés ; en conséquence ses biens sont saisis.
Et la Révolution gronde maintenant à Loisey. Sur instruction venant du district de Bar, les citoyens du village se dénoncent entre eux pour incivisme ou aristocratie. Le 29 juin 1793, sur 750 habitants, 76 (37 hommes, 39 femmes) sont accusés. On les enferme dans un pavillon du château. Pérard en est encore le gardien. Le lendemain, un tribunal populaire composé de 15 hommes de Loisey et deux de Bar, reprend le procès. Six hommes et une femme seront emprisonnés à Bar ; deux hommes et onze femmes resteront incarcérés au château jusqu’au 7 juillet. Ils en sortiront à l’heure des vêpres et les frais d’incarcération seront à leur charge. Les autres détenus sont libérés.
Le 28 juillet 1793, une commission d’experts fait la reconnaissance des biens appartenant aux du Châtelet à Loisey et à Culey.
À Culey, elle signale que le moulin est en état de subsister. Elle cite ensuite la propriété de Loisey en écrivant « maison ci-devant château » elle relève les détails en suivant sa déambulation, sans plan d’ensemble, ce qui nous déconcerte et empêche une vue cohérente. La commission attache beaucoup d’importance aux vices relevés et les relie aussitôt à une possibilité de réemploi des bâtiments.
Les terres des jardins et potagers ne sont pas expertisées. On ne sait pas si elles sont encore cultivées. Par contre, ce qui les enclôt : murs, palissades, treillages est noté comme étant en très mauvais état, non entretenu.
L’escalier en fer à cheval menant à la terrasse, le mur autour du bassin (au milieu du potager) est en ruine, de même que le bâtiment des commodités.
Dans le grand bâtiment des communs (dont le petit côté donne sur la rue principale), croisées, volets, sont en très mauvais état, les planchers sont pourris. Les gros murs du pourtour sont en assez bon état malgré certains manques de crépi ; charpente et couverture de ce bâtiment sont en assez bon état. Le mur de clôture de la cour donnant sur la rue et allant des communs jusqu’au bâtiment vis-à-vis l’église est en assez bon état malgré quelques dégradations. La grande et la petite porte d’entrée, prenant sur la rue sont vieilles. Le petit pavillon mansardé (entre les deux portes) et celui vis-à-vis de l’église (mansardé lui aussi) sont mal entretenus. Il présentent cependant un assez bon état général.
Le grand corps de logis (le château proprement dit) est généralement en bon état malgré quelques dégradations dues à la vétusté. C’est le cas des persiennes du premier étage, tant du côté cour que du côté jardin. Charpente et couverture d’ardoises peuvent subsister. Il n’y a pas de réparation urgente à faire. On décèle des dégradations causées par l’enlèvement des meubles. On signale aussi des attiques manquants (une dizaine), ainsi que des pans de tapisserie ôtés.
La commission ne lève pas de plan. Ce même état des lieux est établi pour quatre monastères et neuf châteaux implantés dans le district de Bar. On présume qu’ils pourraient convenir pour « de grands établissements ».
Il n’y a pas de suite positive donnée pour le château de Loisey. Le château de Loisey sera donc vendu. On va d’abord le défigurer. Début décembre 1793, deux ouvriers sont employés à l’arrachement des fers du château (grilles des balcons ou perrons, barreaux des fenêtres). Cela représente 25 journées de travail et cinq transports de ferraille jusqu’à Bar sur Ornin pour un poids total de 12 538 livres, environ six tonnes. On y ajoute les deux cloches descendues du vieux clocher.
On n’a pas pesé l’amertume des habitants.
Retrouvé dans la région d’Amiens, le duc du Châtelet est ramené à Paris où il est guillotiné le 13 décembre 1793. Et, quoi qu’on en pense, les nouvelles se propagent rapidement. Le 25 décembre (12 jours plus tard) Jean Pérard, le gardien de château, après démarches administratives, obtient ceci : la rente de 500 livres (que lui avait fait Florent François du Châtelet à son décès en 1783) et que lui servait le duc, lui sera dorénavant payée par la Trésorerie Nationale !
Le 13 février 1794 sur les façades du château et à l’intérieur, on détruit (à la masse et au burin) les armoiries de la Maison du Châtelet. On précise « elles comportent des fleurs de lys ». De la même façon on détruit « le cordon d’alentour du temple de la raison » (l’église) et on démolit aussi les armoiries dans les chapelles et autres endroits « du temple ». On peut en déduire que les pierres tombales des Florent Claude et Florent François ont été profanées en même temps. Les « du Châtelet » sont morts, on s’acharne aussi sur leur mémoire.
Reste le château, on l’a défiguré, il faut s’en débarrasser !
Le château (et ses dépendances) est partagé en quatre lots qui font l’objet d’un affichage en vue de leur vente. Aux premières enchères on ne trouve pas de preneur. Une seconde vente (dite « aux feux ») a lieu le 9 janvier 1795 (20 Nivôse an III).
Pour soumettre, il fallait au préalable, déposer une caution se montant à 1/10 de l’estimation. Le paiement s’échelonne ainsi :
On observe que l’ensemble a été vendu pour une somme dépassant de six fois la mise à prix. Le partage par lots excluait de fait la réutilisation de la propriété en l’état.
Le 16 juillet 1795 (six mois après la vente) la Convention prescrit à Paris de surseoir à la vente des biens appartenant au citoyen Châtelet, car son émigration (avant son exécution) n’est pas avérée. Le district de Bar a reçu l’arrêté de la Convention et la vente était déjà conclue. pouvait-on en annuler les effets, mais surtout le voulait-on ? Le château est détruit pierre par pierre, ne subsistent que le long bâtiment des communs et peut-être le pavillon vis-à-vis l’église.
Sous l’Empire, les héritiers font des démarches pour obtenir restitution de certains biens qui étaient propres au duc. Leurs démarches sont vaines sauf pour le parc du château, qui suit la terrasse. Il contient 11 arpents soit 3 ha 82. Il est acquis ensuite (le 28 juin 1809) par Messieurs de Longeville, Varin et Gaillet, ces trois notables (deux anciens et un nouveau) avaient joué dans des équipes opposées pendant la Révolution.