Du généreux rassemblement de pécheresses choisissant librement le chemin de la rédemption, on évolua insidieusement vers un établissement plus classique où l'on enfermait sur ordre du roi, des juges, ou simplement à la demande de leur famille, toute femme ou fille soupçonnée d'inconduite ; l’exemple le plus célèbre est celui de la courtisane Ninon de Lenclos, emprisonnée aux Madelonnettes en 1657 à la demande de la reine-mère. Selon Tallemant des Réaux, elle n'y resta guère longtemps tant fut forte la pression de ses galants qui s'attroupèrent autour du couvent pour réclamer sa libération. Nombre d'entre elles étaient issues de familles aisées qui payaient d'ailleurs une forte pension.
Il fallut donc muscler l'encadrement, qui fut confié successivement :
On compte alors 165 pensionnaires, organisées en 3 catégories :
Elles étaient réparties dans trois bâtiments distincts.
Suite au décret de l'Assemblée Nationale du 13 février 1790 abolissant les ordres religieux, un dernier inventaire des biens et des revenus fut effectué le 17 mars de la même année. Les religieuses ne furent que très progressivement dispersées puisqu'une supérieure et une économe furent encore nommées le 21 mars 1791.
Peu à peu vidées de ses prisonniers après les événements de Thermidor, les Madelonnettes rouvrirent comme prison pour femmes en 1795 (en tant qu'annexe de la prison Saint Lazare) jusqu'en avril 1831. Pour illustrer le nombre et la diversité des causes de détention, voici deux états des lieux
soit un total de 589, de 13 à 60 ans dont une majorité entre 20 et 30 ans.
Pour ne pas gâcher une telle force de travail, on créa alors des ateliers ;
219 d'entre elles furent affectées aux travaux du linge, des cardes ou de la gomme, tandis que 86 restaient inoccupées, 86 à l'infirmerie des syphilitiques, 54 à celle des fiévreuses et 11 à celle des galeuses.
De telles conditions de détentions en menèrent plus d'une au suicide, comme l'illustre une gravure d'un ouvrage de médecine consacré à cette matière.
Les bâtiments furent à nouveau vidés de leurs prisonnières à la suite de la révolution de 1830, et transformés en prison pour enfants du 8 août 1831 jusqu'au 11 septembre 1836, à l'ouverture de la prison spécialisée de la Petite Roquette (on comptait 300 enfants détenus en 1833).
Temporairement succursale de La Force, la prison devint à partir du 1er janvier 1838 une maison d'arrêt (c'est-à-dire lieu de détention provisoire) pour adultes et enfants, répartis à partir de 1842 en 8 catégories, selon leur âge et la gravité de leurs crimes. Les bâtiments furent aménagés pour isoler les groupes les uns des autres. La tradition des ateliers se perpétua (tailleurs, chaussonniers, cordonniers, serruriers, ébénistes, semeleurs et... fabrication de baleines pour corsets). Autre tradition, la croissance de la population carcérale fut vertigineuse : de 240 en 1842 à 442 en 1845.