L'Hôtel-Dieu de Caen est un établissement hospitalier fondé au XIe ou XIIe siècle à Caen. Au XIXe siècle, il est transféré dans l'ancienne abbaye aux Dames et le premier Hôtel-Dieu, situé rue Saint-Jean, est alors détruit. Un nouvel établissement, l'actuel hôpital Clemenceau, a été construit au début du XXe siècle pour remplacer l'ancien Hôtel-Dieu.
Le portail de l'ancien Hôtel-Dieu, sauvé de la démolition pour être remonté sur une façade du musée des antiquaires (ancien collège du Mont), fait l'objet d'une inscription au titre des monuments historiques depuis le 13 juin 1927.
On ne sait pas exactement quand l'Hotel-Dieu a été fondé. Il est possible qu'un premier établissement ait été ouvert par Guillaume le Conquérant ; selon Pierre-Daniel Huet, celui-ci se trouvait dans Bourg-le-Roi, au pied du château de Caen. Mais aucun élément ne confirme cette hypothèse, la première mention à l'Hôtel-Dieu remontant à 1160. Henri II d'Angleterre semble donc être le véritable fondateur de l'Hôtel-Dieu de Caen, à l'époque où il établit également une grande léproserie à l'extérieur de la cité pour isoler les malades contagieux ; à moins qu'il n'ait fait que déplacer l'établissement créé par son ancêtre au sud de l'Île Saint-Jean au débouché du pont de Vaucelles. L'abbé de Saint-Étienne de Caen et l'abbesse de la Trinité de Caen, ainsi que le chanoine titulaire de la prébende de Saint-Jean de Caen, se disputent pour savoir de qui dépend l'Hôtel-Dieu. Avec l'accord d'Henri II, évêque de Bayeux entre 1165 et 1205, l'archevêque de Rouen règle le conflit à l'avantage de l'abbé et de l'abbesse. Selon la cartulaire de l'Hôtel-Dieu, datée de 1188, l'hôpital était placé sous leur protection puisqu'ils étaient les patrons de la paroisse de Vaucelles sur laquelle était bâti l'Hôtel-Dieu. Au début du XIIIe siècle également, l'Hôtel-Dieu passe un accord avec le chanoine de Saint-Jean : ce dernier acquiert un morceau de terre situé en face l'Hôtel-Dieu afin de pallier l'insuffisance du cimetière de la paroisse ; en contrepartie, l'Hôtel-Dieu obtient le droit de sépulture et de faire construire une chapelle dédiée à saint Antoine dans ce cimetière partagé.
Selon Arcisse de Caumont, la grande salle de l'Hôtel-Dieu aurait été construite, comme l'Hôpital Saint-Jean d'Angers et l'Hôtel-Dieu du Mans, sous le règne d'Henri II (1154-1189) ou juste après sa mort. Ce bâtiment était donc sûrement le premier grand édifice civil de style gothique à Caen. Il était long de 210 mètres et large de 31. Les deux murs pignons étaient surmontées de gables. La façade la plus intéressante donnait sur la rue Saint-Jean, principale artère de la ville. Au niveau inférieur, les portes en arc brisé étaient surmontées de zigzags et le niveau intermédiaire était orné d'une série d'arcades aveugles en lancette comme on peut en trouver dans la salle des Chevaliers de l'abbaye du Mont-Saint-Michel. Son décor gothique d'origine fut altéré par des modifications survenues probablement au XVe ‑ XVIe siècles ; des petits édifices accolés au mur masquèrent une partie de la façade, des contreforts furent rajoutés, des arcades aveugles furent ouvertes et des fenêtres furent percées au niveau supérieur. La façade sur les jardins, restée dans son état d'origine, était plus simple ; elle était seulement agrémentée d'une grande porte rehaussée de zigzags.
L'Hôtel-Dieu était un prieuré conventuel hospitalier géré par cinq chanoines réguliers de l'ordre de Saint-Augustin sous la responsabilité d'un prieur. Ce dernier était élu lors d'une assemblée de ville se tenant au prétoire du bailliage en présence du bailli, de son lieutenant et des échevins. L'évêque de Bayeux lui donnait la collation. Prélat du second ordre, il était nommé « Prieur par la grâce de Dieu » ou « Grand maître de l'Hôtel-Dieu de Caen ». Les fonds de l'établissement étaient conservés dans un coffre à deux serrures ; l'une des clés était détenu par le prieur, l'autre par le plus ancien des jurés. Mais aux XVIe ‑ XVIIe siècles, un conflit éclate entre les prieurs et la ville. En 1561, un édit de Charles X confie la gestion des revenus de l'hôpital à un administrateur nommé pour trois ans par les bourgeois de la ville. Huit ans plus tard, le prieur est rétabli dans ses droits. Mais son successeur, fatigué par l'âge, confie à nouveau l'administration aux échevins. Ses successeurs tentent en vain de récupérer leurs prérogatives. En 1636, un arrangement, confirmé par un arrêt du parlement de Normandie du 15 avril 1638, est trouvé : l'édit de Charles IX est confirmé, mais l'administrateur nommé par les échevins doit rendre des comptes écrits en arrêt des Grands Jours en la présence du prieur.
Les soins étaient tout d'abord assurés par dix religieux. Ils sont remplacés par des religieuses à partir de 1323. En 1629, une prieure et deux religieuses sont envoyés par la Madeleine de Rouen pour s'occuper des malades. Un profond désaccord se déclare alors au sein de l'Hôtel-Dieu. Les religieuses prétendent reconnaître uniquement l'autorité spirituelle de l'évêque de Bayeux et d'un point de vue temporel des échevins de Caen, alors que le prieur considère qu'elles sont sous son pouvoir. Un procès est mené à l'officialité de Bayeux, puis celle de Rouen. Le prieur obtient gain de cause, mais les religieuses font appel à Rome. Une bulle du 27 juillet 1637, approuvée par des lettres patentes en 1638, place les religieuses sous l'autorité directe de l'évêque. Le prieur s'oppose encore à cette décision, mais l'officialité de Bayeux rejette sa demande et un accord est scellé en 1640. À la Révolution française, les religieuses, les chanoines et le prieur sont chassés de l'Hôtel-Dieu. Les sœurs sont rappelées dès le début du Consulat, mais les chanoines et le prieur sont définitivement supprimés. Les religieuses vont assurer les soins jusqu'au XXe siècle.
Plusieurs établissements furent créés ou annexés à l'Hôtel-Dieu.
Dans la deuxième partie du XVIe siècle, plusieurs projets sont élaborés en vue de transférer les pestiférés à la Grande Maladrerie de Beaulieu. En 1593, les commissaires ordonnés par le roi et le parlement de Normandie rendent une ordonnance prescrivant que les malades contagieux soient transférés à Beaulieu. Mais les échevins refusent de suivre cet ordre. L'année suivant, puis en 1599, on envisage de construire une maison de santé sur un terrain appartenant à l'Hôtel-Dieu, le jardin de la Fontaine-du-Fourneau. Ce projet n'aboutit pas plus que les autres. On songe ensuite en 1606 d'ouvrir un nouvel établissement à Clopée, mais c'est finalement à Sainte-Paix au lieu-dit la Gobelinière qu'est ouvert la nouvelle maison de santé destinée aux pestiférés.
Le prêtre Garnier crée en 1630 la maison des Petits Renfermés afin de lutter contre la mendicité et de redresser les indigents par le travail. Les statuts en sont approuvés par lettres-patentes du 24 février 1640. L'établissement est rapidement affecté aux enfants pauvres, orphelins ou abandonnés. Annexe de l'Hôtel-Dieu, la maison des Petits-Renfermés est construite dans les jardins du prieur.