Jean-Claude Barbarant (1940-2010), professeur de collège, est le dernier secrétaire général du Syndicat national des instituteurs (SNI-PEGC/FEN de 1983 à 1992 et le premier secrétaire général, dans sa configuration étendue à tous les enseignants de l'école maternelle au lycée, du Syndicat des Enseignants (alors SE-FEN, puis SE-UNSA), de 1992 à 1994. Secrétaire national de la Fédération de l'éducation nationale (FEN, aujourd'hui UNSA éducation) jusqu'à sa retraite en 2000, il a également été membre du Conseil économique et social de 1994 à 2004 (président du groupe de l'UNSA de 1999 à 2004). Il est décédé le 14 février 2010.
Né le 15 septembre 1940 à Ramerupt (Aube), Jean-Claude Barbarant a été reçu au concours d'entrée (alors en fin de classe de troisième) de l'école normale d'instituteurs de Troyes (Aube où il est élève-maître de 1957 à 1959. Celle-ci ne préparant alors qu'au baccalauréat « sciences expérimentales », il poursuit sa scolarité à l'école normale de Dijon, obtenant un baccalauréat en philosophie, suivi d'une année en propédeutique et d'une année de formation professionnelle à l'issue de laquelle il devient directement maître de Collège d'enseignement général. C'est à Dijon qu'il fait la rencontre de Josette L'Hémann, également normalienne, qu'il épousera et dont il aura deux enfants, Bruno et Olivier.
Jean-Claude Barbarant commence alors à enseigner au lycée de Bar-sur-Aube en tant que maître de CEG de 1962 à 1967, puis au collège Jean Jaurès de Nogent-sur-Seine jusqu'en 1971. En 1969, il devient professeur d'enseignement général de collège (PEGC) dès la constitution du nouveau corps. Seule interruption : le service militaire effectué en 1967-1968 à Mailly-le-Camp.
Jean-Claude Barbarant est adhérent du SNI depuis 1960. Dans cette première période, Jean-Claude Barbarant a été adhérent plus que militant, avec une sensibilité plus proche de la tendance « École émancipée ».
En 1976, Jean-Claude Barbarant est élu membre suppléant de la commission administrative nationale de la FEN qui vient de passer de 57 à 80 membres (décision du congrès de Grenoble de la FEN). Jean-Claude Barbarant y entre sur le contingent des représentants désignés par son syndicat qui, la même année, a changé l'appellation SNI en SNI-PEGC : Syndicat national des instituteurs et professeurs d'enseignement général de collège.
Il figure également sur la liste de candidats au Bureau national du SNI-PEGC que conduit André Ouliac, mais il est le premier non élu de la liste majoritaire UID.
En février 1978, Jean-Claude Barbarant devient membre du bureau national du Syndicat par suite du départ d'Élie Jouen vers le secteur international de la FEN. Il assure la responsabilité du supplément mensuel « Jeunes du SNI-PEGC ». En septembre 1978, il rejoint le secrétariat national du Syndicat où il prend la responsabilité du secteur « Jeunes ». En mars 1979, lors des élections pour le renouvellement du bureau national et des conseils syndicaux départementaux, il est réélu au Bureau national et au secrétariat où il occupe le même secteur. Il est alors assisté par Jeanne Finet, secrétaire de la commission nationale des jeunes et nouvelle membre du Bureau national. En 1980, Jean-Claude Barbarant prend la responsabilité du secteur « collèges ». Il l'exercera jusqu'en 1983.
Le 16 septembre 1983, Jean-Claude Barbarant devient secrétaire général à la suite de Guy Georges dans un contexte de crispations internes à l'équipe nationale. Il exerce ce mandat jusqu'en 1992 dans le cadre du SNI-PEGC dans sa configuration traditionnelle (instituteurs et professeurs d'enseignement général de collège), puis jusqu'en 1994 dans le cadre élargi du Syndicat des enseignants (de la maternelle à la fin du lycée). Comme secrétaire général du SNI-PEGC puis du SE, Jean-Claude Barbarant a appuyé, depuis 1993, le développement de la jeune UNSA.
Secrétaire général du Syndicat, Jean-Claude Barbarant siège également, désormais, au Bureau fédéral national et à l'Exécutif fédéral national (exécutif homogène).
Durant son mandat, Jean-Claude Barbarant est confronté à deux dossiers majeurs :
Il faut mentionner également son engagement dans la campagne demandant une rectification de l'orthographe, puis son soutien aux rectifications orthographiques préconisées par le Conseil supérieur de la langue française en 1990. Durant son mandat, l'académicien français Michel Serres reprit à sa manière la tradition du philosophe Alain, qui avait publié régulièrement ses propos dans l' École libératrice d'avant-guerre, en rédigeant régulièrement des chroniques pour la presse syndicale.
Jean-Claude Barbarant a connu les désillusions du camp laïque en 1984 (abandon du projet Savary de grand service public unifié et laïque) ainsi que le renoncement ultérieur marqué par l'accord Lang-Cloupet de 1992, institutionnalisant le secrétariat général à l'enseignement catholique alors que la loi Debré ne reconnaît que des établissements passant individuellement contrat avec l'État. Il n'hésite pas, devant Jack Lang lui-même, à rappeler cette condamnation le 13 janvier 1993 à l'occasion du lancement de la campagne annuelle du timbre de la JPA dans l'intervention qu'il effectue officiellement comme vice-président de ce mouvement associatif. Il déclare notamment :
« Au chapitre des griefs, alors qu'on sait qu'un budget a toujours des limites d'autant plus serrées en période de faible croissance, nous n'acceptons pas le gaspillage que constitue le financement par la puissance publique d'un réseau scolaire privé qui ne concours pas au service public d'éducation, mais le concurrence, s'installant où il veut, accueillant qui il veut, développant ses propres finalités, fonctionnant sans contrôle réel, échappant aux obligations du service public.
« Nous sommes opposés, vous le savez, monsieur le Ministre, à l'accord que vous avez signé, dès votre arrivée au gouvernement, avec le secrétaire général à l'enseignement catholique. Les conventions que vous venez de signer, avant-hier, avec l'organisme de formation du privé en application de cet accord de juin, renforcent notre opposition. Cet accord n'est pas, comme vous l'affirmez, un traité de paix, loin s'en faut. Il contrevient à la loi républicaine de séparation des églises et de l'État, loi qui a apporté la liberté aux diverses religions pratiquées en France et pacifié les relations entre communautés. Ce récent accord passé par l'État avec une communauté religieuse spécifique, au contraire, ouvre la voie à un communautarisme lourd de dislocations à venir du tissu national, comme on le voit aux U.S.A. ou en Grande-Bretagne.
« Pour vivre ensemble, et non pas seulement côte à côte, il ne faut pas s'enfermer dans sa différence, mais chercher, derrière l'étranger, son semblable. Ni religion, ni ethnie, ni culture ne justifient la ségrégation. La ségrégation se nourrit certes de l'inégalité, mais elle l'entretient et conduit le plus souvent au conflit. L'actualité fourmille d'exemples. [...] Il n'est d'éducation qu'émancipatrice. Tout le reste est dressage. L'éducation porte en elle la liberté et la fraternité. Elle est la mission première de la République. Elle engage tous les citoyens. »
Il aura cependant connu également la réussite éclatante de la manifestation nationale laïque du 16 janvier 1994 protestant contre la loi Bourg-Broc (soutenu par le ministre de l'Éducation nationale de l'époque, François Bayrou) visant à lever les obstacles au financement des établissements privés par les collectivités territoriales. Sa disposition essentielle est annulée le 13 janvier 1994 par le Conseil constitutionnel avec des attendus sévères, mais la manifestation laïque est maintenue. Elle a pour les laïques un accent de revanche sur la défaite de 1984.
Arrivé en 1988 au ministère de l'Éducation nationale, Lionel Jospin se refuse à prendre en compte les discussions qui avaient eu lieu entre les dirigeants de la FEN et Laurent Fabius, secrétaire national à l'éducation du parti socialiste avant l'élection présidentielle de 1988 et qui visaient à faire avancer parallèlement transformation de l'École et revalorisation. Lionel Jospin préfère engager des négociations sur la seule question de la revalorisation de la fonction enseignante. Pour le SNI-PEGC, qui revendique depuis 1985 l'égale dignité des enseignants de la maternelle au lycée, le combat est extrêmement rude, à la fois contre le gouvernement, mais aussi contre le SNES qui se refuse à accepter le principe d'une remise en cause des écarts hiérarchiques. Il faut une grève et une manifestation nationale pour faire plier le gouvernement qui accepte un cadre indiciaire unique pour l'ensemble des enseignants, avec des mesures spécifiques concernant les PEGC et les chargés d'enseignement d'EPS. Le projet de réforme prévoyait la création d'un corps de professeurs de collèges, mais Lionel Jospin cède à la pression du SNES et y renonce : il faut dès lors conduire une négociation spécifique pour les PEGC.
Le corps des professeurs des écoles est donc créé, avec le même niveau de recrutement (licence), la même durée et le même lieu de formation (IUFM et la même carrière Le SNI-PEGC s'était appuyé sur une équipe de négociateurs animée par Jean-Claude Barbarant et comprenant notamment Martine Le Gal (secrétaire nationale du secteur revendicatif), Jeanne Finet (secrétaire nationale du secteur éducation), Christiane Martel (secrétaire générale adjointe chargée des écoles) et Hervé Baro (secrétaire général adjoint chargé des collèges). Ces négociations ont connu un prolongement avec l'accord Durafour de 1990 (gouvernement de Michel Rocard) sur la rénovation de la grille de la fonction publique.
Jean-Claude Barbarant, secrétaire général du principal syndicat de la FEN joue un rôle certain, mais non exclusif, dans la scission de la FEN de 1992 et, préalablement, la démission forcée de Yannick Simbron du secrétariat général de la FEN le 10 juin 1991 qui, à la rupture de l'unité, aurait voulu substituer un système de cogestion de la fédération/ Barbarant considère que le divorce est accompli et qu'il convient d'en dresser le constat, comme en témoigne ce propos dans une interview qu'il accorde au quotidien Le Monde entre le prononcé de l'exclusion du SNES et du SNEP par le conseil national de la FEN et le congrès d'Orléans du SNI-PEGC :
« Deux conceptions irréductibles de la FEN s'opposent : d'un côté la majorité, attachée à la notion de fédération et reconnaissant à la FEN une légitimité globale à se prononcer sur les grandes questions d'éducation, de fonction publique, de droits de l'homme, etc. Et, de l'autre côté, les minoritaires, emmenés par la tendance Unité et Action et le SNES, qui veulent réduire la FEN à un cartel ayant pour seule légitimité les légitimités contradictoires de ses syndicats. [...] Tant qu'il était possible de régler ses propres problèmes chacun chez soi — les instituteurs au SNI, les professeurs au SNES ou les enseignants du technique au SNETAA — le cartel était viable. La prolongation de la scolarité, l'enseignement de masse, l'imbrication de tous les problèmes d'éducation font que ce n'est plus possible aujourd'hui. Sauf à dénier à la FEN toute légitimité. Bref, la clarification est devenue inévitable. Ça ne pouvait que casser. [...] Au fil des années, l'unité était devenue une façade, un mensonge même. Que ce soit sur le fonctionnement de la FEN ou sur la conception de l'école, la divergence était devenue totale. Plutôt que de maintenir coûte que coûte la fiction unitaire de la FEN, il vaut mieux repartir sur des bases claires. Au début, ce sera rude et cela se traduira par un affaiblissement de tout le monde. C'est le prix à payer pour refonder une unité réelle autour d'une conception partagée des rapports de l'école à la société.
Dans le même entretien, Jean-Claude Barbarant remet en cause la vieille grille de lecture opposant le courant majoritaire de la FEN (UID) réputé socialisant à un courant Unité et Action réputé dominé par les communistes :
À la question Le vieux clivage politique entre socialistes et communistes a-t-il été déterminant dans la rupture actuelle ?, il répond sans ambage : Absolument pas. Nous sommes complètement indépendants du PS. Il y a d'ailleurs beaucoup de socialistes chez les minoritaires de la FEN. Quant au Parti communiste, il n'a plus les moyens de peser sur le SNES. Il n'y a pas eu d'interférence. Et il précise même ensuite : Je ne vois pas émerger la perspective d'une social-démocratie avec des liens plus ou moins institutionnels entre un parti et un syndicat dominants. Ça ne me paraît pas correspondre à l'histoire de la France et encore moins à sa réalité actuelle.
Après la désaffiliation par la FEN du SNES et du SNEP pour manquements répétés au pacte fédéral (Conseil fédéral national de la FEN du 6 mai 1992), les adhérents du SNI-PEGC sont invités à se prononcer sur l'élargissement du champ professionnel du syndicat qu'entérine le congrès extraordinaire d'Orléans le 24 juin 1992 à une majorité de 56,7%.
Les élections professionnelles de décembre 1993 dans l'enseignement (dont les résultats sont connus en janvier 1994) sont une déception pour le SE et la FEN : le SNES et le SNEP restent majoritaires dans leur secteur (enseignants du second degré long), tandis que le SNUIPP-FSU réussit sa percée en maintenant globalement les positions qui étaient celles des militants minoritaires du SNI-PEGC. Dans le second degré, le SE n'obtient que 4% des voix. Le pari politique a été perdu : la libération de la parole n'a pas été l'occasion d'une recomposition électorale alors que la mise hors la FEN du SNES et du SNEP s'est plutôt traduite par une réaction légitimiste favorable aux syndicats professionnels qui, désormais, vont construire une autre fédération : la FSU, à laquelle la mobilisation de novembre-décembre 1995 contre le Plan Juppé va très bientôt permettre d'asseoir sa légitimité syndicale malgré ses tiraillements internes réels, mais peu perceptibles de l'extérieur.
Jean-Claude Barbarant estime nécessaire un changement de tête au Syndicat des enseignants. Il a conscience, bien qu'il soit lui-même enseignant de collège, d'incarner « le vieux SNI » après dix ans de mandat, alors que le SE-FEN (SE-UNSA aujourd'hui) se fixe comme ambition d'être une force de renouveau éducatif assumant un syndicalisme à la fois réformiste et combatif. Il propose donc au secrétariat national son remplacement, les successions à ce niveau nécessitant d'être préparées. Hervé Baro, qui a pris la responsabilité du stratégique secteur revendicatif après le départ de Martine Le Gal pour la FEN et l'UNSA, fait consensus dans l'équipe nationale et la transition interviendra très sereinement au Bureau national de juin 1994.