“Entre deux interviews de M. Mottez, directeur de l’Atelier d’urbanisme de l’Établissement public de l’aménagement d’Évry, est posé le problème de la ségrégation sociale à Grigny, non seulement entre la Grande Borne et Grigny II, mais encore dans les H.L.M elles-mêmes. Son interrogation est celle de tous ceux qui aiment la Grande Borne et veulent assurer son devenir : "Faudra-t-il un jour la dynamiter parce qu’elle sera restée un gros quartier sans ville ?".”
La remarque précédente était prémonitoire. En effet, la paupérisation de la population de la Grande Borne, la vétusté du bâti, l’inadaptation de la conception d’ensemble du quartier aux modes de vie actuels et le sous-équipement chronique du quartier en services collectifs ont conduit à une dégradation des conditions de vie, tandis que la délinquance endémique qui sévit sur certains secteurs a eu tôt fait de ternir l’image de la cité tout entière. La Grande Borne a ainsi été classée "îlot sensible régional" dès 1982, a ensuite été l’un des seize quartiers à bénéficier de la politique de "développement social des quartiers" dans les années 1980 et a finalement été reconnue comme l’une des 751 zones urbaines sensibles en 1995, avec la mise en place de la zone de redynamisation urbaine.
Face à ce constat, une intervention lourde sur le bâti, couplée à de nombreuses mesures d’accompagnement social, a été initiée dès les années 1990 avec la mise en place successive d’un Grand Projet Urbain (GPU) puis d’un Grand Projet de Ville (GPV). Le territoire bénéficie également de fonds européens spécifiques dans le cadre du programme FEDER Pic Urban II. Une étape supplémentaire a été franchie avec la montée en puissance des politiques de renouvellement urbain liée à la loi no 2003-710 du 1er août 2003 : une reprise d’ampleur de la cité a été programmée dans le cadre d’un projet de rénovation urbaine impliquant les villes de Grigny et de Viry-Châtillon, la communauté d’agglomération des Lacs de l’Essonne, l’OPIEVOY, l’État et l’Agence Nationale pour la Rénovation Urbaine (ANRU). Ce projet de grande envergure se chiffre à près de 280 M€ de travaux et d’études, dont 130 M€ de subventions de l’ANRU et se déploie entre 2005 et 2012, la convention partenariale ayant été signée à la préfecture de l’Essonne le 30 janvier 2007.
Le parti urbain adopté pour ce projet de rénovation urbaine répond à un double objectif : ouvrir la Grande Borne sur le reste de la ville, notamment sur la ZAC Centre-ville de Grigny et désenclaver les différents secteurs de résidence, naturellement tournés au repli sur eux-mêmes par leur forme caractéristique. Le premier des deux volets d’opérations principaux est donc l’ouverture d’une voirie traversante entre le secteur du Damier et la RN 445 qu’elle rejoint au niveau de la place de la Carpe (secteur des Places Hautes) via la lisière de la Plaine Centrale. Le second volet consiste en un réaménagement lourd du secteur du Damier, notamment pour en faire le trait d’union, par-dessus l’autoroute A6, entre la Grande Borne et la ZAC Centre-ville de Grigny. Ce dernier volet prévoit à ce titre la construction d’un ouvrage de franchissement de l’autoroute. Pour préserver une des œuvres majeures d’Émile Aillaud, et notamment l’organisation spatiale caractéristique de la Grande Borne en sous-secteurs ayant une identité visuelle propre, le nombre de démolitions est limité à 355 logements dont la majeure partie sert à libérer les emprises nécessaires au passage de la voirie traversante. Le projet prévoit également la réhabilitation et la résidentialisation de la plupart des logements.
Il est à noter que, s’il est difficile de faire diminuer de façon significative le nombre de logements sociaux sur site du fait des contraintes patrimoniales qui pèsent sur les démolitions, du moins l’ensemble de la reconstitution de l’offre locative sera effectué hors site, sur la ZAC Centre-ville de Grigny en l’occurrence. Une amorce de mixité sociale sur le quartier devrait être assurée par les opérations de l’Association Foncière Logement et par une opération d’accession sociale à la propriété sur le secteur du Damier. En termes d’aménagements, l’accent est mis sur la réfection et la reprise des voiries principales, notamment la transformation en boulevard urbain de la RN 445 qui longe la Grande Borne à l’ouest, ainsi que sur la remise en état des réseaux d’assainissement, qui sont pratiquement d’origine. Enfin, le projet comporte un programme ambitieux de création ou de rénovation d’équipements, notamment scolaires, culturels et sportifs, aujourd’hui vétustes, pour les remettre aux normes actuelles et répondre aux besoins de la population, lesquels ont évolué depuis la construction de la Grande Borne.
Sur site, les opérations sont désormais engagées et la première phase du projet (essentiellement la réalisation d’équipements municipaux et communautaires) est en cours de réalisation.