La Grande Borne est une vaste cité d’habitat social de 3 685 logements (dont 206 individuels) édifiée par l’architecte Émile Aillaud sous la maîtrise d’ouvrage de l’Office Public HLM Interdépartemental de la Région Parisienne, sur le territoire des communes de Grigny et Viry-Châtillon, dans l’Essonne (91) entre 1967 et 1971. La cité fut bâtie à l’origine dans le cadre de la résorption des bidonvilles de la région parisienne et fut surtout utilisée pour reloger les habitants du 13e arrondissement de Paris alors en pleine transformation. La réalisation de la cité fut confiée à l’entreprise Bouygues. À l’exception de 90 logements appartenant à la SA HLM Logirep et d’une partie du secteur des Patios, l’ensemble de la cité est gérée par l’OPIEVOY [1]. Quoique divisée en quartiers puis en secteurs d’environ 150 logements, la cité de la Grande Borne demeure néanmoins profondément unitaire, de par sa conception d’ensemble, l’emploi d’éléments et de procédés architectoniques répétitifs et l’esprit du lieu, fondé sur l’intégration poussée dès la conception d’un travail plastique (couleur, fresques, sculptures) dans le cadre architectural singulier de ce grand ensemble atypique. Le nombre d’habitants de la Grande Borne peut être estimé à environ 13 000 (12 939 habitants selon le recensement général de la population de 1999).
Accueillant pour partie une population fragilisée et précarisée, classée Zone Urbaine Sensible, la Grande Borne est hélas célèbre pour sa situation sécuritaire relativement dégradée et l’extrême gravité des actes délictueux imputables à certains de ses résidents. Les violences urbaines de novembre 2005 n’ont pas épargné la Grande Borne où furent recensées les confrontations parmi les plus dures du pays. Il n’en demeure pas moins que, hors situations exceptionnelles, les faits de délinquance y sont sporadiques et localisés. Les risques encourus par un promeneur discret et respectueux des lieux et de ses habitants sont donc minimes. Compte tenu de la configuration de la cité désormais peu adaptée aux usages actuels, de la relative vétusté du bâti et des difficultés sociales de la population qui y vit, la Grande Borne fait aujourd’hui l’objet d’un des plus importants projets de rénovation urbaine de France, mené sous l’égide de la ville de Grigny et de l’Agence nationale pour la rénovation urbaine. Elle figure à ce titre parmi les 189 quartiers prioritaires répertoriés par l’ANRU au niveau national.
Édifiée alors que s’aiguisait la critique contre les premières opérations de construction de grands ensembles d’après-guerre, dont l’ampleur le disputait souvent à la monotonie, la Grande Borne se voulait une réponse humanisée et poétique à la problématique du logement social de masse en même temps que la Cité de l’Enfant. Connue pour la mise en couleur des façades des bâtiments qui la composent, la Grande Borne emprunte ses teintes, selon les vœux de ses concepteurs, à ces ciels de traîne si caractéristiques de l’Île-de-France. Par une de ces journées, le passant sera alors surpris d’y trouver une Grande Borne mélancolique et apaisée, bien éloignée des clichés auxquels elle est trop souvent réduite. Puisant dans les idéaux de la cité-jardin et du middle landscape, la Grande Borne s’inscrit, modestement, dans la longue histoire des utopies construites.