Le loup a été longtemps utilisé dans la pharmacopée comme en témoignent ces quelques extraits :
« Les bêtes ont été créées pour servir à l’homme, non seulement en matière de nourriture, mais aussi pour lui servir de médicament, comme l’ont dit Aristote et Jean Damascène. (…) En effet, dans le corps de la bête, il n’est rien qui, de manière évidente ou cachée, ne renferme quelque médicament. Car le cuir et le poil, les cornes et les ongles, la chair et le sang, et même le fumier des bêtes, possèdent en eux de grandes vertus médicinales. »
l'Anglais Barthélemy l’Anglais : Livre des propriétés des choses, vers 1240. (Traduit du latin par Jean Corbechon, 1372)
« Nuisible de son vivant, inutile après sa mort… » : cette condamnation absolue du loup par le célèbre naturaliste Buffon (1707-1788) ignore ou méprise les multiples pouvoirs prêtés à l’animal et à chacun de ses organes ou morceaux. Vers la même époque, on lit dans l’Encyclopédie dite de Diderot : « Les paysans et les chasseurs qui prennent des loups ne manquent point d’en conserver le foie qu’ils font sécher au four, ou de le vendre à quelque apothicaire. C’est une drogue qui se trouve communément dans les boutiques; elle est vantée contre les hydropisies qui dépendent d’un vice de ce viscère. On la donne en poudre ; à la dose d’un gros. (= 3 à 4 grammes) C’est un remède peu éprouvé. »
Depuis pour le moins l’Antiquité jusqu’au début du vingtième siècle, oralement ou par écrit, se transmettront maintes recettes créditant le loup de merveilleuses vertus médicamenteuses. Mêlant empirisme et magie, ces remèdes populaires présentent l’intérêt de refléter les mentalités pré-scientifiques. Aux yeux de ceux qui le subirent, le loup n’est pas un simple mammifère carnassier ordinaire, mais une créature dont la mythification se poursuit après sa mort.
Des oreilles à la queue, de la fourrure aux excréments : dans le loup tout est bon pour la guérison, pourrait-on dire. Accommodés de diverses manières et accompagnés par d’autres ingrédients aux pouvoirs renforcés par des incantations, les fragments choisis de l’animal redouté ne peuvent que combattre la peur et ses conséquences, comme la colique, voire l’impuissance. Grâce à ses dépouilles, on peut également profiter de ses qualités, vélocité, endurance, souplesse et courage, mais aussi vue exceptionnelle et sexualité que l’on prétend débridée. Les louves ne donnèrent-elles pas leur nom aux lupanars ?
Plutôt que de se moquer des recettes suivantes, mieux vaudrait essayer d’en comprendre l’origine…