Théorie mathématique sur le Rubik's Cube - Définition

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Introduction

Cet article présente le modèle mathématique relatif au Cube de Rubik.

Notations utilisées

  • G \, le groupe des mouvements légaux (sans démonter le cube !)
  • H \, le groupe élargi (ici on peut faire sauter le cube)
  • C_n \, = \, \mathbb Z/n\mathbb Z
  • \mathfrak{S}_n \, le groupe symétrique d'ordre n
  •  \rtimes \, comme symbole pour le produit semi-direct
  • \varepsilon \, pour la signature d'une permutation de \mathfrak{S}_n \,
  • P: \begin{matrix}\mathfrak{S}_n \times C_k^n & \rightarrow & C_k^n \\(s,(x_1,x_2,...x_n)) & \mapsto & (x_{s(1)},x_{s(2)},...x_{s(n)})\end{matrix}

(où C_k^n désigne C_k \times C_k \times ... \times C_k )

  • Les rotations d'un quart de tour dans le sens direct sont appelées R \, , U \, , L \, , F \, , B \, , D \, pour les faces

droite (right), haut (up), gauche (left), avant (front), arrière (back) et bas (down).

  • * \, l'opérateur de composition (avec (f*g)(x) = g[f(x)] \, ).
  •  (i,j) = f \in \mathfrak{S}_n : \forall k \in C_n , (k \ne i \ et \ k \ne j \Rightarrow f(k)=k) \ et \ f(i) = j \ et \ f(j)=i

Décomposition des mouvements du cube

Isomorphisme \mbox{entre} \, H \,\mbox{et} \, (C_3^8 \rtimes_P \, \mathfrak{S}_8) \times (C_2^{12} \rtimes_P \, \mathfrak{S}_{12})

Permutation des arêtes et des sommets

On associe au Rubik's cube une numérotation des faces et une autre pour les sommets.
On définit \rho : H \rightarrow \mathfrak{S}_8 \, la permutation concernant les sommets et \sigma : H \rightarrow \mathfrak{S}_{12}  \, celle des arêtes.
On a \forall (g,h) \in H^2, \rho (g*h) = \rho(g) * \rho(h) \, et de même \forall (g,h) \in H^2, \sigma (g*h) = \sigma(g) * \sigma(h) \, .
En utilisant la notation des cycles, on a \rho(F) = (1,5,8,4) = (4,8)*(8,5)*(5,1) \, et \rho(U) = (4,3,2,1) = (1,2)*(2,3)*(3,4) \, , d'où \rho(F*U)=(1,5,8,3,2) \, . (attention : la notation des cycles est davantage adaptée à la loi \circ  : si f = (1,2,3,4) \, , on a f = (1,2)\circ(2,3)\circ(3,4) = (4,3)*(3,2)*(2,1) \, et f(1)=2 ; f(2) = 3 ; f(3)=4 ; f(4)=1 \, )

Orientation des arêtes et des sommets

Pour chacun des sommets du cube, on place un marqueur noté \star qui permet de déterminer son orientation .

  • Emplacement des marqueurs :

Pour les sommets : Rubik's cube marqueurs sommets.svg
Pour les arêtes : Rubik's cube marqueurs arêtes.svg
L'orientation sera alors le nombre de rotations de 120° à effectuer sur le cube pour rétablir la place du marqueur \star \, et on définit \vec{v} \, : \, H \rightarrow C_3^8 tel que \vec{v}(g \,) soit la réorientation des coins associée au mouvement g \in H \, .
Rubik's cube orientation sommets.svg
On définit de même l'orientation des arêtes par le nombre de rotations de 180° permettant de rétablir l'orientation initiale : \vec{w} \, : \, H \rightarrow C_2^{12} . On a : \vec{v}(g*h)= \vec{v}(g) + P(\rho(g)^{-1},\vec{v}(h))
et \vec{w}(g*h)= \vec{w}(g) + P(\sigma(g)^{-1},\vec{w}(h))

Exemple : \vec{w}(F) = (1,0,0,0,0,0,0,0,1,0,0,0) , \sigma (F) = (1,6,9,5) \, , \vec{w}(U)=(1,0,1,0,0,0,0,0,0,0,0,0) et \sigma (U)=(4,3,2,1) \,
 \Longrightarrow \vec{w}(F*U) = (1,0,1,0,1,0,0,0,1,0,0,0) et \sigma (F*U)=(1,6,9,5,4,3,2) \,

L'isomorphisme

Soit H' \ = \ (C_3^8 \rtimes_P \, \mathfrak{S}_8) \times (C_2^{12} \rtimes_P \, \mathfrak{S}_{12}) , on définit l'opération * \, par :
h*h' \ = \ (v,r,w,s)*(v',r',w',s') = (v+P(r^{-1},v'),rr',w+P(s^{-1},w'),ss') \, .
L'application \begin{matrix} \iota : & H &  & \rightarrow & \ H' \\ \ & g &  & \mapsto \ & (\vec{v}(g),\rho(g),\vec{w}(g),\sigma(g))\end{matrix} est un isomorphisme.
En effet, étant donné que
,
l'application ι est un morphisme.
De plus, elle est injective car \ker(\iota) = Id_{H} (en effet si aucun cube n'est déplacé ou réorienté, c'est que le cube est resté invariant !).
Elle est nécessairement surjective car en démontant le cube (on est ici dans le groupe élargi H \, ), on peut parvenir à n'importe quelle configuration du Rubik's Cube.

Théorème fondamental : caractérisation des mouvements légaux

Soit g \in H, \iota(g) = (v,r,w,s) .
g \in G \Longleftrightarrow \left\{ \begin{matrix} a) & \varepsilon(r) & = & \varepsilon(s), \\ b) & \sum_{i=1}^{8} v_i & \equiv & 0 (mod \ 3), \\ c) & \sum_{i=1}^{12} w_i & \equiv & 0 (mod \ 2) \end{matrix} \right. .

Démonstration de la partie directe

\varepsilon(\rho(g))=\varepsilon(\sigma(g)) \,

Soit g \in G .

On a r = \rho(g) \, et s = \sigma(g) \, . On écrit g = X_1X_2...X_k \, , où X_i \, est un mouvement parmi R \, , L \, , U \, , F \, , B \, et D \, .On démontre que pour chacun de ces mouvements, que \varepsilon(\rho(X))=\varepsilon(\sigma(X)) \, . Étant donné que \varepsilon \, , \rho \, , \sigma \, sont des morphismes, on a alors :
\varepsilon(r) = \varepsilon(\rho(g)) = \prod_{i=1}^k \varepsilon(\rho(X_i)) = \prod_{i=1}^k \varepsilon(\sigma(X_i)) = \varepsilon(\sigma(X)) = \varepsilon(s) .

\sum_{i=1}^8 v_i \equiv 0 (mod \ 3)

Vérifions que cette relation est valable pour les six rotations "de base" :

g \,
F \, (2,0,0,1,1,0,0,2)
U \, (0,0,0,0,0,0,0,0)
D \, (0,0,0,0,0,0,0,0)
B \, (0,1,2,0,0,2,1,0)
R \, (1,2,0,0,2,1,0,0)
L \, (0,0,1,2,0,0,2,1)

Il est immédiat que \sum_{i=1}^{8} v_i \equiv 0 (mod \ 3) \Longleftrightarrow \exists P \in S_8 : \sum_{i=1}^{8} v_{P(i)} \equiv 0 (mod \ 3) et que si deux familles (v_i) \, et (v_i') \, vérifient b), alors la famille (v_i + v_i') \, vérifie b) également.

On écrit le mouvement g de la même manière que précédemment ( g = X_1X_2...X_k \, ), on suppose de plus qu'il s'agit d'une expression minimale du mouvement (ie on ne peut l'écrire avec moins de mouvements). L'entier k est appelé longueur de g (il s'agit de la distance entre g et l'identité dans le graphe de Cayley de G.)

On peut donc prouver b) par induction sur la longueur du mouvement. La longueur k=1 a déjà été vérifiée (si k = 1, alors g \in \{R,L,U,F,B,D\} ).

Supposons k>1. On a \vec{v}(X_1X_2...X_{k-1}X_k) = \vec{v}(X_1X_2...X_{k-1}) + P(\rho(X_1X_2...X_{k-1})^{-1},\vec{v}(X_k)) . \rho(X_1X_2...X_{k-1}) \, étant une permutation de  \mathfrak{S}_n , P(\rho(X_1X_2...X_{k-1})^{-1},\vec{v}(X_k)) vérifie b), de plus d'après l'hypothèse d'induction, \vec{v}(X_1X_2...X_{k-1}) le vérifie également. Comme leur somme le vérifie, on obtient la relation.

\sum_{i=1}^{12} w_i \equiv 0 (mod \ 2)

Idem que précédemment en remplaçant ρ par σ

Démonstration de la réciproque

Soit g \in H vérifiant les trois points présentés précédemment.

On démontre d'abord la réciproque dans des cas particuliers, pour arriver ensuite au cas général.

v quelconque, r=id_{[[1,8]]} ; s=id_{[[1;12]]} ; (w_i)_{1\le i \le 12}=(0,0...,0)

Il existe un mouvement qui tourne deux coins (sans les permuter) et qui préserve l'orientation et la position de chacun des autres cubes. En modifiant ce mouvement, on peut générer l'ensemble des 8-uplets vérifiant b) Certains de ces mouvements seront ajoutés par la suite

w quelconque, r=id_{[[1,8]]} ; s=id_{[[1;12]]} ; (v_i)_{1\le i \le 8}=(0,0...,0)

Il est possible de retourner deux arêtes et de laisser le reste invariant. On génère alors l'ensemble des 12-uplets vérifiant c).

v et w quelconques, r=id_{[[1,8]]} ; s=id_{[[1;12]]} \,

Soit g \, défini par (v,id_{[[1,8]]},w,id_{[[1,12]]}) \, , h \, et h' \, définis par (v,id_{[[1,8]]},0,id_{[[1,12]]}) \, et (0,id_{[[1,8]]},w,id_{[[1,12]]}) \, .
\iota(h*h')=(v+P(id^{-1},0),id,0+P(id^{-1},w),id)=\iota(g) \, , alors comme \iota \, est bijective, on en déduit g=h*h' \, : c'est la composée de deux mouvements "légaux", donc g \in G \, .

r et s quelconques, (v_i)_{1\le i \le 8}=(0,0...,0) ; (w_i)_{1\le i \le 12}=(0,0...,0)

On montre en utilisant la relation a) que ce mouvement appartient à G \,

(A approfondir)

v,r,w,s quelconques

Soit g \, vérifiant a) b) et c). Alors \iota(g)=(v,id,0,id)*(0,id,w,id)*(0,r,0,s) \, et chacun de ces trois mouvements est légal, donc g \in G \, .

Calcul du cardinal du groupe des mouvements du Rubik's Cube

  • On élargit le groupe en supprimant la condition a) par

G_0=(\{(v,r,w,s) | r \in \mathfrak{S}_8, s \in \mathfrak{S}_{12}, \sum_{i=1}^{8} v_i \equiv 0 \,(mod \, 3), \sum_{i=1}^{12} w_i \equiv 0 \,(mod \, 2) \} .
On définit sur G_0 \, l'opération * \, par (v,r,w,s)*(v',r',w',s')=(v+P(r^{-1},v'),r*r',w+P(s^{-1},w'),s*s') \, .
(G_0,*) \, est un groupe :

    • * \, est interne
    • l'associativité de * \,  :
      • est évidente pour r\, et s\,
      • découle (pour v \, et w \, ) du fait que \left\{ \begin{matrix}P(r,a+b) & = & P(r,a)+P(r,b) \\ P(r*r',a) & = & P(r',P(r,a)) \end{matrix} \right. (attention à l'opération * \, )
    • (0,id,0,id) \, est élément neutre
    • (-P(r^{-1},v),r^{-1},-P(s^{-1},w),s^{-1}) \, est l'inverse de (v,r,w,s) \,
  • G_0 \, est isomorphe à ( \mathcal{C}_3^7 \rtimes \mathfrak{S}_8) \times ( \mathcal{C}_2^{11} \rtimes \mathfrak{S}_{12})

avec \mathcal{C}_n^k=\{(v_1,v_2,...,v_k,v_{k+1} | \forall i \in [[1,k+1]], v_i \in [[0,n-1]] \, \mbox{et} \, \sum_{i=1}^{k+1} v_i \equiv 0 \,(mod \, n) \} ,
ie \mathcal{C}_n^k=\{(v_1,v_2,...,v_k,\overline{ \left(-\sum_{i=1}^{k} v_i \right) } \, | \, \forall i \in [[1,k]], v_i \in [[0,n-1]] \} , où \bar x \, désigne la classe d'équivalence de x dans C_n \, .
On obtient ainsi \mathcal C_n^k \cong C_n^k \, ,
et on en déduit card \, G_0 = (card \mathfrak S_8) \times (card \mathfrak S_{12}) \times  (card C_3^7) \times (card C_2^{11}) = 8! \times 12! \times 3^7  \times 2^{11} \,

  • G \subset G_0 \, et  G = \{(v,r,w,s) \in G_0 \, | \, \varepsilon(r) = \varepsilon(s) \} \,

Soit \begin{matrix} f : & G_0 & \rightarrow & \{-1,1\} \\ & (v,r,w,s) & \mapsto & \varepsilon(r)\varepsilon(s) \end{matrix} , on a G=\, ker\, f\, .

  • Montrons que G \, est un sous-groupe normal de G_0 \, .
    • D'après la caractérisation des sous-groupes, G \, est un sous-groupe de G_0 \, .
    • \forall g \in G_0, \forall h \in G, g^{-1}*h*g \in G \, .
      • on a \rho( g^{-1} * h * g ) \in \mathfrak{S}_8, \sigma( g^{-1} * h * g) \in \mathfrak{S}_{12} \, .
      • comme g,h \in G_0 \, , alors les propriétés b) et c) sont vérifiées par g^{-1}*h*g \, (structure de groupe).
      • \begin{matrix} \varepsilon(\rho(g^{-1}*h*g))\varepsilon(\sigma(g^{-1}*h*g)) & = & \varepsilon(\rho(g^{-1}))\varepsilon(\rho(h))\varepsilon(\rho(g))\varepsilon(\sigma(g^{-1}))\varepsilon(\sigma(h))\varepsilon(\sigma(g)) & \mbox{car }\varepsilon,\rho\mbox{ et }\sigma\mbox{ sont des morphismes} \\ & = & \varepsilon(\rho(g^{-1}*g))\varepsilon(\sigma(g^{-1}*g))\varepsilon(\rho(h))\varepsilon(\sigma(h)) & \\ & = & \varepsilon(\rho(h))\varepsilon(\sigma(h)) & \mbox{ car }g^{-1}*g=id \\ & = & 1 & \mbox{ car }h \in G \end{matrix}\,

Donc G \rtimes G_0 \, , et le groupe quotient G_0 / G \, existe.

  • Calcul de l'indice de G \, dans G_0 \,  :

Soit \mathcal R la relation définie par  \forall (g,g') \in G_0 , g=(v,r,w,s),g'=(v',r',w',s'),
g\mathcal Rg' \Leftrightarrow \varepsilon(r)\varepsilon(s)=\varepsilon(r')\varepsilon(s')
Soit g = (v,r,w,s)\in G_0 \, et g_1 = (v,\tau*r,w,s) \in G_0 \tau \, est une transposition.
Soit h \in G_0 , on a  h\mathcal R g \mbox{ ou }h \mathcal R g_1 , d'où G_0/G=\{cl(g),cl(g_1)\} \, .
On en déduit que l'indice de G \, dans G_0 \, est [G_0:G] =|G_0/G|=2 \, .
D'après le théorème de Lagrange, |G|=|G_0| / [G_0:G] = \underline{8!12!2^{10}3^7} \,

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