L'architecture totalitaire désigne l'architecture des régimes totalitaires du XXe siècle, soit le régime fasciste italien (1922-1945), le régime nazi allemand (1933-1945) et le régime soviétique, essentiellement pendant sa période stalinienne (1929-1953). Ce concept repose sur le constat de l'importance donnée à l'architecture dans ces régimes et insiste sur le fait que ces régimes, malgré leurs différences, ont abouti à des conceptions architecturales comparables.
Ce type d'architecture est né en Italie dans les années 1920 avec l'ascension du fascisme. Elle se répand rapidement dans les pays totalitaires d'Europe tels que l'Allemagne nazie et l'Union soviétique de Staline jusqu'à la fin de la Seconde Guerre mondiale.
L'opposition entre tenants de l'architecture moderne et tenants de la tradition a laissé croire que l'architecture des régimes totalitaires s'identifiait avec le retour à la seule tradition néo-classique, contre le mouvement moderne incarné par les Congrès internationaux d'architecture moderne (CIAM). En fait, l'architecture néo-classique n'a pas été l'apanage des seuls régimes totalitaires, qui ont eux-mêmes développé des styles architecturaux plus diversifiés.
Le concept d'architecture totalitaire repose sur la similitude constatée entre certaines réalisations des régimes fascistes, nazis et soviétiques, tant sur le plan quantitatif (grande période de construction publique, taille des monuments) que qualitatif (reprise d'éléments néo-classiques intégrés avec des éléments de l'architecture moderne).
Effectivement, les régimes totalitaires ont donné une grande place à l'architecture en tant qu'expression visible à la fois de la « révolution » en train de se produire et d'expression des valeurs des régimes (primautés de la communauté ou de la collectivité sur l'individu, ordre, fusion autour d'un projet unique, etc). Lénine parle dès 1918, à une époque où il n'était pas encore question de totalitarisme, de « propagande monumentale »
L'assimilation du néoclassicisme des années 1930 aux régimes totalitaires est critiquée par ceux qui préfèrent évoquer un « style des années 1930 ». Ces derniers font remarquer que les constructions contemporaines des pays non soumis à des régimes totalitaires présentent les mêmes caractéristiques. Comme le rappelle le professeur en architecture Jean-Louis Cohen : « Les régimes autoritaires sont loin d'être les seuls commanditaires des monuments classiques, comme les aménagements de la colline de Chaillot à Paris, du Triangle fédéral de Washington et les grands bâtiments publics britanniques en font foi. Les grandes expositions internationales sont aussi le prétexte à des démonstrations d'hystérie architecturale dans lesquelles les conservateurs sont toujours gagnants. ».
Par exemple les constructions des bâtiments administratifs de Washington DC (le Supreme Court Building, le National Gallery of Art, les National Archives, le Jefferson Memorial) et du New Deal aux États-Unis (« marqué par un classicisme dépouillé dont Paul Philippe Cret se fera le théoricien » à partir de 1932), les bâtiments de l'Exposition universelle de 1937 à Paris en France (Palais de Chaillot, Palais de Tokyo, etc.).
L'architecte nazi Albert Speer le reconnaît lui-même dans ses mémoires : « On a plus tard affirmé que ce style (néoclassique) était la marque de l'architecture d'État des régimes totalitaires. Cela est totalement inexact. C'est plutôt la marque d'une époque, reconnaissable à Washington, à Londres ou Paris, tout comme à Rome, Moscou ou dans nos projets de Berlin. ».
Ce style des années 1930 est en effet la conséquence de l'affirmation des États dans le domaine architectural, à la suite de leur intervention croissante dans l'économie provoquée par la Première Guerre mondiale puis les crises économiques et de la montée en puissance du concept de planification économique, territoriale, etc. Il est donc l'expression de l'État interventionniste, qu'il soit État-providence démocratique ou état totalitaire.