Le 19 avril 2010, Ubisoft annonça l’élimination des manuels en format papier pour tous ses prochains jeux sur Xbox 360 et Playstation 3, en commençant par Shaun White Skateboarding, prévu pour le temps des fêtes de cette même année, dans un soi-disant effort pour être plus vert. En contrepartie, un manuel intégré au jeu, plus documenté et compréhensible, est promis. C’est la première fois qu’un éditeur annonce une initiative aussi radicale concernant ses jeux en format boîte, même si une réduction de la complexité des manuels pour certaines productions avait déjà été remarquée avant et surtout durant la septième génération de consoles.
De nombreux analystes et fans, dont l’expérience des jeux vidéo incluait pratiquement toujours un manuel, se sentent lésés à cette annonce qui soulève chez eux une vague de nostalgie et de souvenirs, même si plusieurs admettent que les manuels inclus dans les boîtiers de jeux ont perdu de leur utilité étant donné l’aide disponible dans les jeux par le biais de nombreux didacticiels ou de l’Internet. Néanmoins, plusieurs allèguent que les manuels d’aujourd’hui sont plus qu’un simple legs désuet du passé, mais une excellente façon d’ajouter de l’information supplémentaire difficile à inclure dans le jeu lui-même et représentant une « plus value » à laquelle le consommateur devrait s’attendre. De plus, toujours selon eux, son exclusion créera un sentiment de « vide ». Ce qui fâche et déçoit les gens, c’est surtout qu’ils n’y voient qu’une autre façon, pour les compagnies de jeux vidéo, de couper dans les coûts de production et de s’enrichir en donnant toujours moins aux joueurs. Pour plusieurs d’entre eux, l’initiative ne leur semble pas mauvaise en soi, mais ils jugent hypocrite de faire valoir une conscience environnementale lorsqu’il s’agit des versions « de base » des jeux alors que les versions du type « collector » contiennent de plus en plus de bonus totalement accessoires.
Bien que cet événement fasse difficilement partie du débat sur la dématérialisation des jeux vidéo, il paverait peut-être la voie à une dématérialisation généralisée sous le prétexte d’être plus écologique. Jim Reilly, éditeur sur le site ign.com, y va de cette déclaration : «De toute façon, j’estime que les joueurs ne devraient pas accepter d’acheter des jeux sans manuels en papier. Nous sommes déjà obligés d'acheter des jeux 10 $ plus cher que la génération précédente ; on s’attend de nous de payer davantage, quelques semaines plus tard, pour un contenu téléchargeable qui aurait déjà dû être disponible sur le disque et, en retour, on doit se contenter de jeux remplis de bogues et de pépins techniques au lancement. Bientôt, les éditeurs trouveront une excuse pour arrêter de fabriquer des disques de jeu et leurs boîtes, ne nous laissant rien de notre bagage de joueur.»
La dématérialisation des jeux vidéo est le phénomène de transition progressive, complète ou partielle, vers une distribution dématérialisée des jeux vidéo. Ce phénomène, prévu par certains et encouragé par de nombreux signes avant-coureurs, n’en reste pas moins pour l’instant du domaine de l’hypothétique.
Cette dématérialisation signifierait bien plus que l’augmentation du nombre de téléchargements disponibles, ce serait un changement en profondeur de quelques-unes des conventions les plus connues et les mieux ancrées du monde vidéoludique. Certains parlent même de l’ultime génération de console puisque la distribution exclusivement dématérialisée des jeux vidéo rendrait obsolète l’acquisition de matériels informatiques toujours plus puissants pour jouer aux derniers jeux vidéo sortis.
Selon reuters.com : « L’analyste de Wedbush Morgan Securities Michael Pachter estime que les jeux téléchargés numériquement compteront pour environ 2% des ventes de l’industrie [en 2009], ou environ 400 millions de dollars. Il estime que la demande doublera annuellement pour quelques années, à 800 millions de dollars en 2010 et à 1,6 milliard de dollars en 2011. » Pourtant, Jens Uwe Intat, le vice-président et directeur général de la filiale européenne de l'éditeur Electronic Arts, ne croit pas que la dématérialisation se produira avant au moins 20 ans, selon lui : « On avait l'habitude d'être sous les 1 Go, mais maintenant nous faisons des jeux qui prennent 8, 9, 10 Go... et si la distribution par bande passante permet un jour de distribuer 10 Go en une demi-heure, nous aurons des jeux qui pèseront 100 Go ».
Pour les joueurs/consommateurs, un avantage indéniable de la dématérialisation est de ne pas avoir besoin de sortir de sa demeure pour acquérir le jeu de son choix et, à la différence des jeux que l'on peut commander en ligne, ne requièrent pas de frais de livraison. Théoriquement, il sera aussi toujours disponible des années après sa sortie. Il est également possible de commencer à jouer assez rapidement si le jeu n’est pas trop volumineux, s’il possède une option pour commencer à jouer avant la fin du téléchargement et si l’on possède une connexion Internet performante. De plus, il est impossible de briser ou d’endommager ses jeux tant que son dispositif de stockage n’est pas cassé ou défectueux, son espace physique est moins embarrasé, on peut passer d’un jeu à l’autre sans avoir besoin de changer, par exemple, de CD-ROM et c'est une solution sensée pour aider à préserver l'environnement.
Malheureusement, même si les éditeurs sauvent de l’argent à distribuer leurs jeux par voie électronique, ils les vendent souvent pour l’instant au même prix et parfois plus cher que la version en boîte. Les raisons pour cela sont l’impossibilité des joueurs/acheteurs d’échanger ou de vendre leurs jeux dans cet état ce qui tue le marché de l’occasion, la diminution – actuellement drastique – de la compétition à cause du monopole de quelques distributeurs et dans une moindre mesure, la fin du marché de l'import. Habituée à une « copie solide » entre les mains, du moins pour la majorité des joueurs actuels, la communauté reste divisée sur la question de la dématérialisation des jeux vidéo. Elle craint que ce système entrave leur liberté de disposer de leurs jeux comme elle le souhaite par l’ajout de mesures contre le piratage tel que le très controversé DRM (Digital Rights Management ou Gestion des droits numériques) par les entreprises. Finalement, certains joueurs/consommateurs, sont plus à risque de dépenser d’importantes sommes d’argent lorsque l’offre est aussi immédiate.
Pour les éditeurs, ces changements seraient pratiquement tous positifs et leur assuraient un bien meilleur contrôle de leurs produits, notamment pas l’élimination du marché de l’occasion et de l’import et par une protection soi-disant supérieure contre le piratage. Selon le site jeuxvideopc.com : « La logistique (emballage, acheminement…) représente […] de 3 à 6% du prix de vente final du jeu. » les économies ainsi réalisées pourraient s'avérer importantes et l’inquiétude de récupérer des jeux invendus serait annulée. De plus, les jeux vidéo, en prenant de l’âge, disparaissent rapidement des étagères au profit des dernières nouveautés; un jeu moins récent aura quand même la possibilité de se vendre en format dématérialisé.
Les véritables gagnants de la distribution dématérialisée, chez les développeurs, sont les petits développeurs indépendants qui réussissent à obtenir des accords avec d’importants distributeurs car leurs oeuvres demandent peu ou pas d'investissement initial afin d'être commercialisées; on peut imaginer qu'une accentuation de la dématérialisation ne pourrait leur être que bénéfique. Collectivement, leur part de marché c’est déjà accrue substantiellement grâce à l’effet de la « longue traîne », ce qui devrait diminuer la précarité de ces modestes entreprises et aussi leur dépendance aux principaux distributeurs à mesure que des initiatives comme l'Indie Fund et d’autres associations voient le jour.
La pilule est plus dure à avaler pour les commerçants traditionnels. Il faudra s’attendre, si la dématérialisation s’intensifie, à des pertes d’emplois dans ce secteur, voir carrément à des fermetures de commerces spécialisés dans la vente de jeux vidéo qui ne s’auraient s’adapter.