Pendant très longtemps, les physiciens, dont Christian Huygens, ont supposé que, comme le son dans l'air ou les ondes à la surface d'un milieu liquide, la lumière se propageait dans un fluide : l'éther. L'éther était censé remplir le vide de l'univers, puisque la lumière des étoiles nous parvient. Il n'était pas nécessaire dans la théorie corpusculaire de la lumière de Newton, mais celle-ci fut définitivement réfutée par Fresnel.
Partisan de la théorie vibratoire de la lumière, Thomas Young adopta ce point de vue, et Lord Kelvin (William Thomson) étendit les propriétés à la transmission des phénomènes électriques et magnétiques. Cette idée fut reprise en 1861 par James Clerk Maxwell lors de sa théorie qui synthétise électricité et ondes magnétiques, l'électromagnétisme.
L'interprétation de Fresnel de la célérité c/n dans un milieu matériel va dans ce sens : l'onde plane incidente trouble le milieu qui ré-émet à son tour, etc.
L'éther est donc nécessaire comme « substance » support de la vibration, car la vibration de l'espace vide n'est pas envisagée à l'époque !
Mais ce fluide avait des propriétés étranges : il aurait dû être d'une rigidité quasi infinie pour nous transmettre la lumière d'étoiles situées à plusieurs années-lumière, tout en offrant une résistance nulle au déplacement des objets matériels (puisque la Terre tourne autour du Soleil sans en être ralentie). On fera en fin de compte l'économie d'un concept qui, en apparence, n'apportait pas grand-chose (voir rasoir d'Occam).
Pour Fresnel, l'éther est immobile dans le vide de l'espace absolu : l'aberration de Bradley s'explique ainsi très aisément. Pour le vent d'Arago, sa théorie élimine le vent d'éther, après un calcul somptueux (« tour de force »), appelé « Entraînement partiel de l'éther [le fameux facteur (1-1/n^2)] par la matière en mouvement. »
Pour Stokes, l'éther est immobile par rapport à la matière, donc à la Terre (donc, comme pour Fresnel, pas de vent d'Arago). Le problème du vent est rapporté au monde loin de la Terre : en prenant un fluide sans rotationnel, le mouvement de la Terre dans ce fluide est estompé : c'est le classique problème d'hydrodynamique qu'a précisément traité Stokes : à la limite des très faibles viscosités, on ne voit rien et l'aberration stellaire s'explique donc ainsi parfaitement.
1850 : expérience de Hippolyte Fizeau : de l'eau en mouvement de vitesse v sur un bras de l'interféromètre et -v sur l'autre bras. Confirmation très claire de la théorie de l'éther de Fresnel, avec toutefois un petit problème subtil à résoudre pour la dispersion n(λ).
1855-1865 : célèbres travaux de James Clerk Maxwell : équations de Maxwell, re-rédigées par Hertz plus tard, écartant les théories de Weber, de Bernhard Riemann et de Ludvig Lorenz (pas Hendrik Lorentz, attention). Mise en chantier de la théorie d'Helmholtz, qu'Hertz doit « démontrer expérimentalement », mais Hertz réplique : « Maxwell suffit ! »
1881 : Expérience de Michelson (1852-1931, Nobel 1907), reprise en 1887.
1886 : Michelson refait l'expérience de Fizeau, et confirme de manière cette fois irréfutable la théorie de l'éther de Fresnel.
1887 : Michelson reprend avec Edward Morley sa célèbre expérience de Michelson-Morley : confirmation éclatante de la théorie de l'éther de Stokes.
L'idée que la lumière devait avoir une vitesse fixe par rapport à son milieu porteur, l'éther, a amené Michelson à tenter de mesurer la vitesse de la terre par rapport à l'éther, imaginé comme le repère absolu.
Michelson posa alors solennellement à la communauté scientifique le « paradoxe des deux éthers » : en aucun cas il n'était encore question de propagation dans un milieu absolument vide. Bien au contraire, on va même chercher à analyser les propriétés de cet éther universel. Par exemple, après la découverte des gaz rares par William Ramsay, Mendeleïev ira jusqu'à effectuer des recherches sur les propriétés chimiques de l'éther.